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Jean-Philippe CARPENTIER, FEDEREC

Président de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (FEDEREC)

Jean-Philippe CARPENTIER

Pouvez-vous nous présenter la FEDEREC, compétences et missions ? (en résumé)

FEDEREC, créée en 1945, est la fédération française représentative des entreprises du recyclage. Elle représente un secteur de 1 000 entreprises soit 2 000 sites de recyclage sur le territoire français qui ont une activité de tri et traitement des déchets et de commercialisation des matières premières issues du recyclage. Notre fédération regroupe l’ensemble des 12 filières de recyclage : métaux, plastique, bois, papier-carton, textile… et est constituée de 8 syndicats régionaux. En France, notre secteur est à l’origine de 28 800 emplois directs non délocalisables et présente un chiffre d’affaires de 9 milliards d’euros. Nos entreprises ont dans leur ADN une très forte capacité d’adaptation et d’investissement puisque ce sont chaque année environ 500 millions d’euros qui sont investis dans la modernisation de nos outils industriels, soit 6% de notre chiffre d’affaires. FEDEREC a comme mission de représenter ses adhérents auprès des instances politiques, de la presse et auprès des partenaires sociaux.

 

Quelle est votre position sur l’incorporation de matière recyclée dans la production de produit ? et quel en serait les biens faits pour notre environnement ?

L’incorporation de matière première issue du recyclage est la pierre angulaire du recyclage. Sans développement de la demande par les industriels de cette matière, il ne peut y avoir de modèle économique viable et donc de recyclage. Or, la demande en matières premières issues du recyclage est intimement liée à la fluctuation des cours des matières premières fossiles ou primaire. A titre d’exemple, lorsque les cours du pétrole baissent, la demande en plastique recyclé ralentit voire s’arrête. Si nous voulons construire une économie circulaire pérenne, il faut rompre avec cette dépendance, c’est la tout l’enjeu des politiques publiques. Pour ce faire, devons internaliser dans le prix de la matière recyclée les externalités positives du recyclage. Grâce à une étude menée par FEDEREC en partenariat avec l’ADEME, nous savons désormais mesurer très concrètement les gains de CO2 et d’énergie permis grâce au recyclage. Pour l’ensemble des matières, le recyclage permet d’économiser 22,5 millions de tonnes de CO2 et 124 TWH d’énergie. Ces bénéfices environnementaux doivent être intégrés au prix. Pour y parvenir, FEDEREC propose de mettre en place un mécanisme de marché à l’instar des certificats d’économie d’énergie et des certificats d’économie des produits phytosanitaires. Sous l’angle de l’économie de ressource permise par le recyclage, ces certificats permettraient aux acteurs économiques incorporation des matières premières issues du recyclage de monétiser leur certificat d’incorporation sur un marché dédié. Incitatif d’un point de vue économique, ce mécanisme permettrait d’accompagner une contrainte réglementaire d’incorporation sans amputer le budget de l’Etat.

 

Concernant les Filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), la directive européenne et le Plan de prévention des déchets sont-ils suffisants, quelles sont les REP qui fonctionnent et les autres ? celles qu’il faudrait créer ?

La Directive européenne est venue harmoniser les pratiques concernant les filières REP et en a également créé comme la REP sur les déchets d’emballages industriels et commerciaux. La France est déjà très avancée sur cette question puisque nous avons créés 14 et d’autres sont proposées dans le cadre des discussions en cours du Projet de loi économie circulaire. Les créations de filière REP sont pertinentes lorsqu’un modèle économique pour la gestion des déchets en question n’est pas trouvé ou que la filière n’est pas encore structurée. Aujourd’hui, certaines filières REP souhaitée par les pouvoirs publics européens ou français concernent des filières qui existent depuis de nombreuses années dans un cadre contractuel entre détenteur du déchet et opérateur de gestion des déchets avec de très bons taux de recyclage. Dans ce contexte, une REP n’est pas forcément nécessaire et surtout, la création d’un éco-organisme qui viendrait interférer dans cette relation contractuelle avec le risque d’un unique donneur d’ordre pourrait être contreproductive. Nous le constatons au quotidien, les éco-organismes prennent de plus en plus de pouvoir engendrant une relation déséquilibrée entre eux et les opérateurs de gestion des déchets. Pour ces filières, FEDEREC propose de faire évoluer le cadre réglementaire en permettant aux acteurs économiques d’organiser la filière REP sans éco-organisme tout en garantissant la traçabilité des données et l’amélioration des performances de réemploi, de réutilisation, de recyclage et d’éco-conception.

 

 

Au niveau européen, on parle beaucoup de la consigne pour recyclage, comment est-ce lié au REP ? et comment les éco-organismes peuvent-ils contribuer à leur mise en place ? quelles en sont les contraintes et avantages ?

La consigne pour recyclage est un moyen pour les metteurs en marché de répondre aux exigences d’une filière REP. Dans ce modèle, le rôle de l’éco-organisme est la gestion du dispositif d’un point de vue financier mais également logistique par la mise en place de machines déconsignation sur le territoire. Si la consigne pour recyclage peut être pertinente et efficace dans certains pays européens, elle ne l’est pas en France car notre pays a fait le choix depuis 25 ans d’un tout autre modèle : celui du développement d’un service public de la gestion des déchets ménagers. En effet, aucun pays européen n’ayant mis en place la consigne avait adopté un tel fonctionnement public basé sur l’extension des consignes de tri via la collecte sélective des déchets recyclables. La consigne pour recyclage vient privatiser la gestion des déchets des gisements concernés. Les risques de la consigne pour recyclage en France sont nombreux. Tout d’abord, elle ampute le budget des collectivités en privatisant les gisements qui rapportent pour ne leur laisser que les gisements dont la gestion est aujourd’hui coûteuse (exemple des pots de yaourts ou des barquettes de jambon). Ensuite, elle porte un coup au portefeuille des Français du fait des gisements non déconsignés, de l’avance de trésorerie et de l’augmentation de la fiscalité locale. Enfin, les commerces de proximité pourraient voir leur clientèle s’orienter encore davantage vers les grandes surfaces, seules capables d’accueillir ce type de machine. A cela s’ajoute le fait que ces risques seraient pris alors même que le bénéfice environnemental de la consigne pour recyclage n’a pas été prouvé. En France, nous pouvons atteindre les objectifs de collecte et de recyclage avec les leviers existant comme l’extension des consignes de tri ou la tarification incitative ainsi qu’en déployant un plan ambitieux sur la collecte sélective des déchets en hors foyer. Nous devons apporter une solution à l’ensemble des emballages et pas seulement traités les bouteilles en plastique et les canettes qui sont les déchets ménagers les plus recyclables et qui ne représentent que 6% des emballages consommés.

 

Enfin, quel serait le message que vous souhaiteriez adresser aux institutions européennes et aux citoyens sur l’ensemble de ces sujets et plus généralement ?

Notre secteur salue une réelle prise de conscience des institutions européennes et nationales sur le développement d’une économie circulaire et ainsi la préservation de nos ressources. C’est une excellente dynamique qu’il faut intensifier face aux enjeux climatiques. Nous devons en revanche être vigilants sur le caractère pragmatique des législations adaptées. Derrière l’économie circulaire, il y a des acteurs économiques qui ont besoin d’une certaine visibilité réglementaire pour perdurer ainsi qu’une réelle cohérence des politiques publiques. L’exemple de la baisse réglementaire de l’enfouissement est en l’illustration. En France, diviser par 2 l’enfouissement d’ici 2025 signifie trouver des débouchés aux 8 millions de tonnes qui sont détournés de l’enfouissement. Les politiques publiques permettant de développer de nouveaux débouchés matière ou énergétique via le combustible solide de récupération doivent être prises dans le même temps pour ne pas créer des blocages. Les temps économiques, administratifs et politiques doivent être alignés. L’économie circulaire doit également signifier la construction d’une réelle industrie de la consommation de ces matières si l’Union européenne souhaite conserver la valeur économique sur son territoire.

 

 

Nos coordonnées :
FEDEREC, La fédération des Entreprises du recyclage
101, rue de Prony – 75017 Paris
01 40 54 01 94
www.federec.comaccueil@federec.com

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