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Les collectivités, maillon essentiel de la transition énergétique

Brochures, financements, aide méthodologique, labellisation… l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) propose une série d’aides aux collectivités territoriales, dont le rôle est déterminant pour mener à bien la transition énergétique.

Entretien avec Bruno LECHEVIN,
Président de l’ADEME


Comment envisagez-vous le rôle des collectivités territoriales dans la transition énergétique ?

Les collectivités constituent un maillon essentiel de la transition énergétique. 15 % des émissions de GES sont directement issues des décisions prises par les collectivités territoriales, concernant leur patrimoine (bâtiment, éclairage public, flotte de véhicules) et leurs compétences (transports, déchets, distribution d’énergie et de chaleur…). Et 50 % si l’on intègre les effets indirects de leurs orientations en matière d’habitat, d’aménagement, d’urbanisme et d’organisation des transports. Leur rôle est aussi déterminant par leur proximité avec les acteurs locaux avec lesquels ils peuvent engager des actions multi-partenariales. Leur action résolue et continue permet enfin de faire évoluer les comportements au quotidien.

 

Et à plus long terme ?

À l’avenir, elles auront un rôle encore accru dans l’évolution de notre modèle énergétique, qui sera plus décentralisé, plus diversifié, plus sobre en ressources. La gouvernance de l’énergie va évoluer en conjuguant les atouts d’un système très centralisé avec ceux des dynamiques territoriales. Le mouvement est déjà en marche avec un nombre impressionnant d’initiatives lancées par les collectivités territoriales. Cette forte mobilisation se traduit notamment par la mise en place de plus de 450 territoires labellisés Territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), en réponse à l’appel à projets lancé par le ministère de l’Environnement.

 

Où en est l’application des PCAET (Plan Climat Air Énergie Territorial) instaurés par la loi sur la transition énergétique ?

La Loi rend les PCAET obligatoires pour les EPCI de plus de 20 000 habitants, avec des échéances différenciées selon la taille de l’EPCI (fin 2016 pour les EPCI de plus de 50 000 habitants et fin 2018 pour les EPCI de plus de 20 000 habitants). Le PCAET permet de réfléchir à des politiques plus globales, plus intégrées, plus cohérentes, qui doivent associer les problématiques d’énergie, d’urbanisme, de transports, etc. Les EPCI de plus de 50 000 habitants ont pris un peu de retard sur l’échéance de fin 2016, en raison de la publication tardive des décrets d’application et le fait qu’ils doivent réaliser l’évaluation environnementale stratégique de leur plan (c’est-à-dire l’ensemble des impacts environnementaux du PCAET sur le territoire). Leur retour d’expérience sera important pour les autres collectivités concernées qui devront rendre leur PCAET avant le 31 décembre 2018.

L’ADEME est le partenaire naturelle des collectivités dans leur démarche énergie-climat, avec les « Trophées de l’adaptation au changement climatique » ou le label Cit’ergie, lancé en 2008. Avec ce dernier, elle leur propose un appui opérationnel, une méthodologie et des idées dans le cadre de démarches telles que les TEPOS (Territoire à énergie positive), les TEPCV et les PCAET. L’engouement des collectivités d’ailleurs ne se dément pas. Ainsi, 35 % de la population française sont déjà couverts fin 2016 par une démarche énergie-climat accompagnée soutenue par l’ADEME, dont 18 % via des démarches Cit’ergie. L’objectif, d’ici 2019, est d’atteindre 55 % de la population. Rappelons que cet accompagnement de l’Agence se traduit par le cofinancement de chargés de mission plan climat dans les collectivités territoriales ou bien encore par des contrats d’objectifs « territoire énergie climat » pour les collectivités les plus ambitieuses.

 

Comment inciter les collectivités à s’impliquer davantage dans la transition énergétique ?

Elles n’ont pas le choix, mais c’est une formidable opportunité pour elles. Elles ne doivent pas percevoir la transition énergétique comme une contrainte, mais au contraire, comme une ouverture à de nouvelles perspectives, en matière d’activités, de production de valeur et donc d’emplois. Pour prendre un exemple, Poma, groupe français spécialisé sur les téléphériques, ouvrira bientôt une usine en Isère destinée à la fabrication d’une vingtaine d’éoliennes terrestres par an. La transition énergétique améliore aussi la qualité de vie des habitants, renforce l’attractivité des territoires, tout en préparant leur résilience au changement climatique.

Pour y parvenir, les collectivités peuvent compter sur les pouvoirs publics. Prenons l’exemple de la chaleur renouvelable. Malgré les difficultés conjoncturelles actuelles, l’ensemble des subventions dédiées au Fonds chaleur a été consommé. Celui-ci a notamment permis une forte accélération des réseaux de chaleur, qui constituent un moyen économique de développer les énergies thermiques renouvelables. L’ADEME a ainsi aidé 660 projets (506 M€ d’aides) entre 2009 et 2015 : cela représente plus de 1 700 km de longueur cumulée, soit une progression de 50 % par rapport aux réseaux existant avant 2009, avec, à chaque opération, la recherche de la meilleure performance économique en fonction des particularités locales : géothermie à Bagneux, biomasse à Arras, énergie des déchets à Dunkerque…

 

Les exemples cités concernent des secteurs urbains. Comment l’ADEME favorise-t-elle le développement des énergies renouvelables en secteur rural ?

Lors des Assises européennes de la transition énergétique, qui se sont déroulées à Bordeaux en janvier dernier, l’ADEME et le Syndicat Energies Haute-Vienne (SEHV), qui accompagne 102 communes et 7 communautés de communes, ont signé un contrat de développement des énergies renouvelables thermiques en gestion déléguée, le premier de ce type en France. Par cet accord, le SEHV peut regrouper des projets de taille modeste pour leur permettre de bénéficier des aides du Fonds chaleur jusqu’ici réservées à des projets de grande envergure. Au moins vingt opérations sont prévues dans les 3 prochaines années : 17 installations bois-énergie et 3 solaires thermiques. Ces actions, estimées à 3,3 millions d’euros d’investissement, seront ainsi directement financées à hauteur de 1,3 million. Des accords du même genre devraient être signés dans le courant de l’année avec d’autres syndicats d’énergies.

 

Les collectivités pourront-elles compter sur le développement du financement participatif et citoyen ?

Les pouvoirs publics encouragent aussi la logique du financement participatif, une nouvelle possibilité pour les citoyens et les collectivités de contribuer à un projet d’énergie renouvelable sur leur territoire. C’est essentiel, car il favorise l’acceptabilité sociale des énergies renouvelables, notamment l’éolien terrestre, mais vise aussi à maximiser les retombées économiques locales. Plus de 200 projets sont déjà recensés en France. Pour accompagner les collectivités dans cette démarche, l’ADEME, en partenariat avec Énergie Partagée et le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, vient d’éditer un guide méthodologique basé sur des exemples concrets. Nous réfléchissons aussi à un dispositif de financement incitatif afin de soutenir des projets citoyens très en amont, en prenant en compte la partie animation, les études de faisabilité, la constitution de sociétés… La Région Occitanie, qui s’est engagée à devenir la première région à énergie positive, expérimente déjà des avances remboursables pour épauler les sociétés dans la phase critique de démarrage de leur activité et une prime à la participation citoyenne sous forme de subvention d’investissement à hauteur de 1 € de la Région pour 1€ du citoyen.

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