JGDE. Vous présidez la SICA de St Pol de Léon, pouvez-vous nous expliquer comment la SICA de St Pol de Léon est devenue le 1er groupement français de producteurs de légumes et de produits horticoles ?
La SICA, Société d’Initiatives et de Coopération Agricoles, est née d’une réflexion poussée sur l’observation des marchés et le développement du territoire. Elle voit le jour en 1961, sous l’impulsion d’un groupe de jeunes agriculteurs, dont Alexis GOURVENNEC, convaincu que l’union et la solidarité des paysans constituent leur meilleure planche de salut. L’agriculture est alors en pleine mutation et le marché dominé par des négociants-expéditeurs privés, au détriment des producteurs. Les prix sont fixés de manière arbitraire et individualisée. Les producteurs décident donc de prendre leur destin en main en créant un marché au cadran de légumes pour instaurer des relations transparentes entre producteurs et équitables avec les négociants. : une première en France.
La SICA réalise rapidement que la prospérité de son activité implique la création d’une véritable filière structurée, maîtrisée d’amont en aval par les producteurs. Les paysans investissent donc aussi dans la création de structures de recherche.
Parallèlement la marque Prince de Bretagne est lancée en 1971 avec dans la foulée une équipe marketing chargée de décrypter les tendances pour mieux coller aux attentes des consommateurs, de promouvoir les produits et la marque auprès des clients, avant, en 1994, l’ouverture de l’ISFFEL proposant une formation de chef de rayon.
Face aux effets pénalisants à l’export de la position excentrée de la Bretagne, les producteurs osent ensuite un pari risqué : Faute de candidat au lancement d’une ligne transmanche pour assurer le transport de leurs produits vers le Royaume Uni, ils s’embarquent dans la création d’une compagnie de transport maritime. Et leur audace paie car la Brittany Ferries est aujourd’hui la 1ère compagnie de ferries en Manche et sur la façade Atlantique.
Avec ses 1 000 producteurs, 230 000t de légumes et plus de 10 000 références en horticulture d’ornement, la SICA a développé un attachement fort pour la région qui lui a permis de nourrir ses ambitions. Par l’action de ses producteurs, elle a participé au désenclavement du territoire en pesant notamment sur l’amélioration du réseau autoroutier breton, sur la création d’un port en eau profonde à Roscoff, sur l’implantation d’un pôle universitaire à Brest ou encore le lancement de la compagnie aérienne Brit’Air. Avec Brittany Ferries, elle a aussi contribué à la notoriété et au développement touristique du Finistère et de la Bretagne.
La SICA a donc imprimé son histoire dans les esprits et occupe aujourd’hui la place de leader français dans le domaine de la production légumière et horticole. Elle pèse 80 % de son bassin d’emplois.
JGDE. Pouvez-vous nous parler d’AGRIVAL, que vous présidez également, et qui a pour objectif de traiter de manière commune les végétaux terrestres et marins ?
La SICA a toujours fait le choix du mouvement en privilégiant une stratégie offensive de diversification et d’innovation : Après l’avoir appliqué aux produits eux-mêmes elle a naturellement étendu ce principe à la diversification des activités avec aujourd’hui la valorisation des co-produits de la culture végétale et des algues puisque nous disposons d’un réservoir de richesses naturelles.
C’est ainsi que dès 2010, AGRIVAL s’intègre aux activités stratégiques de la SICA dont la volonté est de s’engager dans une démarche environnementale et écologique de valorisation des produits issus de l’agriculture locale, en phase avec l’attachement des producteurs au développement durable.
Avec AGRIVAL, le groupe SICA s’est adjoint les compétences d’une entreprise innovante spécialisée dans la fabrication d’ingrédients naturels d’origine végétale issus des exploitations et destinés aux secteurs de l’alimentation humaine, de la nutrition animale, de la cosmétique ou encore de la nutraceutique.
Pour diversifier ses activités, AGRIVAL s’est engagée dans un nouveau défi : celui de se tourner vers l’océan pour y prélever, au cœur des algues, d’autres molécules d’intérêt. Le groupe SICA est ainsi devenu partenaire de plusieurs projets collaboratifs avec pour cible des marchés nombreux et porteurs : ceux de la nutrition humaine et animale, l’industrie de la cosmétique, la santé humaine, animale et végétale, etc…
JGDE. Dans votre domaine d’activité, la région Bretagne fait figure de proue. Pouvez-vous expliquer pourquoi et qu’elles sont les propriétés intrinsèques de la région amenant à ce constat ?
Pour contourner le lourd handicap de la péninsularité de la Bretagne, les bretons en général, et les producteurs en particulier, ont toujours été contraints de se poser en visionnaires, c’est-à-dire d’avoir la capacité d’anticiper, d’avoir l’intuition de l’avenir, pour se réinventer en permanence et ainsi se donner les moyens de préserver le leadership et la compétitivité de leur région.
J’ai démontré précédemment comment la SICA et ses producteurs ont ainsi œuvré collectivement au développement économique et touristique du territoire afin que la Bretagne s’impose en acteur incontournable dans le paysage économique français et européen.
Aujourd’hui le monde économique accélère à l’échelle internationale avec des révolutions techniques et technologiques au service des populations. Et l’alimentation de ces populations, leurs exigences, leur attente de bien-être sont à notre portée.
Nous avons anticipé cette alimentation du futur qui se dessine déjà actuellement puisque nous sommes leaders sur les 3 minerais de notre territoire : le légume, l’horticulture et les produits de la mer, notamment à travers l’algue. Car la plus grande révolution des 20 prochaines années ne viendra pas de l’industrie mais bien de la valorisation du végétal dans l’alimentation, la santé, le bien-être.
Pour le consommateur nous devons être des producteurs de saveur, de sécurité et de rêve alimentaires, de sources de bienfaits pour la santé et notre filière dans son ensemble est prête à y répondre.
Nous avons déjà amorcé cette dynamique avec AGRIVAL par la valorisation des produits végétaux. Aujourd’hui nous croyons au développement du mariage des produits de la terre avec ceux de la mer dans l’émergence de nouveaux aliments associant des saveurs terre-mer en phase avec les nouvelles attentes en termes de goûts. C’est dans cet objectif de mutualiser avec les filières Légumes, Horticulture et Mer que nous travaillons déjà en association avec des spécialistes de la recherche et du milieu marin.
Nous allons donc, en complément de nos métiers de base, inscrire notre minerai dans l’alimentation du futur.
Les vraies innovations sont celles que l’on n’attend pas : imaginons ainsi, pourquoi pas, de proposer un artichaut aux crevettes, des légumes aux algues, …
Dans notre stratégie nous avons foi en la Bretagne car pour notre domaine d’activité, elle centralise tous les éléments nécessaires pour assurer les révolutions du végétal : des hommes et femmes déterminés, les structures, une filière organisée, le matériel végétal et marin. C’est cette concentration exceptionnelle de moyens qui fait de la Bretagne un territoire unique qui nous permettra probablement demain d’être leader mondial sur certaines activités innovantes.