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Ministre des Affaires étrangères

et du Développement International

Dans ce monde changeant et turbulent, il appartient à chaque État d’affirmer ses intérêts. Nous menons une stratégie offensive au service de nos intérêts et de notre influence. Nous développons une approche du monde nouveau à travers plusieurs orientations qui soutiennent concrètement les intérêts de la France.

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Ministre des affaires étrangères

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« Un grand ministère de l’action extérieure de l’Etat »

Entretien avec Laurent Fabius, Ministre des Affaires Étrangères et du Développement international

Laurent Fabius a accompagné le Président François Hollande lors de sa visite d’État aux Philippines du 25 au 27 février 2015, à l’invitation du Président Benigno Aquino III. Cette visite a permis de renforcer la relation bilatérale et s’est inscrite dans le travail de préparation de la conférence Climat à Paris (COP21) en décembre 2015. A ce titre, l’Appel de Manille à l’action pour le climat a invité, in fine : « chacun […] à faire prendre conscience de la nécessité d’agir rapidement et partout, et de parvenir à un accord mondial sur le climat en décembre à Paris. » (Source : www.diplomatie.gouv.fr)

Lors d’un discours à l’Ecole polytechnique le 25 juin 2013, intitulé « La France, puissance d’influence face aux changements du monde », vous avez souligné : « Dans ce monde changeant et turbulent, il appartient à chaque État d’affirmer ses intérêts. Nous le faisons. Nous menons une stratégie offensive au service de nos intérêts et de notre influence. Nos ambitions régulatrices ne sont pas contradictoires avec la nécessité de veiller à nos intérêts propres, et à cet égard, j’ai développé, en accord avec le Président de la République, une approche du monde nouveau à travers plusieurs orientations qui soutiennent concrètement les intérêts de la France ».

Pouvez-vous évoquer ce monde nouveau que vous observez comme étant brouillé, éclaté et hésitant ?

Nous ne vivons pas seulement une crise, ou une série de crises, mais un véritable changement de monde. Nous ne sommes plus dans le monde bipolaire de la guerre froide, ni dans le monde unipolaire de l’après-guerre froide, dominé par une seule puissance, les Etats-Unis. Nous vivons aujourd’hui dans un monde que je qualifie de « zéro-polaire » : aucune puissance ou alliance de puissances ne peut, à elle seule, résoudre l’ensemble des crises auxquelles le monde est confronté. La volonté politique de la France est d’agir pour permettre l’émergence d’un « monde multipolaire organisé», mais ce but est encore loin d’être atteint. A cette « dépolarisation » du monde s’ajoute un éclatement de la puissance : des acteurs non étatiques, notamment des groupes armés autonomes – je pense à Daech, à Boko Haram, à Al-Qaida –, défient de plus en plus fortement les Etats, piliers traditionnels de l’ordre international. La situation actuelle peut donc se résumer ainsi : davantage de forces à contrôler et moins de forces pour les contrôler. Face à ce monde chaotique et à certains égards nouveau, la diplomatie française se fixe des orientations claires. En accord avec le Président de la République, j’ai énoncé quatre priorités : la paix et la sécurité ; l’organisation et la préservation de la planète ; la relance et la réorientation de l’ Europe ; le redressement et le rayonnement de la France. Chaque fois que le Président de la République, le Premier ministre ou moi-même avons des décisions de politique étrangère à prendre, c’est à ces quatre priorités que nous nous référons.

S’agissant de l’organisation du réseau diplomatique, l’une de vos orientations « consiste à être présent là où l’avenir se construit. 15 000 personnes travaillent au Quai d’Orsay et dans son réseau. La nouvelle géopolitique que nous avons esquissée exige de redéfinir notre action et de redéployer nos moyens afin que la France soit présente là où s’écrit l’histoire du monde contemporain et de demain ».

Comment avez-vous engagé ou approfondi l’adaptation du réseau diplomatique et consulaire de la France ?

Pour faire face aux défis de ce monde nouveau, je veux construire, avec les personnels très compétents du Quai d’Orsay, le ministère des Affaires étrangères du 21e siècle. L’un des principaux enjeux consiste, comme vous le rappelez, à adapter notre réseau à la nouvelle « géographie de la puissance » : disposer du même nombre de diplomates dans nos ambassades en Belgique et en Chine n’aurait pas grand sens ! Tout en maintenant l’universalité de notre réseau diplomatique, nous avons donc commencé à renforcer notre présence là où se construit le monde de demain et là où nos intérêts sont les plus forts. D’où le redéploiement d’effectifs vers des secteurs et des zones prioritaires : les pays émergents d’ Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud. Dans cet esprit, il est logique que nous réexaminions nos moyens dans les pays où l’histoire nous a légué un réseau important. C’est aussi pourquoi nous transformons un certain nombre d’ambassades en « postes de présence diplomatique », aux missions recentrées : 13 l’ont déjà été sur la période 2013-2015, et autant sont en cours de transformation pour la période suivante. Cette réorganisation est sensible pour les agents concernés, mais nous faisons le maximum pour qu’ils soient accompagnés au mieux dans ce changement. C’est la condition indispensable pour poursuivre l’évolution de notre réseau, facteur essentiel de renforcement de notre diplomatie.

Une autre de vos orientations concerne la diplomatie économique. Quelle organisation avez-vous mise en place afin que le ministère des Affaires étrangères « ne soit pas seulement le ministère des relations politiques ou de l’action culturelle extérieure mais qu’il soit aussi le ministère des entreprises » ?

Depuis mon arrivée à la tête du Quai d’Orsay il y a bientôt trois ans, l’urgence économique s’est imposée d’elle-même. Il serait inconcevable, compte tenu de la situation de la France, que le Ministre en charge des affaires étrangères se désintéresse de l’internationalisation de notre économie. C’est ce constat qui m’a conduit, vous le savez, à vouloir élargir le périmètre classique du Quai d’Orsay. J’ai souhaité il y a quelques mois – en accord avec le Président de la République et le Premier ministre – que le Quai d’Orsay ne soit pas uniquement le Ministère des affaires étrangères mais celui des affaires étrangères et du développement international. Il s’agissait de créer, pour la première fois, un grand ministère de l’action extérieure de l’Etat, qui s’étende au-delà du cœur de métier diplomatique traditionnel : il inclut depuis avril 2014 le commerce extérieur et le tourisme. Le ministère exerce désormais une compétence économique et financière clairement affirmée. Pour l’assumer, il fallait procéder à des ajustements dans l’organisation. Nous avons donc mis fin aux doublons Quai d’Orsay/Bercy, qui étaient source à la fois de complexité pour les entreprises et d’inefficacité pour l’administration. Au Quai d’Orsay, j’ai nommé un Secrétaire général adjoint, venu de Bercy, spécialement chargé de suivre la transversalité de notre action économique. J’ai créé une direction des entreprises et de l’économie internationale. Dans chaque direction géographique, le directeur adjoint est désormais directement responsable de l’économie. J’ai également nommé des représentants spéciaux pour certains pays ou certaines zones géographiques : leur mission est de développer nos relations économiques avec ces partenaires clés, qu’ils connaissent particulièrement bien. Ces nouvelles compétences entraînent des évolutions dans le recrutement et la formation des agents : la place de l’ économie sera renforcée dans les épreuves des concours dès 2015, nous multiplierons les modules de formation à la diplomatie économique dans nos formations initiale et continue. Mais attention ! Cet accent sur la diplomatie économique ne doit pas nous faire oublier que notre diplomatie est globale : elle concerne les domaines stratégique, culturel, éducatif, scientifique, la francophonie, etc. C’est cette globalité qui rend compte de l’influence de la France et fait d’ailleurs tout l’intérêt des parcours au sein du Quai d’Orsay.

Au titre de la diplomatie économique, pouvez-vous évoquer Business France, structure née le 1er janvier 2015 de la fusion d’Ubifrance et de l’Agence Française pour les Investissements Internationaux ? Quelle est sa feuille de route ?

Business France exerce deux missions principales : le soutien de nos entreprises, notamment de nos PME, dans leur développement à l’export ; la promotion de l’attractivité de notre territoire à l’égard des investisseurs internationaux. Auparavant, chacune de ces missions était assumée par un opérateur distinct : nous avons décidé de fusionner les deux opérateurs pour créer une agence unique, dans un souci de simplification, de lisibilité et d’efficacité. Depuis le 1er janvier 2015, Business France est en ordre de marche, sous la direction de Muriel Pénicaud, qui connaît bien le monde de l’entreprise. L’ agence aura également pour mission de mettre en œuvre une stratégie de communication et d’influence pour développer l’image économique de la France au plan international : face à des campagnes internationales souvent peu amènes, nous avons désormais à notre disposition une « agence réputationnelle » pour notre pays. Certes, nous ne sommes pas parfaits – comme nous le rappellent régulièrement les praticiens du « French Bashing » ! –, beaucoup de réformes internes restent à mener, mais nous disposons aussi d’atouts exceptionnels : à nous de mieux les faire connaître au monde.

Enfin, le 6 septembre 2012, lors de la Conférence inaugurale de l’Ecole des Affaires internationales de Sciences Po Paris, vous avez tenu ce discours : « L’enjeu pour nous et pour les nouvelles générations est de construire un nouveau modèle de développement qui permette de retrouver le chemin de la prospérité et du progrès, de réduire les inégalités et d’améliorer les outils de régulation afin notamment de prendre en compte les enjeux climatiques et environnementaux ».

Quelles sont vos ambitions, en termes d’objectifs et de résultats, pour le Conférence Paris Climat 2015 ?

2015 sera pour la France, et en particulier pour le Quai d’Orsay, une « année climat ». Nous accueillerons à la fin de l’année la 21e Conférence des Nations unies pour le climat, la COP 21, et j’aurai la responsabilité de la présider. Il s’agira de la plus vaste conférence internationale jamais organisée en France – 20 000 délégués, 20 000 invités, 3 000 journalistes. L’urgence d’agir n’a jamais été aussi forte. Si nous ne parvenons pas à limiter à 2°C la hausse des températures d’ici la fin du siècle, les conséquences du dérèglement climatique seront dramatiques. Pour le climat de notre planète, mais aussi pour la sécurité, la santé, la vie elle-même. L’espoir de parvenir à un accord historique pour la préservation de notre planète est réel. La COP 20 à Lima nous a permis de progresser.

Mais la tâche reste très ardue : mettre d’accord 195 pays – 196 parties avec l’Union européenne –, dont les situations sont diverses, dans des domaines si complexes, les obstacles ne manqueront pas. Quel est notre objectif ? Nous voulons aboutir à une « alliance de Paris pour le climat », qui comprendrait quatre piliers : un accord universel et différencié, juridiquement contraignant, consacrant l’objectif d’ une limitation du réchauffement à 2° C ; une série de contributions nationales comportant des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre ; un paquet financier, pour soutenir les pays les moins avancés et les plus vulnérables ; enfin, un recensement des initiatives « climato-protectrices » des villes, des régions, des entreprises, des associations – ce que j’ ai appelé « l’agenda des solutions ». Tout au long de cette année, je ne ménagerai pas mes efforts pour transformer cet espoir en réalité. C’est ma priorité absolue. Comme le dit bien le Secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon : « Il n’ y a pas de plan B car il n’y a pas de planète B. »

 

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Une administration qui s’adapte

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« Diplomatie », le premier réseau social interadministrations

Entretien avec Nicolas Chapuis, Directeur des systèmes d’information du ministère des Affaires étrangères et du Développement international

La création de ce réseau marque la volonté pour le ministère d’évoluer vers un système d’information de l’État basé sur les technologies les plus avancées auquel ont accès les agents partout dans le monde.

Lorsque vous êtes arrivé au ministère, en 2011, vous avez mis fin au télégramme diplomatique pour faire basculer l’ensemble de la correspondance diplomatique dans un réseau dédié. Ce changement s’est-il opéré facilement ?

Ce changement était surtout souhaité, pour plusieurs raisons. Le cloisonnement excessif de la correspondance diplomatique était un facteur de rigidité et de dysfonctionnements, notamment en interministériel. Le caractère de plus en plus global et immédiat des crises nécessitait un nouvel outil de traitement de l’information, qui prenne en compte l’impératif du partage en sus de l’exigence du droit de connaître. Le besoin exprimé par les agents de méthodes de travail moins verticales et plus collaboratives invitait également à revoir la circulation de la correspondance. L’explosion de la volumétrie des courriels posait enfin des problèmes de conservation et de sécurité de ces flux non contrôlés et, d’une manière générale, de gestion de cette information non formalisée.

Aucun changement n’est facile : c’est pourquoi nous avons développé ce nouvel outil avec les agents dès l’engagement du projet, de telle manière que le produit final soit adapté à leurs attentes et à leurs besoins. Nous avons considéré que l’outil ne change pas les méthodes de travail : c’est, au contraire, parce que les méthodes de travail ont évolué, parce que le management public a évolué, parce que la modernisation de l’action publique a placé la transition numérique au cœur de ses projets, qu’il était devenu possible et nécessaire de fournir un nouvel outil de correspondance.

Quel est le mode de fonctionnement du réseau « Diplomatie » que vous avez mis en place ?

« Diplomatie » intègre, dans une solution sécurisée, un réseau social, une gestion électronique de documents, un moteur de recherche, une signature électronique et un archivage numérique.

L’innovation a consisté à constituer des groupes fonctionnels d’État, représentant les administrations, aux côtés de communautés d’intérêt thématiques. Les agents publics, qui relèvent tous d’un groupe fonctionnel, peuvent adhérer aux communautés d’intérêt pour lesquelles ils disposent d’une expertise. Ainsi sont-ils en mesure d’accéder non seulement à l’information adressée à leur groupe, mais aussi aux flux documentaires versés dans les communautés d’intérêt auxquels ils sont abonnés. Ce mécanisme assure que chaque agent, pris individuellement, se constitue le patrimoine documentaire le plus pertinent pour ses besoins ; en contrepartie, l’agent est en mesure de valoriser mieux qu’auparavant son expertise personnelle au bénéfice de l’intérêt général.

Autre innovation, le portail « Diplomatie » est accessible sur les postes de travail habituels de tout agent public, fixes ou mobiles, dès lors que son administration a souscrit aux règles de sécurité correspondant au niveau de protection de la correspondance diplomatique. Ce décloisonnement interministériel garantit la fluidité et le partage au sein du gouvernement et contribue à l’émergence d’un système d’information de l’État reposant sur les technologies les plus avancées. Ce réseau fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à l’échelle mondiale ; il est désormais possi- ble de travailler en mode collaboratif où que l’on se trouve, entre les postes et les administrations centrales, sans distinction de service de rattachement.

Outre ce réseau, interadministrations, se sont mis en place un certain nombre d’outils de communication beaucoup plus conviviaux, notamment les « Chroniques de la diplomatie », qui racontent le quotidien de nos diplomates. Est-ce un moyen de se rapprocher de la société civile ?

Le blog Carnets diplomatiques vise à raconter le quotidien des diplomates, à lever le voile sur nos activités pour mettre à mal certains clichés qui ont encore la vie dure. Il fait partie d’un ensemble de contenus Web que nous avons mis en place, afin d’adopter une ligne éditoriale moins institutionnelle, et ainsi de faire connaître la multitude d’actions menées par notre ministère. Par exemple, nous avons créé une console Twitter, qui permet de suivre l’activité du réseau diplomatique dans son ensemble sur Twitter. Nous avons aussi développé une application « Vu(e) de ma fenêtre » qui permet d’avoir un aperçu de la réalité des agents en poste dans le monde. Le tumblr Chroniques diplomatiques va également dans ce sens. Nous nous adaptons au ton spécifique de chaque plateforme sur le Web social, et d’engager une conversation tournée en effet vers la société civile. De plus, le renforcement de la dimension de service public grâce à notre large présence sur le Web social est un axe important de notre stratégie. Nous avons, par exemple, créé un compte Twitter pour les conseils aux voyageurs, ces fiches qui délivrent en temps réel des recommandations de sécurité aux Français se rendant à l’étranger. En résumé, on peut dire que notre souci est effectivement de nous rapprocher de la société civile, en lui montrant que les diplomates et tous les agents qui travaillent au ministère des Affaires étrangères sont des Français comme les autres, avec leurs qualités et leurs défauts et que toutes ces personnes contribuent, de manière très concrète, à l’intérêt général de nos compatriotes.

Internet est-il le moyen privilégié de faire de la diplomatie publique ?

C’est le pendant de ce qui est évoqué plus haut. Nous abordons nos comptes sur les réseaux sociaux comme de véritables outils d’influence. Engager et s’insérer dans les conversations, c’est aussi trouver un moyen plus direct pour y diffuser nos messages, auprès des sociétés civiles tant françaises qu’étrangères (le ministère est présent en plusieurs langues – y compris l’arabe – sur les réseaux sociaux) et de mieux comprendre leurs attentes vis-à-vis de notre diplomatie. De plus, nous travaillons en synergie avec tout notre réseau diplomatique, ce qui amplifie considérablement la portée de nos messages. En nous offrant l’occasion d’entrer en contact avec un public qui, traditionnellement, ne se rend pas sur les sites institutionnels, les réseaux sociaux peuvent lui faire savoir que notre action le concerne également.

Est-ce aussi un moyen efficace pour lutter contre le « French Bashing » ?

Notre présence de long terme sur le Web nous a permis d’effectuer une veille sur les émetteurs de cette série de propos dirigés contre la France et d’y répondre à chaque fois que nécessaire. L’attitude de notre poste à Londres qui a réagi très rapidement et méthodiquement, en particulier sur Twitter, aux critiques dont notre pays faisait l’objet, est à cet égard remarquable. De manière générale, nous n’utilisons pas nos contacts directs avec la société civile pour engager la polémique, simplement pour corriger les faits lorsqu’ils sont inexacts et fournir les informations les plus justes possibles. Cela permet bien souvent de relativiser la portée de certaines remarques, y compris lorsqu’elles sont émises depuis la France.

L’affaire Wikileaks, dont vous vous êtes occupé, a montré la nécessité, pour la diplomatie, d’investir le terrain de la communication Web, mais aussi de protéger les informations dites sensibles. Comment est gérée cette ambivalence ?

Il n’y a pas d’ambivalence ni de confusion entre la diplomatie publique et le secret de la correspondance, car ils ne remplissent pas le même objet. Ce que Wikileaks a mis en lumière est l’exigence croissante que l’opinion publique manifeste pour la transparence de l’action publique : cela a conduit les diplomaties dans la plupart des pays à renforcer de manière significative leur diplomatie publique, en expliquant les métiers des diplomates, et en valorisant leurs actions de terrain. Parallèlement, les gouvernements ont pris conscience qu’à l’ère du numérique et des média sociaux, la question du secret devait être repensée, non pas en fragilisant des pourparlers qui doivent demeurer confidentiels pour aboutir, non pas non plus en mettant en danger des diplomates qui exercent leur mission dans des conditions souvent difficiles, mais en évitant de couvrir par le secret des réflexions ou des analyses qui ne présentent pas de caractère sensible et qui sont utiles à l’information des acteurs économiques ou culturels qui travaillent à l’international. C’est en partageant plus largement l’expertise de notre réseau diplomatique avec la société civile que l’État parviendra à mieux protéger les secrets dont il a la responsabilité. La diplomatie d’influence est justement cette capacité à occuper le terrain de la parole publique de manière aussi participative que possible, tout en laissant aux diplomates la marge d’expression protégée dont ils ont besoin pour défendre les intérêts de la nation dans un monde complexe et parfois hostile.

Nos ambassadeurs ne font pas tout à fait partie de la génération geek. Ont-ils compris la nécessité d’utiliser les réseaux sociaux ? S’y sont-ils adaptés rapidement ?

Les réseaux sociaux font désormais partie intégrante de l’exercice de la diplomatie publique. Tous les diplomates français bénéficient, avant leur départ en poste, d’une formation à l’utilisation des réseaux sociaux. Des sessions sont également organisées pour ceux qui sont déjà en poste à l’étranger, ainsi que pour les agents à mi-carrière en fonctions à Paris. Il s’agit finalement d’une extension naturelle du champ d’action du diplomate d’aujourd’hui, comme l’ont très bien compris les agents, notamment les ambassadeurs, souvent déjà présents à titre personnel sur ces réseaux.

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Avoir les moyens de ses ambitions

Entretien avec Pierre Lévy, Directeur de l’Union européenne au ministère des affaires étrangères et du développement international

La direction de l’Union européenne est l’interlocuteur privilégié de toutes les instances européennes. À ce titre, elle a un rôle central dans tous les grands dossiers de sécurité, de relations internationales ou dans les questions d’énergie et de climat.

Comment est assuré, au sein du ministère, le suivi des enjeux et grands dossiers européens, avec quelles transversalités éventuelles avec d’autres services du MAEDI et quelles concertations ou passerelles avec d’autres ministères ou entités de l’État ?

La direction de l’Union européenne (DUE) a une compétence générale sur tous les enjeux européens, qu’il s’agisse des questions internes (marché intérieur, politiques sectorielles…), des questions institutionnelles ou des relations extérieures de l’Union européenne (élargissement, politique de sécurité et de défense commune…). Au sein du ministère, elle travaille en relation étroite avec les directions politiques (affaires stratégiques, directions géographiques…) et beaucoup d’autres, par exemple avec la Direction générale de la mondialisation sur les questions d’énergie et de climat. Elle est l’interlocutrice unique du Secrétariat général pour les affaires européennes (SGAE) qui assure la coordination interministérielle pour définir les positions françaises sur les questions communautaires. La DUE est en relation constante avec la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne qui joue un rôle central d’interface entre Paris et Bruxelles, en particulier dans la conduite des négociations au sein des instances du Conseil. La DUE anime aussi le réseau des ambassades de sa zone (Union européenne, espace économique européen, pays candidats). En fonction des dossiers sectoriels, la DUE travaille aussi avec les ministères compétents. Ils sont nombreux, tant la matière européenne imprègne l’ensemble de nos politiques.

Cette organisation a-t-elle évolué récemment ?

La configuration actuelle de la DUE résulte de deux grandes réformes. La première, au milieu des années 1990, avait regroupé au sein de la direction les questions communautaires et bilatérales. C’était une évolution majeure, tant est essentielle la bonne articulation entre le travail multilatéral à Bruxelles et bilatéral dans les États membres. Au quotidien, je m’efforce de veiller à ce que cette synergie fonctionne bien. Au plan bilatéral, il s’agit, d’un côté, de « vendre » nos positions à nos partenaires, et, de l’autre, de bien comprendre les déterminants nationaux des positions qu’ils adoptent à Bruxelles. Les sous-directions géographiques sont très sollicitées pour préparer les visites, les sommets, les entretiens de nos autorités politiques. Elles sont nourries par les contributions des services en charge des relations extérieures et des questions internes et institutionnelles. La seconde réforme date de 2009, au moment de l’entrée de vigueur du traité de Lisbonne. Nous avons unifié le traitement des relations extérieures de l’Union, calqué sur les nouvelles responsabilités de la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité : élargissement, politique commerciale, développement, politique de sécurité et de défense commune sont de la responsabilité d’une même unité, le service RELEX.

Quels sont les principaux dossiers européens qui peuvent ainsi intéresser le MAEDI ?

Le MAEDI a vocation à travailler sur tous les dossiers européens, compte tenu de sa compétence horizontale, en veillant tout particulièrement à la cohérence d’ensemble des positions françaises et à la bonne prise en compte du cadre européen. Il faut rappeler que le ministre des Affaires étrangères siège au Conseil des affaires étrangères et le secrétaire d’État chargé des affaires européennes au Conseil affaires générales, deux instances clés du système européen. Bien sûr, nous sommes particulièrement mobilisés par les enjeux d’actualité. Je pense en particulier aux crises à l’Est et au Sud. Nous travaillons aussi beaucoup sur les dossiers économiques relatifs à la croissance et l’emploi (plan Juncker), à l’union économique et monétaire, à l’union de l’énergie, au marché unique du numérique qui figurent parmi les priorités des nouvelles institutions pour la mandature 2014/2019.

Pouvons-nous revenir ainsi sur l’implication de la France récemment sur quelques dossiers européens relevant de l’action diplomatique et politique ?

La France a joué, dès le début de la crise ukrainienne, un rôle déterminant. J’ai eu la chance d’accompagner le ministre à Kiev, avec ses homologues allemand et polonais, en février 2013, quand le pouvoir était en train de basculer. Dans ce climat de guerre civile, des moments très intenses, de la diplomatie à l’état pur : des ministres seuls, autour d’ une table, négociant une solution politique. Aujourd’hui, le format « Normandie » ? le président de la République, la Chancelière allemande, les présidents russe et ukrainien ? joue un rôle central, comme le montre l’accord de Minsk. Sa mise en œuvre et nos efforts sont appuyés par tous les États membres. Je pourrais aussi mentionner la lutte contre le terrorisme, après les attentats de Paris. Nous avons beaucoup travaillé avec d’autres ministères, pour nourrir le plan d’action agréé au Conseil européen informel du 12 février dernier.

Quels seront ainsi les grands enjeux pour 2015 ?

Notre toute première priorité est de réussir la conférence Paris-climat 2015 qui sera présidée par le ministre des Affaires étrangères et du Développement international, Laurent Fabius. L’objectif est de parvenir à un accord international ambitieux et équitable. L’administration centrale et le réseau sont totalement mobilisés. L’UE, qui représente moins de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, est en pointe dans la lutte contre le dérèglement climatique. Un des actes majeurs s’est joué à Bruxelles. Au Conseil européen d’octobre dernier, l’Union européenne a pris l’engagement de réduire ses émissions d’au moins 40% d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990. Elle a soumis, le 6 mars, sa contribution (« INDC ») au secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), dans les délais fixés. L’Union ne doit pas imposer sa vision à ses partenaires, l’expérience malheureuse de Copenhague en 2009 ayant montré que l’exemplarité unilatérale de l’UE ne suffisait pas à convaincre les États tiers. Mais les positions européennes doivent avoir un véritable pouvoir catalyseur pour convaincre et entraîner le reste du monde. Et elle agit ainsi pour son intérêt en engageant sa transformation énergétique. Sur le front extérieur, il nous faut, en priorité, continuer de travailler à la stabilisation de notre voisinage à l’Est et au Sud.

 

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Europe et diplomatie

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Une harmonisation au service des échanges

Entretien avec S.E. M. Pierre Sellal, ancien ambassadeur de France en Allemagne, ambassadeur représentant la France auprès de l’Union européenne

Améliorer la compétitivité et l’emploi au sein de l’Union, maintenir la cohésion sociale tout en respectant les différences culturelles des États membres, tels sont les défis du marché unique dans les années à venir.

Dans quelles mesure le marché unique continue-t-il de soutenir l’économie européenne ?

Le marché unique, qui reste aujourd’hui la région caractérisée par la demande solvable la plus élevée au monde, constitue la base de la prospérité européenne. Mais il ne doit pas se limiter à l’établissement de règles ou à des politiques exclusivement centrées sur le consommateur. Nous devons veiller à mettre en place les conditions propices à l’amélioration de la compétitivité des entreprises et favorables à la recherche et à l’innovation. Cela passe, par exemple, par une politique industrielle plus affirmée, portée sur la création de valeur et d’emplois en Europe, par des actions propres à offrir de meilleures perspectives aux entreprises européennes en termes de développement de nouveaux produits et d’accès à des marchés en forte croissance, par la promotion d’une convergence fiscale et sociale plus poussée, par des mesures réduisant les charges administratives et réglementaires pour les entreprises, par la valorisation de la dimension externe du marché intérieur dans un contexte de concurrence internationale accrue (équilibre dans les négociations commerciales avec les grandes régions du monde, réciprocité de l’accès aux marchés publics par exemple) ou encore par la prise en compte des besoins et contraintes spécifiques des PME. À titre d’illustration, l’adoption d’un brevet unitaire européen, qui sera à la fois moins coûteux, plus simple et plus protecteur pour les entreprises, est un élément concret de la réorientation de l’Union européenne vers la croissance, l’innovation et l’emploi.

Quel rôle joue tout particulièrement la France dans ce cadre et en quoi ses relations avec l’Allemagne représentent-elles un atout important ?

La France et l’Allemagne partagent la même vision du marché intérieur, au service d’une croissance forte, durable et équitable, tout en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs, de la santé, de l’environnement et des employés. Nous appuyons ainsi la Commission dans sa volonté de promouvoir un équilibre entre les aspects économiques, sociaux et environnementaux du marché intérieur, élément essentiel pour le succès du marché unique et son appropriation par les citoyens.

Après la simplification des formalités administratives et douanières, pourrait-on aller plus loin encore dans l’approfondissement du marché unique des services ? Quels en seraient les avantages ?

L’enjeu principal est aujourd’hui de faire fonctionner de façon satisfaisante les textes existants. L’adoption de la directive services et de la directive qualifications professionnelles, récemment révisée, ont constitué des avancées majeures dans le marché intérieur des services, dont il faut à présent exploiter toutes les potentialités. Il existe, à droit constant, des marges d’amélioration. Par exemple, l’accent mis sur les obstacles réglementaires, plus facilement identifiables, a conduit à négliger les obstacles non réglementaires (pratiques des ordres professionnels par exemple) qui peuvent être tout autant – voire plus – handicapants pour les prestataires de services.

C’est pourquoi la Commission européenne a été chargée par le Conseil de présenter à la mi-2015 un rapport sur le fonctionnement du marché intérieur visant à identifier l’ensemble des obstacles concrets persistants, sur le fondement duquel les moyens de poursuivre l’approfondissement du marché unique des services pourront être identifiés.

Le plan d’investissement de la Commission européenne marque la volonté de l’Union de relancer et soutenir la croissance. Quels en sont les grands axes ?

Le plan d’investissement illustre le besoin d’une politique européenne attachée au soutien de la croissance ; il répond ainsi à une priorité voulue par la France, et c’est l’un des premiers grands chantiers de la nouvelle Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker. Ce plan est une réponse au constat d’un recul important, de l’ordre de 15 %, de l’investissement au sein de l’Union européenne (UE) après la crise économique et financière. Pour inverser cette tendance, le plan a pour objectif de réamorcer l’investissement, et en particulier l’investissement privé, avec un dispositif propre à générer 315 milliards d’euros en investissements publics et privés additionnels d’ici 2017. Le plan mise sur l’effet d’entrainement d’acteurs publics et privés, grâce à un financement initial assuré par l’UE : 16 milliards d’euros s’appuient sur une garantie du budget de l’UE et 5 milliards d’euros sont engagés par la Banque européenne d’investissement (BEI).

Un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), qui doit être opérationnel d’ici juin 2015, aura vocation, en coordination avec la BEI, à cibler le financement des projets les plus pertinents. Les co-investisseurs pourront soit abonder le fonds, soit cofinancer directement des projets spécifiques, et permettre ainsi l’effet multiplicateur escompté. Les projets eux-mêmes seront sélectionnés par le fonds. Il s’agira de projets économiquement viables, mais risqués – qui ne pourraient donc pas prétendre à des financements traditionnels – d’envergure européenne, dans des domaines stratégiques pour l’UE et à fort potentiel de croissance : réseaux à haut débit et réseaux d’énergie, recherche et innovation, infrastructures de transport par exemple. Il est désormais essentiel que le plan puisse être mis en œuvre rapidement.

Quels autres défis attendent le marché unique dans les années à venir ?

Les élargissements successifs, tout en créant de nouvelles opportunités pour les citoyens, les consommateurs et les entreprises, ont également accru la disparité des systèmes économiques, fiscaux et sociaux au sein du marché intérieur, au risque d’une rupture de l’égalité des conditions de concurrence. Le rapprochement des conditions sociales et fiscales est nécessaire à une meilleure intégration du marché intérieur. Il s’agit à la fois d’une question d’efficacité – les entreprises citent régulièrement les différences de règlementations sociales et fiscales comme un frein à leur activité transfrontalière – et une condition de la confiance mutuelle entre les États membres. Par exemple, le marché intérieur du transport de marchandises ne pourra être pleinement achevé qu’avec l’élaboration de règles sociales minimales encadrant le cabotage routier.

Par ailleurs, une appréciation plus fine des véritables besoins d’intégration ou d’harmonisation, d’une part, de ce qui doit légitimement continuer à faire l’objet de régulations nationales, d’autre part, est indispensable. L’esprit de subsidiarité, la prise en compte de spécificités culturelles ou linguistiques nationales ne constituent pas des entraves illégitimes aux échanges, ni même, souvent, de véritables obstacles au développement économique. En outre, s’il est nécessaire de favoriser la mobilité du capital humain en levant les obstacles à la circulation des travailleurs et en promouvant la convergence des conditions sociales et de rémunération, il est clair que cette mobilité ne sera pas comparable à celle qui caractérise un ensemble plus homogène, y compris sur les plans culturel et linguistique, comme les États-Unis. Enfin, l’un des enjeux des prochaines années sera de concilier le besoin d’intégration plus poussée au sein de la zone euro avec l’intégrité du marché intérieur.

 

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France-Allemagne, noyau de l’intégration européenne

Entretien avec Philippe Étienne, ambassadeur de France en Allemagne

Plus que jamais le coupe franco-allemand est un pivot de l’Union européenne. L’entente entre les deux pays n’a jamais été aussi forte pour défendre un projet politique et économique commun. Notre diplomatie, et notamment l’expertise des ambassades bilatérales, est essentielle à cette coopération et au bon déroulement des négociations à Bruxelles.

Le traité franco-allemand a plus de cinquante ans. Les valeurs qui l’ont porté ont-elles évolué depuis ?

En 1963, l’enjeu était de réconcilier deux peuples que trois guerres avaient opposés en moins d’un siècle. Cinquante ans plus tard, les enquêtes d’opinion montrent que les Allemands voient la France comme leur partenaire le plus proche et la chose vaut également pour les Français vis-à-vis de l’ Allemagne. Le contexte a donc heureusement changé – et c’est l’une des réussites extraordinaires du traité de l’Élysée –, mais les valeurs portées par ce traité restent d’une grande actualité.

L’engagement franco-allemand pour la paix en Europe connaît aujourd’hui des traductions très concrètes, comme le montrent les initiatives diplomatiques communes de la France et de l’Allemagne dans la crise ukrainienne, selon le format « Normandie ». Au-delà, il n’est pas de grandes crises internationales (Iran, Afrique notamment) sur lesquelles le dialogue entre nos ministres des affaires étrangères et la coopération entre nos ministères ne soit pas constant. Le rapprochement des sociétés était également une valeur au cœur de la démarche du Général de Gaulle et du chancelier Adenauer.Nous en avons vu toute l’actualité, de façon bouleversante, dans les mouvements de solidarité après les attentats terroristes en France en janvier et lors de la catastrophe aérienne du vol Germanwings dans les Alpes. Les innombrables jumelages et échanges, notamment entre jeunes, restent beaucoup plus vivants et fructueux qu’on ne le croit parfois. La réconciliation franco-allemande n’a par ailleurs jamais cessé de s’inscrire dans la perspective d’un projet économique européen, or, nos gouvernements montrent aujourd’hui que la coopération franco-allemande reste déterminante pour promouvoir la croissance, l’emploi et les investissements dont l’Europe a besoin, comme l’illustre le rôle de nos pays dans la mise en place du « plan Juncker ».

Que représente l’accord franco-allemand lors de chaque proposition à l’Union européenne ?

Les décisions de l’Union européenne ne se réduisent naturellement pas et ne sont au demeurant jamais réduites à un accord franco-allemand, mais le moteur franco-allemand demeure irremplaçable. D’ ailleurs, le couple franco-allemand irrite autant nos autres partenaires quand il semble faire défaut que quand des compromis entre nos deux pays donnent l’impression d’être imposés aux autres ! La taille et le poids relatifs de nos pays jouent un rôle dans cet état de fait, mais cette importance relative n’explique pas tout. Nos pays ont surtout prouvé qu’ils étaient capables, même en cas de divergences entre eux comme cela arrive naturellement, de trouver des compromis inspirés par le souci de faire avancer l’intérêt des Européens et de l’Union dans son ensemble. On l’a vu pendant toutes les grandes crises traversées par l’Europe au cours des dernières années. Nos deux pays sont particulièrement conscients de leur responsabilité pour l’Europe. Il n’y a rien d’exclusif à cela, mais c’est peut-être parce que nous formons déjà entre Français et Allemands la « communauté de destin » évoquée à Berlin par le ministre des Affaires étrangères et du Développement international Laurent Fabius.

Quel rôle peut jouer notre diplomatie dans ce cadre ?

Notre diplomatie joue plusieurs rôles, tous très importants. D’abord, le dialogue de nos autorités politiques sur les grands enjeux internationaux a un effet d’entraînement au sein de l’UE. Il permet à l’Europe de faire entendre sa voix sur des propositions fortes. La lutte contre le dérèglement climatique en fournit un exemple avec la COP21 que nous organisons à Paris cette année et avec le soutien essentiel que peut apporter la présidence allemande du G7. Ensuite, les diplomates au sein de nos ambassades – notamment à Berlin – sont à la fois des experts de leur dossier et des experts de leur pays de résidence. Ils développent des réseaux de terrain, ont des grilles d’analyse pertinentes des circuits de décision, préviennent les malentendus, facilitent la compréhension de nos positions, savent comment faire aboutir un dossier. Je l’ai vu tout au long de ma carrière : l’expertise des ambassades bilatérales est indispensable aux administrations centrales comme aux négociateurs à Bruxelles. Lorsque le dialogue entre les négociateurs à Bruxelles et les experts des ambassades bilatérales est efficace, la qualité de la négociation multilatérale s’en ressent immédiatement et les décisions européennes sont mieux comprises in fine. Au total, nos intérêts sont mieux défendus.

Enfin, les ambassades, les consulats, nos centres culturels, nos lycées, nos agences, constituent une « vitrine » tournée vers le pays de résidence, qui communique, écoute et parle aux politiques, entrepreneurs, décideurs, faiseurs d’opinions, représentants de la société civile, au grand public.

Cette diplomatie est en mesure de saisir les opportunités politiques et économiques quand elles se présentent. Elle fait aussi un travail de fond dans la durée en renforçant des liens denses et variés entre les peuples qui sont le ciment de la construction européenne.

Ce réseau met au quotidien son expertise au service de nos concitoyens et en particulier de nos entreprises dans le cadre de la diplomatie économique.

 

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Faire vivre le débat sur la question européenne

Entretien avec Yves Bertoncini, Directeur de l’Institut Jacques Delors (Notre Europe)

Véritable laboratoire d’idées, l’Institut Jacques Delors (Notre Europe) fait participer les citoyens au débat démocratique sur l’Europe et porte leur voix auprès des décideurs des gouvernements et de la Commission européenne.

Notre Europe — Institut Jacques Delors, aura vingt ans en 2016. Quel était le projet initial qui a soutenu sa création, et comment l’exprimer aujourd’hui ?

 L’institut Notre Europe a été créé par Jacques Delors, alors soutenu par le Conseil européen, afin de poursuivre un travail de réflexion, d’analyse et de recommandations sur la question de l’Europe. Il s’agissait de nourrir et d’animer le débat public en direction des décideurs, mais aussi des citoyens, d’où le choix du nom « Notre Europe », en mettant l’accent sur la dimension citoyenne. Cette double vocation existe toujours. Depuis vingt ans, la construction européenne fait l’objet de nombreuses controverses et de remises en cause qui témoignent de la vitalité du débat démocratique. Celui- ci n’a pas faibli, c’est le moins que l’on puisse dire. En outre, les défis auxquels font face les États-membres et la Commission européenne sont toujours aussi importants. Donc, après bientôt vingt ans, cette réflexion est plus que jamais d’actualité.

Par quels moyens faites-vous entendre la voix des citoyens ?

Nous animons et nourrissons le débat citoyen par le biais de notre site Internet et des réseaux sociaux, où des milliers de personnes relayent notre action, mais aussi lors de rencontres en France et dans les autres pays. Notre vocation est d’associer les citoyens au débat, qu’ils se l’approprient.

Nous publions des rapports et autres contributions, organisons des séminaires d’experts et des conférences publiques. Nous communiquons également par voie de presse pour nous adresser au plus grand nombre. Un de nos derniers événements a été la rencontre de Herman van Rompuy, président du Conseil européen, qui a pu échanger avec des étudiants de Science Po.

Nous analysons les réactions du public sur les sujets européens, puis nous faisons remonter ces informations auprès des autorités européennes et à Paris, au quai d’Orsay et dans les autres ministères. Nous faisons de la pédagogie, de la critique et sommes force de proposition. Nous avons l’avantage d’être basés à Paris et Berlin, non à Bruxelles, de ne pas être décisionnaires, pressés par l’urgence. Nous avons le temps de réfléchir à ces questions.

Comment créer une unité européenne de 28 États membres ?

L’Union européenne, c’est « Unis dans la diversité ». Il est important de montrer cette diversité dans toute sa richesse. Nous avons publié une étude l’an dernier sur les pays baltes afin de les présenter aux citoyens européens qui ne les différencient pas réellement. Cela illustre parfaitement la difficulté d’avoir une connaissance des 27 autres pays. De même, nous avons publié un ouvrage sur les hymnes et drapeaux des pays de l’Union, dont nous avons expliqué les paroles et l’origine afin que chacun puisse appréhender cette diversité culturelle.

Un Européen ne se définit pas par l’Europe, mais par son identité nationale. En revanche, nous pouvons nous retrouver sur des projets communs. Le premier que nous avons mené à bien, c’est la fin de la guerre en Europe. Pour l’Europe, l’horizon désormais, c’est la mondialisation. L’Union européenne en termes diplomatiques, mais aussi économiques, militaires, énergétiques et migratoires ne fait-elle pas la force ? Je citerais un exemple, celui de l’union monétaire. En dépit des apparences, les Européens sont conscients de sa nécessité.

Pour certains d’entre eux, cela représente trop de contraintes, pour d’autres, trop de solidarité, mais à l’exception peut-être de Chypre, aucune majorité ne s’est jamais manifestée en faveur de son abandon. Peut-être que les Européens ne l’aiment pas, mais en tout cas, ils ne souhaitent pas la quitter, ils savent que ça ferait revenir la spéculation ou la dévaluation de leur monnaie. Le débat a été largement posé, et il continue, mais ce que nous constatons c’est que les Europhobes sont plus écoutés quand ils parlent de l’immigration que de la fin de l’union monétaire, car effectivement, l’union n’a pas trouvé de politique commune concernant cette question.

L’Europe, c’est les autres. Quel sens donner à cette formule ?

L’Europe, c’est l’union dans l’altérité. Cela revêt une double tonalité : le fait que oui les autres ne sont pas comme nous, mais que nous restons tout de même unis. Tout est une question de point de vue. Si on se situe de Paris, on peut trouver des différences entre un Parisien et un Marseillais, mais vu de Bruxelles, il n’y en a pas. Et l’Europe, vue d’encore plus loin, de Brasilia ou de Pékin, c’est un ensemble. Comme le dit dit Pascal Lamy notre président d’honneur, il y a des Européens, de diverses origines, mais tous ont des objectifs communs sur l’efficacité économique, la cohésion sociale, la défense de l’environnement.

Cela fonde un modèle européen et il faut davantage insister sur ce que l’on a en commun que sur nos différences. Vivre en Europe, ce n’est pas la même chose que vivre en Chine ou aux États-Unis, il y un modèle qui nous unit. Certains citoyens pensent que cette Europe aliène leur identité. Former un groupe homogène n’inclut pas de rogner les identités de chacun. Il y a donc un équilibre à trouver.

Quels seront vos grands axes de réflexion pour 2015 ?

Tout d’abord, nous allons travailler sur le sujet des normes européennes qui sont un enjeu important. Selon la position à laquelle on se place, elles peuvent avoir un effet positif ou négatif, être trop nombreuses ou pas assez. Certaines normes détaillées permettent la libre circulation des biens, mais en même temps, sont parfois très difficiles à comprendre. Un accord doit par ailleurs être signé avec les États-Unis prochainement sur cette question, c’ est pourquoi il est nécessaire de nourrir le débat.

Ensuite, nos interrogations rejoignent celles de l’Union européenne. La préparation de la sortie de crise avec les nouvelles autorités, afin de pouvoir se projeter dans l’après, les enjeux de la subsidiarité, du maintien de l’identité dans l’union, dont nous avons parlé précédemment la notion de fédération d’États-Nations. Si l’Union européenne a évité la dislocation monétaire, il y a en revanche une crise sociale, une crise économique, une crise politique dont il faut essayer de sortir.

L’union bancaire est également un enjeu très important et pour cela un suivi attentif est nécessaire.

D’autres questions agitent le débat. L’équilibre entre la rigueur et la croissance, la mutualisation des dettes nationales, les mécanismes de stabilisation conjoncturelle. Il faut encore une fois trouver le bon dosage entre ce que fait l’Union européenne et ce que font les États-membres. Car ne pas respecter l’identité de ces nations peut conduire à des crispations très fortes.

Si l’Europe décidait de tout, elle ne serait pas composée de politiques si divergentes. La question reste posée : faut-il être unis pour résister et promouvoir nos intérêts ou vaut-il mieux rester seul ? Pour le Royaume-Uni, qui se prépare à un référendum sur l’Europe, la sortie de l’Union européenne est possible. La France, elle, a une relation plus passionnelle avec pla construction européenne à laquelle elle a largement participé, et dans laquelle elle veut se reconnaître. Je pense que pour cela, la question de la sortie de l’Union européenne ne sera jamais sérieusement envisagée en France.

 

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La diplomatie économique

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Promouvoir la France à l’étranger

Une meilleure visibilité aux entreprises françaises grâce au tourisme

Mathias Fekl, Secrétaire d’État chargé du commerce, de la promotion du tourisme et des Français de l’Étranger, s’est donné pour mission de valoriser notre pays, au travers du tourisme comme du commerce extérieur. Il a présenté récemment « High Hospitality Academy », destinée à améliorer l’accueil des touristes ainsi que ses mesures pour aider les PME dans leur développement international. Deux axes prioritaires pour une même ambition : participer au redressement économique de la France.

 Lors de son investiture, François Hollande a érigé le tourisme en « Grande cause nationale » et, pour la première fois, le secrétariat d’État au tourisme a été rattaché au ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI). Valoriser l’image de la France grâce au tourisme, c’est aussi donner une meilleure visibilité aux entreprises françaises qui souhaitent vendre leurs produits à l’international. Telles sont les missions qui ont été dévolues au MAEDI.

DES MESURES POUR AMÉLIORER L’ACCUEIL

Le 22 avril dernier, Mathias Fefkl a présenté un ensemble de mesures regroupées sous le nom de « High Hospitality Academy ». Celles-ci concernent principalement la qualité de l’accueil, définie comme un axe prioritaire lors des Assises du tourisme. Une nécessité dans un secteur de plus en plus concurrentiel, mais aussi en plein essor. Comme l’explique le secrétaire d’État : « Le tourisme mondial est à un tournant. À l’ horizon de 2030, nous assisterons en effet à un quasi-doublement du nombre de touristes dans le monde. On devrait passer de 1 milliard actuellement à 1,8 milliard en 2030. L’ambition de la France est de s’inscrire pleinement dans cette nouvelle évolution ». Pour y parvenir, il faut faciliter le plus possible les conditions de séjours des visiteurs étrangers, en amont et sur place. Un exemple emblématique est l’impact immédiat de la mise à disposition d’un visa en quarante-huit heures pour le marché chinois. Depuis, la clientèle chinoise a augmenté de 61 %. Comme l’affirme Mathias Fekl : « Pour cultiver le sens de l’hospitalité, il ne suffit pas de le décréter, mais de le construire ! »

Les professionnels du tourisme vont donc recevoir un kit pratique composé de trente fiches portant sur les différentes attentes de la clientèle étrangère et comment y répondre au mieux. Des conseils à propos de la communication sont également délivrés : présence sur les réseaux sociaux, amélioration de l’ergonomie du site Web, etc.

Mais le premier contact avec notre pays a lieu à l’aéroport. Une étude d’évaluation de l’accueil des visiteurs étrangers doit rendre ses conclusions en juillet, mais la députée Jeanine Dubié, missionnée pour cette étude, a déjà formulé, parmi ses quelques recommandations, l’augmentation du personnel d’ accueil à Roissy-Charles-de-Gaulle entre 6 heures et 9 heures du matin, alors que la majorité des passagers débarquent sur le sol français, afin de fluidifier les différentes formalités d’entrée dans le pays.

D’autres préconisations concernent la sécurité, par exemple, sur les vols à la tire dont sont victimes régulièrement les touristes. Enfin, la montée en gamme de l’offre hôtelière semble indispensable pour capter une clientèle russe, chinoise, d’ Asie du Sud-Est et du Moyen-Orient, toujours plus exigeante.

DE NOUVEAUX ATOUTS POUR NOS EXPORTATIONS

Pour le ministère des Affaires étrangères et du Développement international, une France plus attractive, cela signifie une augmentation des exportations. C’est l’autre chantier du ministère. Le 11 mars dernier, le gouvernement a convié plus de 420 PME à rencontrer tous les acteurs susceptibles de les aider à se développer à l’international. La France accuse toujours un retard par rapport à certains pays européens. Elle ne compte que 120 000 entreprises exportatrices, soit trois fois moins que l’Allemagne et deux fois moins que l’Italie. Et ces exportations ont du mal à s’installer dans la durée. « L’ouverture au monde n’est pas une option que l’on peut prendre ou écarter. C’est une donnée dont toutes les entreprises doivent tenir compte dans la définition de leur stratégie », a déclaré le secrétaire d’État lors de ce premier forum des petites et moyennes entreprises à l’international.

La difficulté, pour les PME, c’est le manque de personnel dévolu aux problèmes linguistiques et juridiques que posent l’entrée dans des marchés étrangers et les difficultés à appréhender des dispositifs d’aides à l’exportation mis en place par l’État. Mathias Fekl souhaite y remédier en simplifiant le parcours à l’exportation. Désormais, ce parcours se fera en trois étapes avec, pour chacune, un interlocuteur défini. « Les Chambres de commerce et d’industrie interviennent dans la phase amont puisqu’elles sont les interlocuteurs naturels des PME pour les préparer, valider et structurer leurs projets. Ensuite, Business France interviendra pour prospecter les marchés étrangers et développer des courants d’affaires puis le réseau de chambre de commerce à l’international devra les aider à s’implanter , à structurer et à pérenniser les projets. »

Le gouvernement annonce également, d’ici la fin de l’année, un guichet unique pour simplifier les procédures douanières, des sites internet plus lisibles, mais aussi une liste de 150 contacts référents du réseau des conseillers du commerce extérieur (cadres d’entreprise bénévoles au service des entreprises souhaitant conquérir des marchés étrangers). Dernière clé du dispositif, l’implication des régions. « L’enjeu de la réforme territoriale est de donner aux régions un rôle de pilote du développement économique, dont l’international fait partie ».
C’est pourquoi le forum des PME s’installera désormais dans les différentes régions. Enfin, le secrétaire d’État veut « présenter chaque année la stratégie nationale d’ exportation devant l’Assemblée nationale de façon solennelle » afin de rappeler les engagements pris.

 

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Renforcer l’action et l’image de la France à l’international

Entretien avec Anne-Marie Descôtes, Directrice Générale de la Mondialisation, du Développement et des Partenariats, Ministère des Affaires étrangères et du Développement international

Le Ministère des Affaires étrangères s’est toujours mobilisé pour promouvoir les intérêts économiques de la France auprès de ses partenaires à l’étranger. Cependant, la mise en place de la diplomatie économique, à partir de 2012, a marqué un tournant.

Sous l’impulsion du Ministre des Affaires étrangères et du Développement international, Laurent Fabius, la France est entrée dans l’ère de la diplomatie économique. Comment l’ensemble des personnels de votre administration s’est adapté à ce changement ?

Le soutien aux entreprises par le ministère des affaires étrangères est devenu un réflexe. La démarche de la diplomatie économique a consisté à systématiser et à homogénéiser l’appui apporté par notre réseau diplomatique aux entreprises. Lors de leur prise de fonction, les ambassadeurs rédigent désormais un plan d’action qui leur sert de feuille de route en matière économique. La mise en œuvre de ce plan d’action est suivie annuellement à travers des indicateurs remplis par les postes. Les ambassadeurs sont confirmés dans leur rôle de coordination des acteurs économiques publics et privés, réunis dans un conseil économique et leur mobilisation est significative puisqu’ils consacrent un tiers de leur temps en moyenne aux thématiques économiques.

Au-delà des chefs de poste, l’ensemble du personnel diplomatique est concerné par cette mobilisation. Les services en charge du rayonnement et de l’influence, dans le domaine culturel et de la coopération (les SCAC), dans le domaine scientifique et de l’innovation (les SST) sont appelés à participer à des initiatives conjointes avec les services économiques et les bureaux de l’opérateur Business France. Nous veillons à ce qu’ils promeuvent ensemble les produits français et l’attractivité de la France. Les services consulaires sont également mobilisés pour faciliter la délivrance de titres de séjour.

La mobilisation des personnels s’est faite naturellement tant chacun comprend l’enjeu de la bataille économique qui est la nôtre. Sans se faire au détriment des activités classiques des agents du ministère, la diplomatie économique est venue accroitre l’utilité de chacune des missions tout en l’inscrivant dans une perspective économique.

Les nouvelles missions du ministère ont donné lieu à une organisation repensée et renouvelée. Une direction des entreprises a été créée en 2013 au sein de la direction générale de la mondialisation, des partenariats et du développement. Elle réunit aujourd’hui 70 agents. La direction générale de la mondialisation regroupe ainsi désormais l’ensemble des compétences du ministère sur les questions transversales de l’action extérieure de la France : la diplomatie économique, le développement, la coopération culturelle et de recherche, la coopération décentralisée.

Intervention d’Anne-Marie Descôtes sur l’attractivité touristique.

Plus largement, les directions géographiques du Quai d’Orsay ont désormais acquis un rôle de pivot et de coordination de l’ensemble des positions et contributions en matière de commerce extérieur. Détentrices de la compétence géographique, elles agrègent et consolident pays par pays les productions de la direction générale du Trésor et de la direction générale de la mondialisation. Cette répartition a donné lieu à une convention signée entre le ministère des affaires étrangères et du développement international et le ministère de l’économie et des finances en juillet 2014.

Le dispositif d’appui aux entreprises est également constitué d’un réseau de personnalités désignées par le ministre des affaires étrangères et le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur pour leur capacité à fédérer l’offre française. Dans les filières les plus prioritaires et porteuses de perspectives, l’action des services s’appuie sur des « fédérateurs » qui contribuent à structurer des filières à l’export. Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères a choisi d’intensifier ses relations avec une dizaine de pays émergents à fort potentiel en désignant des « représentants spéciaux ». Enfin, l’échelon territorial a paru essentiel dans la logique de la diplomatie économique. Pour cela, des ambassadeurs ont été nommé dans les régions, positionnés auprès des présidents des conseils régionaux pour créer un pont entre le monde des territoires et le réseau diplomatique.

Le réseau ainsi remodelé s’inscrit dans les évolutions observées dans la plupart des pays européens (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Italie, Suède). Ces évolutions permettent de rendre le dispositif plus accessible et plus efficace pour les entreprises.

Dès lors, comment votre ministère travaille en étroite synergie avec les grands acteurs comme Business France, OSEO, COFACE, les CCEF, etc. ?

La création de Business France en janvier 2015, par fusion des deux agences Ubifrance et AFII, qui existaient de manière distincte, répond au besoin de favoriser l’internationalisation de notre économie : aider nos entreprises (en particulier les PME et les ETI, les autres étant déjà largement présentes hors de nos frontières) à exporter ou attirer les investisseurs étrangers en France. La diplomatie économique ne serait pas efficace si les opérateurs de l’export n’étaient pas parties prenantes de cette dynamique. Le MAEDI a donc renforcé ses liens avec tous les grands acteurs et opérateurs de l’export.

En matière de pilotage, le MAEDI exerce désormais la co-tutelle sur le principal opérateur public de l’internationalisation des entreprises, Business France, et la tutelle d’ Atout France dans le domaine du tourisme. Ce lien institutionnel permet d’inscrire la stratégie des opérateurs dans celle du commerce extérieur, portant l’effort sur les couples pays / secteurs prioritaires. Nous accompagnons ces opérateurs dans leurs évolutions. Le Ministère, qui a ainsi participé au processus de création de Business France, prend part à la rédaction en cours du contrat d’objectifs de performance de Business France ainsi que de celui de l’AFD.

Nous jouons aussi un rôle d’animation des acteurs de l’export. Le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur a organisé le 11 mars 2015 le premier forum des PME à l’international au Quai d’Orsay, qui visait à montrer aux PME l’accessibilité et la cohérence du dispositif de l’export. L’objectif est d’offrir – à partir de chacune des composantes du dispositif – une chaîne de valeur intégrée, lisible et efficace pour les entreprises. Chaque opérateur (BPI France, Coface, les CCEF, les CCI, les opérateurs publics et les acteurs privés (OSCI, …), les ambassades et consulats), en est un maillon. À cet effet, une convention a été signée le 11 mars qui accroît la spécialisation de chacun des acteurs sur une étape de l’internationalisation des entreprises : CCI France sur la prépa- ration de l’entreprise à l’export, Business France sur la prospection des premiers contrats, les CCI françaises à l’international sur la consolidation des marchés cibles.

Enfin, le MAEDI est associé à la politique de financement du commerce extérieur. A ce titre, il est consulté sur les projets bénéficiant d’un financement public à l’export (aide projets dans le cadre des instruments FASEP et RPE ; garantie publique COFACE). Il est en outre associé aux réflexions conduites par le ministère de l’économie sur l’évolution de la politique de financement du commerce extérieur, en lien avec BPI et la COFACE.

Quelles relations particulières entretenez vous avec les grands Groupes français comme les ETI et PME ?

Le Quai d’Orsay a traditionnellement entretenu un lien fort avec les groupes du CAC 40 ou du SBF 120, qui constituent un atout pour la France dans la mondialisation. L’effort de diplomatie économique impulsé par Laurent Fabius a consisté à étendre le soutien du réseau diplomatique à de plus nombreux secteurs (agroalimentaire, industries de santé, entreprises du numérique etc.) et à de plus en plus d’entreprises. Nous avons raisonné par filières en créant six « familles prioritaires » pour notre balance commerciale. Il s’agit d’une démarche public-privé pour soutenir nos exportations dans six secteurs où il y a une offre française de qualité et une demande mondiale intense : la santé, l’agroalimentaire, le numérique, la ville durable, les industries touristiques, le secteur culturel et créatif. Issus du monde de l’entreprise, les « fédérateurs » qui animent chaque famille acceptent de mettre à disposition leur temps et leur expertise pour aider nos entreprises à mieux aborder les marchés à l’export. Ils cherchent à encourager en France les synergies entre acteurs publics et privés, à identifier les éventuels verrous pour nos exportations et à promouvoir des offres françaises cohérentes sur des marchés prioritaires étrangers.

Quelques premiers exemples montrent que cette démarche commence à porter ses fruits. Je pense à toutes nos industries de la ville durable qui ont créé une marque française à l’export simple, lisible et de plus en plus connue : Vivapolis. Elle rassemble 150 petites et grandes entreprises capables de présenter la vision française du développement urbain et de répondre à des appels d’offre de toutes tailles, parfois immenses comme à Shenyang en Chine, parfois plus spécifiques comme la redensification d’un centre historique dans la très belle ville de Campeche au Mexique.

Dans la santé, nous voulons créer des « précédents » visibles avec une offre intégrée d’hôpitaux français à l’étranger, rassemblant des BTPistes, des gestionnaires d’hôpitaux, des fournisseurs d’équipements médicaux.

Ces exemples très concrets montrent que les choses peuvent bouger et que l’export concerne d’autant plus les PME et ETI que notre tissu économique part groupé. Le marché international est un puissant levier de croissance de nos PME et ETI. Les ambassadeurs, les fédérations professionnelles et les entreprises et la direction générale de la mondialisation que je dirige, en sommes convaincus. C’est ça l’équipe de France de l’export.

Dîner Goût de France à Versailles, 19 mars 2015

Aujourd’hui, quel regard portent nos partenaires commerciaux sur les atouts et les faiblesses de notre territoire ?

Dans notre réseau international, le 2ème réseau au monde, nous avons également en place plusieurs mesures pour renforcer notre image et notre attractivité comme je vous le décrivais en début d’entretien :

Les conseillers économiques de nos ambassades récoltent les analyses des acteurs publics et privés sur la situation du marché local, les difficultés ou succès que rencontrent les entreprises, les stratégies déployées par les autres pays, nos concurrents sur ces marchés. Ils suivent aussi les négociations commerciales bilatérales ou multilatérales, doivent comprendre l’évolution des débats chez nos partenaires et mieux identifier nos intérêts offensifs et défensifs dans la négociation. Les conseils ont pour rôle de mieux coordonner les actions de promotion des entreprises françaises et de la « destination France ».

Nous avons également mis en place des conseils « Influence », qui visent à déceler et à développer les synergies qui peuvent naître de la mise en commun des différentes politiques, en matière de visas, dans le domaine de la culture, le sport, en matière d’innovation et enfin dans le domaine du tourisme.

Mais également une collaboration renforcée avec les CCE, qui participe à la promotion de l’image de la France à l’étranger et sont chargés notamment de faire remonter les questions spécifiques soulevées par les investisseurs potentiels.

Lors de déplacements présidentiels ou ministériels, nous proposons à des PME et ETI de participer au déplacement afin que leur faciliter les premières prises de contact et de les accompagner dans leur internationalisation.

Ce ne sont que quelques exemples de tout ce que les services du MAEDI on mit en œuvre depuis la mise en place de la diplomatie économique en 2012. L’ensemble des services de l’Etat est mobilisé autour de cet objectif primordial : renforcer l’action et l’image de la France à l’international.

Enfin, nos partenaires reconnaissent que la France est un pays très attractif et ouvert sur l’international. Nos atouts sont nombreux : très bonne qualité de vie, système de santé et d’éducation de qualité, qui attirent beaucoup de touristes, d’étudiants et de talents étrangers.

La France est une place financière centrale, possède une main d’œuvre qualifiée, et est en pointe sur l’innovation, atout que nous mettons de plus en plus en avant. Ce n’est pas pour rien que nous sommes au 2ème rang européen et au 6ème rang mondial pour les dépôts de brevets, à la troisième place des pays les plus innovants au monde, dans le classement « Top 100 Global Innovators » de Thomson Reuters, mais aussi en tête du classement « Fast 500 » pour les entreprises innovantes à forte croissance. Tout cela, bien entendu, sans même évoquer la place de la France dans l’industrie de la mode, l’architecture, de la gastronomie, ou encore des arts et des lettres, pour laquelle nous avons encore été honorés cette année d’un prix Nobel de littérature, venu s’ajouter au prix Nobel d’économie.

Pour mieux valoriser nos potentiels, nous avons commencé par écouter les critiques et requêtes de nos partenaires commerciaux, en réunissant les investisseurs et chefs d’entreprises étrangers autour d’un Conseil stratégique de l’attractivité en février 2014, que le Président a souhaité renouveler deux fois par an. Ce CSA a permis de dégager les principales mesures à mettre en œuvre pour renforcer notre image et notre attractivité ; ces réformes avancent et plusieurs mesures ont déjà été lancées pour faciliter l’accueil et l’installation des investisseurs :

  • amélioration des conditions d’accueil et d’installation des talents étrangers, délivrance des visas accélérée (48h) avec de nombreux pays ;
  • accueil privilégié des investisseurs étrangers, avec un point de contact unique au sein de l’administration pour tout ce qui touche à l’impôt et signature d’une charte de non-rétroactivité fiscale le 1er décembre dernier ;
  • la TVA à l’import est simplifiée, permettant l’allègement des charges financières, depuis le 30 décembre dernier ;
  • amélioration des infrastructures d’accueil (Gare du Nord, CDG Express, voies entre Paris et CDG).

 

D’autres mesures sont actuellement en cours de discussion dans le cadre de la loi pour la croissance et l’activité (loi Macron).

La fusion de l’ AFII et Business France dont nous avons parlé, participe également de cette volonté de renforcer notre position à l’international et de mieux capitaliser sur l’excellence française. Le ministre a mandaté l’agence pour mettre en œuvre une stratégie de communication et d’influence pour développer l’image économique de la France au plan international : nous avons désormais à notre disposition une « agence réputationnelle » pour notre pays, plus largement une véritable agence de promotion de la France à l’étranger.

Certes nous ne sommes pas parfaits – comme nous le rappellent régulièrement les praticiens du « French Bashing » ! –, beaucoup de réformes internes restent à mener, mais nous disposons aussi d’atouts exceptionnels : à nous de mieux les faire connaître au monde. Notre pays reste vu comme complexe ; c’est à nous de faire le travail de pédagogie nécessaire pour favoriser nos avantages comparatifs. Au-delà du travail mené par Business France, nous nous attachons à ce que chacune de nos ambassades, chacun des Français expatriés, fasse ce travail de représentation de l’excellence française, de ce génie national qui est la capacité à créer.

Votre administration exerce également la compétence du tourisme. Comment soutenez-vous la découverte du patrimoine historique, naturel, culturel, gastronomique, etc., de la France ?

A l’issue des Assises du tourisme, conclues le 19 juin dernier, le Ministre des affaires étrangères a annoncé la mise en place de cinq pôles d’excellence touristique.

Ces pôles doivent permettre de renouveler et d’adapter l’offre touristique française aux évolutions des attentes des touristes étrangers, sur des thèmes porteurs sur lesquels la France peut mieux valoriser et développer son offre.

Cinq pôles d’excellence doivent être mis en place :

  • Tourisme de savoir
  • Ecotourisme
    – Tourisme urbain nocturne
  • Œnotourisme
  • Montagne l’été

 

Les auditions ont démarré pour les pôles « savoir-faire », « éco-tourisme », « tourisme de nuit » et « œnotourisme ». Celles relatives au pôle « montagne l’été » sont programmées.

Le Conseil de Promotion du Tourisme doit, quant à lui, élaborer une stratégie pour le tourisme français à l’horizon 2020. Les travaux portent sur sept chantiers : gastronomie et œnologie: (cf rapport d’étape sur www.diplomatie.gouv.fr), numérique, marques et destinations, hôtellerie / shopping / tourisme d’affaires, hospitalité et communication, formation et outre-mer.

Les auditions sont terminées pour l’ensemble des thématiques, sauf celles du chantier formation qui sont en cours et celles du chantier outre-mer qui n’ont pas encore commencé.

Tout récemment, l’opération Goût de/Good France, a rassemblé le 19 mars dernier plus de 1000 chefs sur 5 continents pour célébrer la gastronomie française. Cet évènement s’inscrivait dans la continuité d’actions déjà entreprises par Laurent Fabius pour mieux valoriser notre gastronomie et susciter l’envie de France, de ses terroirs et de ses paysages, au travers de la découverte de son excellence culinaire, et, ce faisant, drainer toujours plus de touristes étrangers en France et d’« ouvrir l’appétit » du monde entier pour nos produits agroalimentaires.

L’ensemble de ces travaux contribueront à la réalisation de l’objectif fixé par Laurent Fabius d’attirer 100 millions de touristes en France d’ici 2020 !

 

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La diplomatie économique, entre fonctions régaliennes et réalités du marché

Entretien avec Louis Schweitzer, Commissaire général à l’investissement (CGI), président d’Initiative France, ancien Président de la branche internationale du Medef

Assurer une présence permanente auprès des Français qui vivent à l’étranger, répondre à leurs attentes face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer représente des enjeux importants, notamment, face à l’augmentation importante de nos concitoyens vivant hors de France.

Quelle place occupe aujourd’hui la diplomatie économique ?

La diplomatie a pour objet de défendre la France et les Français et de contribuer à la paix et au développement durable du monde. À ces titres, la diplomatie économique en fait partie. L’économie française ne peut prospérer que dans un monde harmonieux. Il n’y a pas, d’une part, une diplomatie générale et, d’autre part, une diplomatie économique, la diplomatie économique est au cœur de la diplomatie en général et c’est le message que Laurent Fabius a délivré à son administration et à ses postes diplomatiques. Cependant, lorsque l’on parle de diplomatie économique, on attend des résultats concrets, chiffrés. Cela ne reflète pas le seul travail de nos diplomates, car cela concerne aussi bien l’amélioration de la balance des biens et services, que l’augmentation du nombre de touristes, le flux d’ investissements directs et créateurs d’emplois en France ou encore le nombre d’étudiants qui viennent en France. Mais dès lors que l’on attend des résultats, il est nécessaire d’avoir une réflexion sur les moyens mis en œuvre.

Quelle articulation convient-il alors de privilégier, entre les réseaux extérieurs chargés de la diplomatie économique et les entreprises ?

En tant qu’ancien président de compagnies françaises et étrangères, actuel président du Conseil des affaires étrangères du Quai d’Orsay et représentant spécial du ministre pour le Japon, ce que je constate, c’est un niveau de coopération entre les entreprises et de l’administration plus faible en France qu’en Allemagne ou en Italie par exemple. Certes, la diplomatie économique est un domaine où les entreprises coopèrent naturellement avec l’État. Elles dialoguent facilement avec le quai d’Orsay qui peut leur démontrer la nécessité de se regrouper pour conquérir des marchés étrangers. Dans ce domaine, les approches allemande et italienne sont un peu différentes. L’Allemagne a clairement une approche filière. Celle-ci n’est d’ailleurs pas totalement absente en France. Quand nous avons créé Renault-Nissan, cela a permis à certains de nos fournisseurs de s’implanter au Japon. Mais dans d’autres secteurs, reconnaissons-le, l’approche filière est beaucoup moins forte en France qu’en Allemagne. Les entreprises concurrentes italiennes, elles, n’hésitent pas à aller ensemble à l’international. Les diplomates et les ambassadeurs gardent toujours leur porte ouverte aux entreprises, que ce soit par le biais de business France, des ambassades elles-mêmes, des conseillers d’expansion économique. Cependant, garder la porte ouverte ne suffit pas, il faut aller à la rencontre des entreprises. Nos diplomates peuvent tout d’abord travailler avec les organismes comme le MEDEF international, qui soutient les entreprises à l’exportation.

Ensuite, nous avons mis en place, à titre expérimental, des ambassadeurs dans nos régions dont le rôle est d’aider les PME à exporter. Les PME exportatrices sont trois fois moins nombreuses qu’en Allemagne et deux fois moins nombreuses qu’en Italie. Désormais, les entreprises se tournent plus facilement vers le ministère. Dans chaque pays, une action commune est instaurée avec l’aide de l’ambassadeur. Des organismes comme business France, qui regroupe UbiFrance, l’AFII, Atout France, Campus France, ont naturellement tendance à travailler avec notre réseau diplomatique traditionnel, car ils savent que la diplomatie économique est au cœur de notre action diplomatique.

Comment faire émerger et accompagner l’offre de produits et de services innovants, adaptés à la demande des marchés de l’exportation ?

Le Commissariat général à l’investissement soutient les services et produits innovants, car, parmi nos enjeux, se trouvent la numérisation de l’économie, le lien entre recherche et l’industrie et tous les domaines d’innovation et d’excellence. Si on développe la R&D en France, nous exporterons davantage. Citons deux domaines : la silver économie, ou la ville intelligence (écologique…). Entre la France et le Japon, il y a des besoins communs et une coopération qui s’établit.

Ensuite, c’est à nous de démontrer la qualité des produits et services français dans certains domaines : le tourisme où nous avons des atouts uniques, mais pas toujours bien exploités ou le luxe et les cosmétiques qui y sont liés. Dans ces derniers domaines, la France a des entreprises très puissantes, mais aussi des entreprises moyennes qui ont besoin de l’appui des grands groupes. Dans l’industrie agroalimentaire, nous avons une très bonne image, pourtant, en dehors des vins et spiritueux, nous n’exportons pas suffisamment.

Ainsi, il y a des domaines où l’on a une image excellente, et des forces pas toujours bien exploitées et en revanche dans d’autres où nous n’avons pas encore l’image, mais déjà le potentiel. C’est le cas des start-up que nous soutenons beaucoup, au CGI.

À ce titre, comment analyser les programmes actuels de soutien aux entreprises innovantes, et leur mise en place ?

La présence française dans les secteurs-clès du développement turkmène : sur le chantier d’un hôtel construit sur une colline surplombant la ville d’Achgabat, Lucie Stepanyan, Premier conseiller à l’ambassade de France au Turkménistan, s’entretient avec Denis Hermann, responsable corps d’Etat techniques chez Bouygues.

La France est le premier pays d’Europe de création de start-up. Les Français ont un esprit de rupture, d’innovation, d’aventure remarquable. En revanche, les entreprises qui se créent ne sont pas assez rapides dans le passage de l’idée innovante à la mise en œuvre concrète à grande échelle. Elles ne trouvent pas assez vite l’appui de grands groupes pour les aider, pour les accompagner là où l’échelle financière est plus importante. Nous avons toute une série de mécanismes pour y remédier. Le CGI peut intervenir à toutes les étapes : la maturation, de l’invention au moment où l’on sait que cette invention est applicable, puis l’incubation, et enfin le développement. Grâce au Concours mondial « Innovation », nous pouvons octroyer 200 000 euros aux entreprises sur la base d’un concept, puis, pour l’incubation et le développement, de 2 millions à 20 millions d’euros, en subventions ou en dotation.

Nous avons aussi mis en place French Tech pour soutenir les start-up afin de renforcer l’image d’une France innovante. Nous souhaitons éviter qu’une start-up créée en France, ne doive, pour se développer, aller aux États-Unis.

Certaines entreprises, de type familial, hésitent à se développer, car elles ont peur de perdre le contrôle. Il faut les inciter à ouvrir leur capital et leur démontrer que cette croissance est plus intéressante pour l’entrepreneur inventeur que le contrôle. Il est plus important d’avoir 30 % de 100 millions que 100 % de 1 million.

Quelles actions pourraient être envisagées pour aller plus loin dans ce domaine ?

Il y a bien sûr des mécanismes comme le nôtre qu’il faut améliorer pour soutenir l’investissement innovant, mais le point essentiel, comme nous l’avons souligné, c’est d’accroître la proximité des entreprises et de notre réseau diplomatique au sens large, c’est-à-dire notre réseau d’action extérieure. Il faut inclure les régions dans ce réseau, car les grandes régions ont déjà, du fait de leur taille, plus de moyens et de compétences pour aider l’innovation. Je pense que dans ces domaines, il y a des voies de progrès.

Si l’on doit faire une comparaison, ce n’est pas avec l’Allemagne, dotée d’une très bonne image et d’un solide passé industriel. Une ambition raisonnable serait de faire aussi bien que l’Italie qui n’a pas tout cela. Pour conclure, je voudrais revenir sur un point : nous avons aujourd’hui un déficit de balance des biens et services de 40 milliards d’euros par an.

Toutes choses égales par ailleurs, si nous exportions assez pour payer nos importations, cela ferait 800 000 emplois de plus en France. Laurent Fabius a clairement mis en lumière cette nécessité que l’action extérieure soit tournée vers le développement économique. Même si beaucoup reste à faire, nous avons commencé à nous mobiliser.

 

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La diplomatie francophone et culturelle

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Diplomatie et enseignement supérieur

Entretien avec Antoine Grassin, Directeur de Campus France

Campus France, qui est chargée de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’international et la mobilité des étudiants étrangers, aide à construire les réseaux d’influence de demain.

Quelles sont les principales missions de Campus France ?

Campus France est, avec l’Institut français et France expertise internationale, l’un des trois organismes créés en 2010 par la loi de l’action extérieure. Nous sommes chargés de la promotion de l’enseignement supérieur de l’accueil et de la mobilité internationale. Campus France est sous l’autorité d’une double tutelle : le ministère des Affaires étrangères et du Développement international et le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche. La présidente de notre conseil d’administration, Sophie Béjean, est également la présidente du CNOUS (Centre national des œuvres universitaires et scolaires).

Campus France a trois missions. La première est la mise en valeur de l’offre d’enseignement supérieur français grâce à une importante production éditoriale et un site Internet (campusfrance.org) qui reçoit plus de 16 millions de visiteurs chaque année. Nous organisons également, de Paris, une cinquantaine de promotions, et nos correspondants dans les ambassades près de 3 000. Notre deuxième mission est de gérer des programmes de mobilité. Nous sommes devenus, depuis 2012, l’opérateur unique du système de bourses du gouvernement français, mais nous gérons aussi des programmes de mobilité financés par des fonds non publics, comme des fonds d’universités, de gouvernements étrangers ou des entreprises. Nous sommes, par exemple, partenaires du Gabon, ou du Brésil dans le cadre du programme Sciences sans frontières qui envoie de très nombreux boursiers dans le monde. Nos tâches sont très variées. Pour certains programmes, nous fonctionnons comme une agence de paiement, pour d’autres, nous faisons de l’ingénierie pédagogique. Nous avons ainsi conçu pour le Pérou, à la demande de ses plus hautes autorités, un programme dédié aux élèves de zones défavorisées pour leur permettre de suivre un cursus en France.

Notre réseau à l’étranger est constitué des espaces Campus France présents dans les ambassades. Cela représente quelque 300 personnes réparties dans 200 bureaux dans 115 pays qui accueillent les étudiants et leur donnent accès à toutes les informations et conseils dont ils ont besoin. Nous leur transmettons du matériel pédagogique, et ils disposent de financements spécifiques. C’est notre premier réseau. Le second, ce sont les établissements d’enseignement supérieur et de recherche à travers le forum Campus France. Celui-ci réunit tous les établissements dont nous validons la qualité pédagogique après avis de représentants des conférences des établissements d’enseignement supérieur du ministère de l’Enseignement. Les étudiants, qui choisissent un établissement membre du forum Campus France, ont la garantie d’une formation reconnue par l’État, d’un diplôme et d’une soutenabilité économique. Nous sommes, certes, une agence importante, 240 personnes, mais qui s’appuie sur un vaste réseau à l’étranger et un très bon réseau en France. Nous sommes tout à la fois ancrés dans la diplomatie et dans l’enseignement supérieur.

La promotion à l’étranger du système d’enseignement supérieur et de formation professionnelle peut-elle avoir des conséquences sur le rayonnement culturel de la France ?

Lorsque des élites économiques, politiques, scientifiques se forment grâce à un enseignement supérieur français, cela crée une proximité intellectuelle naturelle. C’est un levier d’influence. Il ne faut pas non plus négliger l’originalité de l’enseignement supérieur français. Comme j’ai pu le constater au cours de rencontres, tous nos interlocuteurs ayant suivi un enseignement en France ont apprécié l’interactivité de l’enseignement français qui leur offre un potentiel très important. Cependant, pour renforcer cette influence, encore faut-il garder la trace de tous ceux qui sont passés et Laurent Fabius nous a confié cette mission. Pour cela, le ministre a lancé le 26 novembre dernier francealumni.fr, le nouveau réseau social français destiné aux anciens étudiants étrangers ayant fait des études en France. En ce début d’année, plus de 4 500 anciens étudiants se sont inscrits sur ce site. Les anciens étudiants participent volontiers à des actions de coopération bilatérales, afin de prolonger une expérience française dont ils gardent un très bon souvenir.

Comment peut-on rendre nos uni- versités plus compétitives face à la concurrence des établissements suisses ou des pays nordiques par exemple ?

La Suisse, le Québec et la Belgique sont des pays franco-phones dont la qualité de l’enseignement attire également les viviers francophones mondiaux. Il nous revient de proposer une offre de qualité et de la faire connaître. Les gouvernements s’accordent à reconnaître l’importance de l’investissement dans la recherche et l’enseignement supérieur. Les différents plans, l’appel à des fonds compétitifs de financement, de l’Agence nationale de recherche, mais aussi à des fonds européens font que les laboratoires et les universités sont motivés pour proposer des dossiers de toujours plus grande qualité. Nos distinctions scientifiques : prix Nobels, médailles Fields montrent que nous sommes toujours à la pointe de la recherche. Grâce aux regroupements des universités en 25 grands pôles, notre offre est plus lisible et plus visible à l’étranger. Il nous faut encore travailler sur la facilitation de l’accueil et notamment des procédures administratives encore compliquées pour les étudiants. En fédérant toutes les structures de l’accueil autour d’un guichet unique, ces formalités seront moins pénibles et ce sera un facteur d’attractivité.

Quel est le rôle des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) ?

Les PRES vont désormais s’appeler Communautés d’universités et d’établissements (COMUE).

Campus France est habilité à aider les établissements de recherche, à partir des analyses que nous avons sur les pays, à établir une stratégie internationale et à trouver des financements pour accueillir des boursiers. En partenariat avec deux régions et leur COMUE Rhône-Alpes (Grenoble et Lyon), et Midi-Pyrénées (Toulouse), nous avons remporté un dossier de financement européen pour développer des postes de chercheurs. Notre aide a consisté à mutualiser les moyens, à organiser des sélections avec des jurys internationaux, ce qui garantit ainsi un recrutement de qualité.

Campus France s’est dotée d’un nouveau volet économique. En quoi consiste sa mission dans ce cadre ?

Notre rôle auprès des entreprises est de mieux articuler leurs préoccupations avec celles des établissements. Lorsqu’un étudiant vient faire ses études en France, il espère que ça va améliorer son employabilité. Mais cette employabilité, c’est l’entreprise qui en juge. Chacun sait qu’une expérience de stage est très importante pour l’employabilité et les étudiants recherchent celle-ci à l’issue de leurs études. Pour répondre à ce désir, nous avons commencé à constituer un troisième réseau de partenaires chez les entreprises capables de nous accompagner afin de proposer des offres de stage aux étudiants étrangers. Les entreprises sont également partenaires du réseau Alumni. Cela peut leur faciliter l’embauche d’ingénieurs, de commerciaux du pays qui comprennent la culture française. Cette collaboration fructueuse n’en est qu’à ses débuts.

De plus, certaines de nos entreprises, leaders mondiaux dans la haute technologie, attirent beaucoup les étudiants. Articuler, tout mettre en réseau, voilà l’objectif de Campus France. Notre mission, c’est de mettre en relation des acteurs qui ont parfois du mal à trouver une plate-forme commune. Nous jouons ce rôle au service de la diplomatie d’influence dans la communauté d’étudiants et de chercheurs.

 

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Un réseau d’excellence

Entretien avec Anne Grillo, Directrice de la coopération culturelle, universitaire et de la recherche, au Ministère des Affaires étrangères et du Développement international

La qualité de notre enseignement français à l’étranger fait de plus en plus d’adeptes et permet à notre pays d’exporter ses valeurs partout dans le monde.

Grâce à l’agence l’enseignement français à l’étranger (AEFE), qui possède près de 500 établissements dans le monde, le nombre d’élèves scolarisés a augmenté de 50 % en dix ans pour dépasser les 300000. Comment expliquez- vous ce succès ?

Notre réseau d’enseignement français à l’étranger est unique au monde par son ampleur et sa densité : 494 établissements dans 135 pays scolarisant 327 000 élèves dont 123 000 Français. 7300 élèves supplémentaires ont été accueillis à la rentrée 2014-2015.

Il doit d’ abord son succès à l’investissement de l’État. Dans un contexte où l’éducation constitue une priorité du président de la République, ce réseau reçoit un important soutien public : 534 millions d’euros en 2014, soit environ la moitié du budget total de notre opérateur, l’ AEFE (1,1 Mds).

Ensuite, il s’agit d’un réseau d’excellence par la qualité de l’enseignement qu’il délivre : l’utilisation du numérique et la pratique active du plurilinguisme sont des priorités et son taux de réussite au baccalauréat est de 96 %. Notre modèle éducatif est réputé dans le monde, notamment dans les pays émergents où il attire de plus en plus. 62 % des jeunes sont scolarisés sont étrangers, ce qui en fait le premier réseau internationalisé au monde. Il est ainsi un des atouts maîtres de notre diplomatie d’influence : il permet de diffuser notre langue, nos valeurs républicaines et laïques, auprès de 200 000 étrangers. S’ajoutent à cela des frais de scolarité compétitifs par rapport aux autres établissements internationaux.

Ce réseau joue enfin un rôle décisif pour accompagner notre diplomatie économique : il facilite l’expatriation de nos compatriotes (+4 % chaque année) et conforte l’implantation de nos entreprises là où nos lycées sont présents.

L’extension de ce réseau est fortement liée l’augmentation de la présence des Français à l’étranger. Or, si l’on constate une faible augmentation du nombre d’expatriés dans les pays européens, en revanche, elle est très forte dans des pays beaucoup plus éloignés comme l’Australie ou la Chine par exemple. La France prévoit-elle un redéploiement de son offre scolaire dans ces pays ?

Notre réseau a une double mission : d’une part, offrir à nos compatriotes une continuité de scolarisation lorsqu’ils se trouvent hors de nos frontières, dans la limite, naturellement, des capacités d’accueil des établissements de l’Agence ; d’autre part, diffuser la langue et la culture de notre pays auprès des publics étrangers. À la rentrée 2014, près d’un quart de nos établissements français sont en Europe et concentrent 21,4 % des effectifs totaux, soit environ 70 000 élèves. La demande y reste forte, tout en se développant par ailleurs dans d’autres régions du monde : notre réseau est en quelque sorte victime de son succès. La priorité est ainsi de maintenir l’excellence de notre enseignement en Europe tout en accompagnant le mieux possible l’expatriation de nos compatriotes, notamment vers les territoires prioritaires pour notre diplomatie économique.

Toutefois, ce développement doit être encadré et rationalisé, et ne doit pas créer de charges supplémentaires pour l’État. Ce sera tout l’enjeu de la réunion ministérielle que le ministre Laurent Fabius présidera prochainement, en compagnie de Najat Vallaud-Belkacem, et qui fixera, pour l’avenir, la feuille de route pour l’enseignement français à l’étranger.

Néanmoins, on constate qu’à la fin de leurs études secondaires, la plupart des étudiants non français quittent notre système pour s’inscrire dans des universités anglo-saxonnes notamment.

Quelles actions pourrions-nous mettre en œuvre pour donner de l’attractivité à notre système d’enseignement supérieur ?

Notre système d’enseignement supérieur est attractif : nous sommes la troisième destination d’accueil des étudiants internationaux et nous disposons de nombreux atouts que nous devons continuer de valoriser, notamment la qualité et la richesse de nos formations. Si certains élèves des lycées français préfèrent poursuivre leurs études près de leurs familles, ou dans des universités anglo-saxonnes, ils sont presque la moitié (49,4 %) à choisir la France. Les bacheliers de notre réseau savent qu’ils peuvent prétendre, sous conditions, aux bourses du programme Excellence-major du ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI) et de l’AEFE, qui a bénéficié en 2013 à environ 1 000 anciens élèves. D’autres initiatives sont prises pour leur proposer également des cursus encadrés et attractifs, comme le programme PITES (Projets de partenariats internationaux d’enseignement supérieur) qui repose sur des partenariats entre établissements français et lycées et universités étrangères de la même ville.

Enfin, un travail de coordination est actuellement mené entre Campus France et l’AEFE, afin de mieux informer les élèves de notre réseau d’enseignement français à l’étranger. L’objectif est de mutualiser les bonnes pratiques et la communication autour de notre système d’enseignement supérieur, notamment à travers le réseau des anciens élèves, afin de renforcer son attractivité.

Les échanges, dans le cadre de programmes de recherches, peuvent-ils contribuer à mieux faire connaître nos universités ?

L’une des missions du MAEDI est de contribuer à conforter la compétitivité de la France et à accroître la visibilité de son système d’enseignement supérieur et de recherche sur la scène scientifique internationale. Le ministère finance, dans le cadre de programmes d’échanges, la mobilité internationale des chercheurs, en particulier universitaires : 55 partenariats Hubert Curien mis en œuvre à travers le monde soutiennent chaque année 1 500 projets de coopération scientifique, soit plus de 10 000 mobilités de chercheurs, français et étrangers, favorisant ainsi les cotutelles de thèse, les doubles diplômes et les programmes de recherche conjoints.

Dans le domaine plus particulier des sciences humaines et sociales et de l’archéologie, le MAEDI, en collaboration avec le CNRS, anime un réseau de 27 instituts français de recherche à l’étranger (IFRE) qui sont répartis dans 34 pays. Ces instituts servent à la fois de relais et d’interface entre les établissements d’enseignement supérieur et de recherche français et leurs homologues étrangers et contribuent, sur le terrain, à la formation des doctorants et des jeunes chercheurs.

Le ministre Laurent Fabius, en présentant les différentes orientations du ministère, a émis le désir de mieux articuler les différentes structures comme Campus France, l’AEFE, les Instituts français ou les Alliances françaises. Autour de quels projets peuvent se nouer ces partenariats ?

Afin de mieux articuler les différentes structures comme Campus France, l’AEFE, les Instituts français ou les Alliances françaises, qui contribuent à la promotion des études en France, du système scolaire français, de la langue française et de la culture française et francophone, de nombreuses synergies sont mises en place. Ces opérateurs organisent le plus souvent leurs partenariats dans le cadre de conventions pluriannuelles et la tutelle veille à ce que cette dimension soit bien prise en compte dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens signés avec ces opérateurs.

Ainsi, le ministère a fait du développement des synergies et des complémentarités entre les deux composantes du réseau culturel français à l’étranger l’une de ses priorités. À cet égard, l’ensemble des dispositifs de programmation culturelle de l’Institut français (IF) est ouvert aux Alliances françaises, qui peuvent également bénéficier des plateformes numériques développées par l’IF (Culturethèque, IFcinéma, etc.).

Les relations entre la Fondation Alliance française (FAF) et l’IF ont été précisées dans une convention de partenariat tripartite entre la FAF, l’IF et le MAEDI, signée le 12 juin 2012, qui précise les relations et les champs de coopération entre les deux premiers signataires.

Nos Autre exemple, la plateforme « France Alumni », qui sera lancée fin novembre, développée par Campus France, constitue un projet phare autour duquel des partenariats concrets se nouent entre les différents opérateurs du MAEDI.

Attendu depuis plusieurs années, ce projet a pour ambition de mettre en relation les anciens étudiants étrangers ayant fait des études en France avec nos ambassades, nos établissements d’enseignement supérieur, nos entreprises et nos opérateurs, et de proposer à ces différents acteurs divers services.

Comment la culture de ces réseaux peut-elle favoriser l’influence diplomatique française ?

L’animation de l’ensemble de nos réseaux – anciens élèves, étudiants ou boursiers, artistes accueillis en résidence en France, bénéficiaires de programmes d’échanges, mais aussi les communautés françaises et nos entreprises à l’étranger, etc. — est désormais un axe prioritaire de la diplomatie globale définie par le ministre. Connaître et rassembler les hommes et les femmes qui partagent nos valeurs, ont bénéficié de nos formations et s’intéressent à notre culture est essentiel.

Nouer avec eux des liens durables renforce notre influence auprès des décideurs des pays concernés, qu’ils soient issus des milieux politiques, économiques, scientifiques ou culturels.

Les saisons culturelles et les festivals participent à notre rayonnement culturel à l’étranger. Quels sont les derniers projets importants que développe la direction de la coopération culturelle dans ce domaine ?

Par saison ou année culturelles, croisées ou non, on entend un modèle spécifique de coopération bilatérale, d’une durée de six à douze mois. Le portage est assuré par l’Institut français, opérateur de l’État pour l’action culturelle extérieure, et un dispositif est mis en place comprenant un commissariat général, responsable de la programmation et de la recherche de partenaires, et un comité des mécènes. Les saisons comprennent une série de manifestations dans les domaines de la culture, de l’économie, du sport, de l’enseignement, de la recherche, de la technologie, du tourisme. Notre action aujourd’hui vise à ce que, au-delà de la dimension culturelle, l’ensemble des échanges puisse être pris en compte. Sont prévues prochainement, la saison du Singapour en France (2015), la France en Croatie (2015), l’année croisée Corée-France (2015- 2016), la saison du Louvre Abou Dabi (2016), les saisons croisées Indonésie-France (2017) et France-Colombie (2017). Pour chacun de ces projets, notre diplomatie d’influence doit servir à renforcer l’influence et l’attractivité de notre pays.

Les festivals sont organisés à l’initiative de nos postes, mobilisant des partenaires locaux et des financements publics et privés.

Ils partagent le même objectif de développement de l’attractivité des territoires et du savoir-faire français. À titre d’exemple, on peut citer les festivals « Bonjour India », « Croisements » en Chine, « French May » à Hong Kong ou encore le festival «French waves » en Allemagne.

 

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La culture, patrimoine commun de l’humanité

Entretien avec Irina Bokova, directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO)

Parce que la culture est le plus sûr moyen de rapprocher les peuples, de favoriser la diversité, le lien social et la parité, l’UNESCO met en œuvre un grand nombre d’actions pour soutenir et valoriser le patrimoine culturel. En particulier dans les pays où il est le plus vulnérable.

Quels enjeux essentiels assigner à la défense et à la valorisation du patrimoine culturel ?

C’est un enjeu à la fois social, économique et moral. Le patrimoine culturel porte l’histoire et les identités des peuples : il est une partie intégrante du droit fondamental de chacun à pratiquer sa culture, de s’ancrer dans le temps long de l’histoire et des générations qui donnent du sens et des repères à notre vie quotidienne. Au-delà de vieilles pierres et des monuments, le patrimoine est un vecteur de repères collectifs, de cohésion sociale, de confiance et d’estime de soi, autant d’éléments qui participent au vivre ensemble et fortifient le sentiment d’appartenance à une collectivité. Ces valeurs contribuent à la vie en société, à l’inclusion sociale et à la résilience des peuples en cas de conflits ou de crise. Le patrimoine, le secteur culturel et les industries créatives en général représentent également des gisements d’emplois, souvent locaux et ancrés dans des terroirs. Ce sont des leviers d’innovation, des moteurs et facilitateurs de développement durable. À l’heure où tous les pays cherchent de nouveaux leviers de croissance durable, le patrimoine offre des réponses.

Ce patrimoine est tout particulièrement vulnérable en situation de conflit, et nous le voyons tragiquement aujourd’hui en Iraq et en Syrie, en Libye et au Yémen, où il est pris pour cible. Bien plus qu’une tragédie culturelle, l’anéantissement du patrimoine est un enjeu de sécurité majeur, car les belligérants utilisent la destruction de la culture comme une arme de guerre, pour démoraliser et asservir les populations. Ces actes délibérés sont des crimes de guerre, dans une stratégie de nettoyage culturel, relayée par les médias et les réseaux de propagande, visant à détruire les vies humaines et toute trace de diversité culturelle, toute l’histoire d’un peuple.

Comment définir, dans ce domaine, le cadre de l’action de l’UNESCO, et comment sont arrêtées ses priorités, selon les pays ?

L’UNESCO est une agence intergouvernementale, au service de nos États membres, et ce sont ces derniers qui définissent le cadre et les priorités de notre action. Notre rôle a été établi après la Seconde Guerre mondiale sur une idée assez simple : fortifier la coopération éducative, culturelle, scientifique entre les États dans le but de renforcer la compréhension mutuelle, la solidarité intellectuelle des nations, et faire reculer le spectre de la guerre. Dans le domaine de la culture, le travail de l’UNESCO consiste à accompagner les États dans l’élaboration de textes de loi, dans la formation des experts, des conservateurs, des collectivités locales, des scientifiques, dans le partage des bonnes pratiques entre les États. Depuis soixante-dix ans, l’UNESCO a permis l’adoption de traités juridiques internationaux, dont la Convention sur le Patrimoine mondial est la plus connue, et définit les règles à respecter pour protéger les sites dont la valeur exceptionnelle concerne toute l’humanité. L’UNESCO existe pour favoriser la coopération entre les États, et mener sur le terrain des actions de sauvegarde et de mise en valeur de la culture.

La culture est-elle aussi le bon moyen de lutter pour l’égalité des sexes ? Quel est le rôle du Fonds international pour la diversité culturelle (FIDC) dans ce cadre ?

La culture permet de lutter pour l’égalité des genres. Le soutien aux activités culturelles est un moyen de soutenir les femmes qui travaillent dans ces domaines, de stimuler leurs capacités créatives et de favoriser leur reconnaissance sociale et leur participation au pouvoir politique et citoyen. Les activités culturelles créatives ou artisanales exercées par des femmes peuvent aussi soutenir leur autonomie en offrant des opportunités d’emploi et de création d’entreprises. Depuis 2010, le FIDC a financé plus de 78 projets dans 48 pays, couvrant un large éventail d’activités, du développement des politiques culturelles au renforcement des capacités des entrepreneurs culturels, à la cartographie des industries culturelles. Plus que la moitié de ces projets intègrent la dimension de l’égalité des genres. Ils visent améliorer l’accès des femmes aux emplois dans le domaine de la culture et les aider à générer des revenus, à avancer leur carrière et à servir de modèle. L’UNESCO a justement publié un rapport complet l’an dernier sur ce sujet intitulé « Égalité des genres, patrimoine et créativité ».

« L’UNESCO a un lien particulier avec le parc archéologique d’Angkor au Cambodge, l’un des sites culturels les plus importants d’Asie du Sud-Est, qui contient les magnifiques vestiges des différentes capitales de l’Empire khmer. »

À Chendgu a eu lieu la VIIIe réunion annuelle des villes créatives. Quels avantages constituent la mise en réseau d’actions culturel- les ? L’UNESCO joue-t-il un rôle actif dans ce domaine ?

La clé de la créativité, c’est le rapprochement, la mise en contact. Le Réseau des villes créatives est une incarnation de cette vision. En 2014 j’ai désigné 28 nouvelles villes créatives portant ainsi à 69 le nombre de villes de ce réseau dans 32 pays. Les villes sont des foyers de créativité, de dynamisme culturel, de brassage et de métissage. L’UNESCO a décidé de s’appuyer sur elles comme des leviers de premier plan de la coopération culturelle internationale. Le travail en réseau permet le partage de bonnes pratiques et le développement des partenariats novateurs et stimule les échanges entre secteurs publics et privés ainsi qu’avec la société civile des différents pays. C’est un atout essentiel pour la mobilité des créateurs et l’accès des artistes à de nouveaux publics et à des marchés mondiaux. L’UNESCO encourage les villes membres à faire avancer la réflexion sur le rôle de la créativité dans les stratégies de développement urbain, car c’est un formidable levier de développement durable, et nous voulons d’ailleurs inscrire ce potentiel de la culture dans le nouveau programme mondial des Nations Unies pour le développement durable.

Quel est le rôle des conventions culturelles ? S’agit-il aussi d’une modalité clé de l’action de l’UNESCO en matière culturelle ?

Les conventions culturelles jouent un rôle fondamental puisqu’elles donnent, dans leurs domaines respectifs, un cadre légal et contraignant aux États qui les ont ratifiées. L’UNESCO possède un ensemble de conventions internationales pour la protection et la valorisation de la culture sous toutes ses formes : patrimoine naturel, culturel, immatériel, sub-aquatique, besoins de protection en temps de paix ou de conflit, lutte contre le trafic d’objets culturels, soutien aux industries culturelles, etc. Les États ont, à cet égard, des obligations qu’ils doivent respecter. Ces conventions facilitent la coopération internationale en mettant à disposition des États des mécanismes de soutien y compris financiers, et favorisent également l’échange d’expériences et de bonnes pratiques.

Pouvons-nous évoquer ici quelques projets emblématiques, suivis par l’UNESCO ?

Il y en a beaucoup. L’exemple le plus célèbre en France est sans doute la campagne internationale de sauvegarde de 1959 pour les temples d’Abou Simbel en Égypte, qui avait été lancée à l’époque avec l’appui de Malraux et de Christiane Desroches-Noblecourt. À peine une décennie après la guerre, une cinquantaine de pays travaillaient ensemble à la sauvegarde d’un patrimoine universel. La Convention du Patrimoine mondial est née de cet élan. La réinstallation de l’obélisque d’Axoum en Éthiopie, de 2005 à 2008, est un autre exemple représentatif d’une opération longue et complexe menée avec succès. La stèle de 23,4 mètres de haut pesant 152 tonnes a été démantelée en Italie, puis transportée et réinstallée en Éthiopie. Ce projet est une démonstration convaincante du pouvoir de la coopération culturelle dans les stratégies de développement et de rapprochement des peuples.

L’UNESCO a un lien particulier avec le parc archéologique d’Angkor au Cambodge, l’un des sites culturels les plus importants d’Asie du Sud-Est, qui contient les magnifiques vestiges des différentes capitales de l’Empire khmer. Les bouleversements politiques et militaires, les fouilles illégales, les pillages et les champs de mines ont participé à la destruction du site. L’UNESCO a mené de grandes campagnes de sauvegarde et mène encore plusieurs projets de protection sur ce site unique.

L’UNESCO mène aussi la réhabilitation du patrimoine de Tombouctou, au Mali, en particulier les mausolées inscrits au patrimoine mondial, dont 14 ont été rasés et que nous sommes en train de reconstruire. Je me suis rendue au Mali en février 2013 avec le Président français François Hollande pour lancer l’évaluation de l’état du patrimoine culturel et des manuscrits anciens du Mali. L’Urgence absolue porte aujourd’hui sur la protection du patrimoine en Iraq et en Syrie, et l’UNESCO y consacre tous les moyens disponibles.

 

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