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Interview : S.E. Mme ODOBESCU Luminiţa Teodora

Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, Représentant permanent de la Roumanie auprès de l’union européenne et Présidente du Groupe des Ambassadeurs francophone de Bruxelles (GAF-B)

Pouvez-vous nous présenter la représentation permanente de la Roumanie auprès de l’Union européenne ? quelles sont vos accréditations, vos missions et compétences ?

À l’instar des représentations permanentes des autres États membres, notre Représentation Permanente concentre ses efforts, conformément au mandat, sur le soutien des processus législatifs et décisionnels de l’UE d’une manière qui soit la plus favorable aux intérêts européens et généraux de la Roumanie. Nous sommes un avant-poste des positions promues par l’ensemble de l’administration nationale, ce qui se reflète également dans la composition spéciale de la représentation permanente par rapport aux autres missions diplomatiques – nous avons des représentants de tous les ministères qui effectuent des missions diplomatiques, parfois très spécialisées. Nous coordonnons et nous assurons la liaison avec les autres représentations des États membres, les institutions européennes, des ambassades des pays tiers et des Roumains travaillant dans les institutions européennes.

 

Vous êtes à l’origine de la mise en place du Groupe des Ambassadeurs francophones de Bruxelles, pouvez-vous nous exposer la genèse de ce groupement ?

Le Groupe des Ambassadeurs francophones de Bruxelles a été créé en 2009, à l’aide de la Représentation permanente de l’OIF auprès de l’UE. Cette plateforme qui rassemble aujourd’hui 104 ambassadeurs francophones représente une instance de concertation particulière, liée aux thématiques de l’agenda européen et du groupe des pays ACP. Le Groupe contribue en égale mesure à la promotion des actions menées par l’OIF, notamment en matière de formation des fonctionnaires. J’ai eu le grand honneur d’être élue présidente de ce groupe dès mon arrivée à Bruxelles, en 2015. Mon but était de continuer le dialogue entre les membres du Groupe sur les sujets de l’actualité européenne et francophone, de relier les cercles d’influence politique de Bruxelles et de renforcer la présence de la langue française et le respect du multilinguisme dans les institutions européennes. Il faut continuer et poursuivre nos efforts communs destinés à privilégier le français comme langue principale dans le cadre des institutions européennes, à travers toutes ses dimensions, géopolitique, culturelle, éducative, économique, scientifique.

 

La Diplomatie de la Francophonie ne se résume pas uniquement à l’usage de la langue française. Quels sont aujourd’hui vos champs d’intérêt et d’intervention ?

La Francophonie est un choix naturel pour la Roumanie, de même l’idée de rassembler les amis francophones à Bruxelles dans ce groupe. Pour mieux encadrer cela, je voudrais rappeler que en 1991, la Roumanie a obtenu le statut d’observateur et, depuis 1993, elle est membre à part entière de la Francophonie. Le statut de membre à l’OIF, doublé par sa vocation francophone et francophile de tradition, a permis à la Roumanie de renforcer la dimension globale de sa coopération internationale, dans les conditions de la représentation transcontinentale de la Francophonie. La Roumanie a été nommée en 2007 «Etat-phare» de la Francophonie pour la région de l’Europe centrale et orientale par le Secrétaire Général de la Francophonie.

En effet, la diplomatie de la Francophonie est beaucoup plus large et se fonde sur une base des valeurs et objectifs communes à l’espace francophone. D’ailleurs la Francophonie, construite sur le socle du français, en tant que langue qu’on partage, touche les domaines vitaux qui impactent et intéressent les 84 pays membres, associes ou observateurs de la Francophonie.

Je voudrais me concentrer sur trois exemples qui montrent l’ambition de la Roumanie de promouvoir l’idée de changement dans le cadre francophone : l’égalité femme-homme, la recherche et la formation de celles et ceux qui sont appelées de mettre en place des politiques publiques pour les pays membre de la l’OIF.

Conférence des Femmes de la Francophonie

La Roumanie a la ferme conviction que l’égalité entre femmes et hommes représente un facteur important du respect des droits humains, de la paix et du développement.

Le 1er et 2 novembre 2017, la Roumanie a organisé, en coopération avec l’Organisation Internationale de la Francophonie, la Conférence des Femmes de la Francophonie, à Bucarest, sous le haut patronage du Président de la Roumanie et en présence de la Secrétaire générale de la Francophonie.

La Conférence a rassemblé les parties prenantes en faveur de l’égalité femme-homme, a réaffirmé l’importante contribution des femmes au développement économique et a mobilisé l’action des États et des gouvernements membres de l’OIF au sujet de l’égalité des genres.

La Conférence a adopté l`Appel de Bucarest et a lancé le premier réseau francophone des femmes entrepreneures. On espère que ce document fondateur, qui sera la base de la Stratégie de l’OIF pour l’égalité femme-homme, sera approuvée cette année.

Le Programme de bourses doctorales et de recherche postdoctorale « Eugen Ionescu »

La Roumanie poursuivit le renforcement des liens entre les pays francophones en matière de l’éducation pour le développement durable dans l’espace francophone, par le Programme Eugen Ionescu de bourses doctorales et de recherche postdoctorale.

Le programme a été lancé, en 2006, lors du XIème Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Bucarest, pour la première fois dans un pays de l’Europe centrale et orientale.

Cette initiative représente l’engagement de la Roumanie, en tant que pays membre de l’Organisation internationale de la Francophonie, mais aussi comme membre de l’Union Européenne, de contribuer à l’essor de l’enseignement supérieur au service du développement durable dans l’espace francophone.

La Francophonie universitaire représente un volet essentiel de la Francophonie dans son ensemble. En utilisant les instruments spécifiques de l’Organisation et ses propres initiatives, la Roumanie est fermement engagée dans le rayonnement des valeurs francophones, non seulement au plan national, mais aussi à travers l’espace francophone.

Jusqu’à présent, plus de 700 doctorants et chercheurs provenant d’une trentaine de pays membres et observateurs de l’OIF, de l’Afrique, de l’Asie, de l’Amérique latine et de l’Europe, ont déjà bénéficié du système de bourses « Eugen Ionescu », dans les institutions d’enseignement supérieur roumaines, reconnues pour leur excellence dans les domaines les plus divers.

Initiative Francophone Nationale

La Roumanie contribue, depuis 2004, dans le cadre de l`Initiative Francophone Nationale, à la formation en français des diplomates et des fonctionnaires de l`administration publique roumaine qui travaillent sur les dossiers européens. Jusqu`à présent, plus de 6000 personnes ont bénéficié de ces formations.

Pour la période 2015-2018 le déroulement de l`IFN roumaine a eu comme objectif la formation du personnel pour l`exercice de la présidence roumaine du Conseil de l`Union Européenne, en 2019.

 

Cela fait 10 ans maintenant que la Roumanie a rejoint l’Union européenne, dans le cadre de vos responsabilités au sein de la représentation permanente de la Roumanie auprès de l’Union européenne, quel est votre constat ?

Plus que 10 ans après l’adhésion, je peux dire avec conviction que l’intégration européenne est ressentie à tous les niveaux de la société roumaine et que l’adhésion à l’UE et le respect des valeurs européennes sont restés constants dans les approches qui ont réussi au fil du temps. Comme tous les autres États membres de la région, adhésion à l’UE signifie un retour au bercail. La Roumanie trouve son destin comme partie de L’UE en retrouvant sa pleine liberté, qui a été récupéré en Décembre 1989 et entièrement restauré le 1er mai 2007. Les Roumains ont apporté l’enthousiasme en Europe et l’Europe a redonné aux Roumains l’espoir pour un avenir en démocratie et liberté.

En rejoignant ce club important, nous sommes devenus partie prenante du processus décisionnel et nous mettons en œuvre les décisions prises conjointement. Les avantages de notre adhésion à l’UE sont principalement liés à l’accès au marché intérieur, à la libre circulation, à la croissance économique, à la cohésion et à l’accès aux finances de l’UE. Nous avons également réussi à développer des projets ayant un impact positif sur la région, comme la Stratégie pour le Danube, mais aussi le développement du laser le plus puissant du monde à l’institut de recherche à Turnu-Măgurele. Nous sommes actifs dans le voisinage et parmi les partisans permanents de la perspective européenne de la République de Moldavie et de l’élargissement avec les pays des Balkans occidentaux. Dans le même temps, la Roumanie contribue activement aux efforts visant à trouver des solutions aux défis qui affectent l’Union dans son ensemble, tels que la migration, le Brexit, le terrorisme, le changement climatique etc.

Au niveau de la représentation permanente de la Roumanie auprès de l’UE, l’expérience acquise au cours de ces 10, bientôt 11 ans nous donne aussi la certitude en matière de connaissance et d’approfondissement du cadre interinstitutionnel, le « labyrinthe des procédures » ou le meilleur usage du levier existant dans les Traités et le cadre juridique européen. Notre représentation est également une interface avec les institutions européennes ici à Bruxelles, et au cours de ces années, cette relation a mûri et s’est approfondie, avec le sentiment d’appartenir à une famille institutionnelle élargie et ouverte.

 

Quels sont vos défis 2018 ? et pouvez-vous faire un mot sur les européennes de 2019?

Le plus grand défi de la Roumanie cette année est la préparation de la Présidence du Conseil de L’Union Européenne. La Roumanie prendra, pour la première fois depuis l’intégration en 2007, la présidence de l’UE à partir du 1 janvier 2019. On est fier et prêt à montrer le succès de l’élargissement vers l’Est. Le 9 mai 2019, la Présidence Roumaine du Conseil de L’Union Européenne accueillera le Sommet des chefs d’État et de gouvernement à Sibiu. La Route-vers-Sibiu ne consiste pas seulement d’approfondir l’intégration européenne sur la base de l’Agenda des dirigeants, mais aussi de préparer la voie après 2020. Même sans le Royaume-Uni, l’Union cherchera à rester unie, orientée vers les solutions et dotée d’une réflexion stratégique.

La présidence du Conseil de l’UE, que la Roumanie tiendra le 1er janvier 2019, représente un tournant décisif pour notre pays. Pendant six mois, nous nous concentrerons sur des solutions, sur la prise de décisions pertinentes pour nos citoyens. La présidence concerne la responsabilité et l’intérêt commun. Il s’agit de nos citoyens et de nos valeurs. C’est aussi une question d’unité, de solidarité et d’avenir commun.

Les élections européennes de 2019 seront aussi définitoires pour nos ambitions. Il est donc important de communiquer de manière continue avec les citoyens, de leur expliquer simplement et directement les bénéfices de l’Union pour la vie quotidienne. Nous avons besoin de leur soutien, en particulier des jeunes, pour que le projet européen puisse aller plus loin.

 

 

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