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M. Valdis DOMBROVSKIS

Vice-Président de la Commission Européenne responsable de l'Euro et du Dialogue Social, Responsable de la Stabilité Financière, des Services Financiers et de l'Union des Marchés des Capitaux.

L’urgence climatique mondiale devient de plus en plus évidente et prononcée

L’année dernière a été la quatrième année la plus chaude jamais enregistrée. Sur les 18 années les plus chaudes enregistrées dans l’histoire, 17 se sont produites depuis l’an 2000. En juillet, la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas ont enregistré de nouveaux records de température supérieurs à 40° Celsius dans une canicule intense. En France, Paris a enregistré sa journée la plus chaude de l’histoire. Donc : nous devons agir maintenant ou faire face à des conséquences désastreuses, probablement de notre vivant. L’Union européenne s’est engagée à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, notamment des objectifs en matière d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables et de réduction des émissions de CO2. Nous avons franchi un autre pas.

La Commission européenne a proposée de passer à une économie climatiquement neutre d’ici 2050, dans le but de faire de l’Europe la première grande économie mondiale à le faire. De manière réaliste, pour s’engager sur cette voie, nous ne disposons que d’environ 10 ans pour réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre. Ceci implique une modernisation et une transformation sans précédent et à très grande échelle. Ça signifiera une restructuration et un changement industriel généralisés dans tous les pays de l’UE. Ceci affectera tous les secteurs au fur et à mesure que nous développerons des alternatives à émissions de carbone faibles ou nulles pour remplacer les technologies plus traditionnelles. Rien de tout cela ne sera rapide ou à bas prix.

Pour que l’Europe atteigne les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat et la neutralité climatique, nous aurons besoin de 175 à 290 milliards d’euros d’investissements supplémentaires chaque année. Ceci servira à tout financer, de l’efficacité énergétique à petite échelle aux grands projets d’infrastructures durables. Alors qu’au moins 25% des dépenses de l’UE dans le prochain budget de sept ans (commençant en 2021) soutiendront l’action climatique, il n’y a aucun moyen que les fonds publics surexploités puissent répondre à tous ces besoins. Nous avons besoin que le secteur financier joue son rôle pour aider à attirer des capitaux privés – en capitaux propres, prêts, financement de projets – pour nous aider à atteindre notre objectif climatiquement neutre. Ceci se fera en investissant dans des activités économiques qui atténuent le changement climatique.

L’Union européenne a été précurseur dans ce domaine en reconnaissant l’urgence d’augmenter le capital privé afin de soutenir la transition vers une économie durable. L’année dernière, nous avons présenté un plan d’action global sur le financement de la croissance durable, le but étant de créer plus d’opportunités d’investissement vert et de sensibiliser les investisseurs aux risques du changement climatique.

L’élément central est une proposition de loi pour un système de classification unifié de l’UE – ou taxonomie – afin de déterminer si une activité économique est écologiquement durable. Cela ouvre de nouveaux horizons juridiques et constitue une étape essentielle pour attirer davantage d’investissements dans des projets verts et durables. Nous avons besoin d’un accord politique entre les pays de l’UE d’ici fin octobre. Deux nouvelles lois européennes visent à encourager les citoyens à investir dans des produits financiers verts. Des lois plus rigoureuses liées à la divulgation des facteurs de durabilité aux investisseurs finaux permettront aux gens de faire des choix éclairés lorsqu’ils investissent dans un produit financier. Deux nouvelles catégories de références climatiques de l’UE – l’étiquetage facultatif – fourniront de plus amples informations sur l’empreinte carbone d’un portefeuille d’investissement. Une catégorie est réservée pour la transition climatique et l’autre pour permettre la constitution d’un portefeuille conforme aux objectifs de température de l’Accord de Paris.

Nous mettrons également en place une norme européenne sur les obligations vertes, augmenterons la transparence pour les entreprises sur les rapports liés au climat et étendrons l’utilisation du label écologique de l’UE aux produits financiers. De nombreux autres pays mettent en œuvre des initiatives similaires et réalisent des progrès substantiels. Cela montre une dynamique globale claire qui nous aidera à mieux aligner la finance avec les besoins de développement durable. Les questions environnementales, sociales et de gouvernance constituent dorénavant des facteurs importants dans les décisions d’investissement.

Il est temps de faire en sorte que la finance durable se mondialise en collaborant conjointement avec des initiatives publiques et privées, entre institutions et pays. J’ai été ravi de voir le lancement de la Coalition des Ministres des Finances pour l’Action Climatique en avril dernier, car les ministres des finances connaissent exactement les conséquences économiques du changement climatique. C’est un excellent exemple d’une action internationale forte contre le changement climatique : plus de 30 pays s’engagent à promouvoir l’action climatique nationale par le biais de politique budgétaire et financements publics.

Aucun pays ne peut à lui seul lutter contre les conséquences socio-économiques du changement climatique. Alors qu’il y a des limites à ce que les budgets publics nationaux peuvent faire, les marchés financiers quant à eux sont mondiaux. Le problème auquel nous sommes confrontés est justement un problème mondial, ce qui est aussi le cas pour parvenir à atteindre une échelle efficace en matière de finance durable. La portée mondiale des marchés financiers peut aider les pays dans leur transition vers la neutralité carbone en reliant leurs besoins de financement à des sources internationales de financement. Cela concerne surtout les pays en développement qui ont du mal à accéder aux financements pour leur développement durable. Voilà l’idée derrière la Plateforme Internationale sur la Finance Durable (IPSF) qui a été lancée le 18 octobre 2019 à Washington par l’Union européenne. L’UE a entamé cette démarche en collaboration avec les autorités compétentes d’Argentine, du Canada, du Chili, de Chine, d’Inde, du Kenya et du Maroc. La plateforme est ouverte à toutes juridictions désireuses d’échanger leurs meilleures pratiques et, le cas échéant, de coordonner leurs approches en matière de finance environnementale et durable. Le but est d’éviter la fragmentation des marchés et de parvenir à une meilleure coordination des initiatives et des approches de la finance environnementale et durable, tout en respectant les contextes nationaux et régionaux. Elle se concentrera en particulier sur les domaines des taxonomies, des informations à fournir, des normes et de l’étiquetage.

Ce sont des éléments essentiels pour les investisseurs parce que c’est qui les pousseront à identifier et saisir les possibilités d’investissements verts à travers le monde. L’élaboration de stratégies cohérentes internationales comme celles-ci, avec des partenaires animés du même esprit, est le meilleur moyen de stimuler les investissements à l’échelle requise pour la transition économique la plus importante de notre époque.

Le changement climatique affecte la planète entière, où que vous soyez. Les preuves sont irréfutables. Notre réaction doit être globale, coordonnée – et rapide.

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