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M. Bas EICKHOUT

Député Européen, Vice-Président de la Commission ENVI

Les investissements d’aujourd’hui détermineront la durabilité de notre économie dans trente ans

L’investissement privé dans des activités économiques durables plutôt que nuisibles continue de progresser favorablement. La Commission européenne a eu raison de proposer à l’UE d’ouvrir la voie à la finance durable en présentant des définitions européennes harmonisées aux investisseurs. Ces définitions précisent quels investissements peuvent être considérés comme des investissements durables. Mais pour que l’UE respecte la promesse faite dans l’Accord de Paris, à savoir l’alignement des flux financiers avec un monde où une hausse de la température mondiale est maintenue en-dessous de 1,5 degré, il faut une plus grande ambition. La décision de l’UE de respecter cette promesse, dépend de l’ambition de la nouvelle Commission et de la volonté du Parlement et des États membres de passer de la parole aux actes. Au moins quatre défis sont encore dans l’attente d’un plan d’action de la nouvelle Commission européenne.

Premièrement, un cadre qui définit l’action politique future sur un programme de finance durable, ne devrait pas se limiter qu’aux investissements durables. Au lieu de cela, l’action de l’UE devrait contribuer à rendre tous les financements plus durables, et à basculer les milliards d’investissements en activités économiques non-durables vers des activités économiques durables. C’est pourquoi nous avons proposé d’utiliser la taxonomie, non seulement pour les produits des marchés financiers ayant un objectif environnemental spécifique, mais pour une gamme beaucoup plus large de produits financiers, y compris les actions ordinaires et les obligations vendues aux investisseurs et également aux comptes bancaires.

Deuxièmement, nous devons lutter plus énergiquement contre l’écoblanchiment. L’autoréglementation et les mesures telles que les normes volontaires d’obligations Green Bonds sont insuffisantes pour garantir que les financements verts publics et privés soient réellement durables. Une définition européenne de la finance durable doit indiquer clairement que le charbon propre, l’énergie nucléaire durable et les infrastructures gazières vertes n’existent pas. C’est pourquoi il est important que le Parlement exclue explicitement les combustibles fossiles, les infrastructures des combustibles fossiles et les investissements dans l’énergie nucléaire comme étant
des « investissements durables ». Les investisseurs doivent également comprendre que l’investissement écologiquement durable nécessite le respect de normes solides en matière de droits de l’homme. Seuls les acteurs des marchés financiers qui peuvent prouver que leurs produits financiers sont conformes aux définitions de l’UE, devraient être autorisés à vendre des produits comme étant « durables », « verts » ou « éthiques ».

Troisièmement, l’UE ne devrait pas seulement définir ce que sont les investissements durables, mais également apporter de la clarté concernant les investissements les plus nocifs pour l’environnement. Cela enverra un signal fort aux investisseurs publics, privés. Les banques assimileraient ainsi que l’investissement ou le prêt à des activités économiques comme le charbon, le gaz de schiste ou l’agriculture industrielle est à la fois hasardeux et non-durable. En outre, cela assurera la transparence sur les montants des investissements non-durables actuels, ce qui à son tour est essentiel pour que les actionnaires fassent pression sur les entreprises afin de transformer les activités non-durables en activités durables. La mesure des activités « brunes » ne doit pas se limiter aux marchés de capitaux, mais également inclure le secteur bancaire qui finance toujours la plus grande partie de l’économie européenne. Le réseau des banques centrales et des autorités de surveillance pour l’écologisation du système financier a également demandé une clarification complète entre les actifs verts, non-verts, bruns et non-bruns afin de comprendre leurs risques.
Les autorités européennes de surveillance devraient être tenues d’intégrer le changement climatique dans leurs méthodologies d’évaluation de scénarios de crise afin de gérer de manière ordonnée les risques financiers liés aux actifs délaissés.

Enfin, mesurer la durabilité des actifs financiers et des prêts restera difficile sans un rapport plus détaillé du secteur des entreprises. Une révision ambitieuse du cadre de reporting est attendue de longue date. Il existe déjà de bonnes initiatives telles que la Plateforme CO2 (la comptabilité financière du carbone) pour évaluer et publier les émissions de gaz à effet de serre liées aux prêts et aux investissements. Il n’y a plus aucune excuse pour commencer à mesurer et à estimer l’impact sur le développement durable, mais l’UE devrait aider le secteur financier à accéder aux informations comparables des entreprises, en mettant à jour les règles de reporting. Jusqu’à présent, il y a eu beaucoup de soutien politique à l’action de l’UE pour promouvoir l’investissement durable. Les entreprises et les politiciens adorent les mesures qui les aident à paraître plus « écolos » et qui peuvent être présentées comme une situation « gagnant-gagnant » pour toutes les parties prenantes. Mais un programme de finance durable qui atteint réellement son objectif, d’accélérer le programme d’écologisation urgent nuira également à certains intérêts particuliers. Si la Commission Von Der Leyen souhaite réellement réaliser son ambition de développement durable, elle devrait prendre le taureau par les cornes et appréhender cette partie plus compliqué du programme de finance durable.

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