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Mme Forough Salami-Dadkhah

vice-présidente du Conseil régional Bretagne chargée de l’Europe et de l’International

Mme Forough Salami-Dadkhah

Vous êtes chargée de l’Europe et de l’International. Pouvez-vous nous indiquer ce qui caractérise votre délégation ?

Forough Salami-Dadkhah. Je suis en charge de plusieurs domaines : la gestion des fonds européens, les relations avec les institutions de l’UE, les relations bilatérales avec d’autres Régions d’Europe et du monde, ainsi que l’aide au développement. Pour une Région comme la Bretagne dont le nom est assez connu, nous recevons beaucoup de demandes de partenariat. Ce que nous recherchons ce sont les situations gagnant-gagnant, quand les intérêts sont partagés. C’est la garantie de partenariats fructueux et durables qui vont au-delà de simple « jumelages ». Par ailleurs, pour la Bretagne qui est probablement la Région la plus pro-européenne de France, un engagement européen fort est naturel.

Avec le Brexit, la dimension européenne de votre délégation est encore plus forte. Comment percevez-vous l’impact de cet événement et cela a-t-il modifié la stratégie européenne de la Région ?

FSD. Cette décision a été un choc pour nous, d’autant plus que nous avons des relations très étroites avec le Pays de Galles qui est un peu notre Région cousine. L’histoire et la géographie ont fait que la Bretagne a des liens culturels et économiques très forts avec le Royaume-Uni, plus que toute autre Région d’Europe continentale je pense. Paradoxalement, cela a pour l’instant eu pour effet de renforcer notre détermination à soutenir l’intégration européenne, qui nous a semblé menacée par le Brexit. Et dans le même temps cela nous a aussi poussé à resserrer nos liens avec les Gallois afin d’être certains que notre amitié survivra au Brexit. Celui-ci n’a pas encore eu lieu et il est impossible de prévoir comment tout cela va se terminer. Toutefois, mon intime conviction est qu’un jour les Britanniques demanderons à réadhérer à l’Union européenne. Ce jour-là, les Bretons seront heureux de célébrer le retour d’un membre de la famille.

La Bretagne a souhaité ouvrir son propre Bureau de représentation à Bruxelles. Est-ce pour renforcer votre présence et votre influence auprès des décideurs européens ?

FSD. Ce n’est pas vraiment nouveau puisque la Bretagne dispose d’un bureau de représentation à Bruxelles depuis les années 1990, une des premières Régions françaises à le faire. C’était naturel car les Bretons ont toujours été à la fois très européens, et très conscients du fait que s’ils ne se rendaient pas régulièrement à Bruxelles pour se faire entendre, il serait facile d’oublier cette péninsule perdue à l’Ouest du continent. Mais il est vrai que jusqu’à cette année, la Bretagne partageait pour des raisons de coût ses bureaux bruxellois avec d’autres Régions françaises. C’est en fait la fusion des Régions qui a déclenché ce changement, et aussi le fait que les Régions françaises gèrent désormais directement les fonds européens. Cela nous a conduit à inaugurer en début d‘année la Maison de la Bretagne à Bruxelles. Et je pense en effet que cela améliorera la visibilité de nos actions auprès des décideurs européens.

Vous travaillez également pour renforcer l’action de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes Européennes (CRPM). Pouvez-vous nous présenter cette organisation et le rôle qu’y joue la Région Bretagne ?

FSD. La Bretagne y joue un rôle particulier en effet, puisqu’elle en a été un membre fondateur, et qu’elle en abrite le siège à Rennes. C’est un des plus anciens réseaux de collectivités en Europe, fondé en 1973. L’idée de départ est simple : pour les territoires périphériques et/ou maritimes, qui sont éloignés du cœur démographique et économique de l’Europe, il est plus difficile de se faire entendre. Il était donc logique de se regrouper pour exprimer une voix atypique. Afin d’apporter une vraie valeur ajoutée, la CRPM s’est concentrée sur quelques domaines d’action en lien avec le profil de ses membres : les fonds structurels, la politique maritime, les transports. Mais c’est encore plus que cela : en mettant en contact ses 150 membres à travers les territoires parmi les moins connus ou les moins accessibles d’Europe, la CRPM contribue à la prise de conscience que nous, Européens, partageons une culture commune, que nos divergences sont insignifiantes face à nos intérêts communs.

 

Au-delà de l’Europe, vous coopérez avec des collectivités du Sud et soutenez des acteurs régionaux engagés dans la solidarité internationale. Comment la Région intervient-elle dans l’aide au développement ?

FSD. En effet, nous sommes comme beaucoup d’autres Régions d’Europe des acteurs de ce qu’on appelle la coopération décentralisée, c’est-à-dire l’aide au développement par la coopération entre autorités locales, sans passer les autorités nationales. C’est un travail centré sur des projets concrets, complémentaire de l’action menée par les Etats ou l’Union européenne. Par exemple, nous coopérons avec une Région du Burkina Fasso pour développer la filière légumière, ou avec la Région de Grand’Anse à Haïti sur la formation des agriculteurs. Nous agissons essentiellement comme coordonnateur d’acteurs locaux, en grande partie des associations qui font un travail remarquable.

Quelle place accordez-vous à la francophonie et aux valeurs qu’elle porte, par exemple l’égalité hommes-femmes ?

FSD. La francophonie est un atout bien sûr à l’international. C’est toujours plus facile de se comprendre quand on parle la même langue. Toutefois, cela ne doit pas nous limiter aux pays qui parlent le Français car le monde est tellement plus divers. La francophonie n’est donc pas un axe central de notre stratégie internationale. Et n’oublions pas qu’en Bretagne on ne parle pas que le français ! Toutefois, il est vrai que les valeurs prônées par l’organisation de la francophonie, comme la diversité culturelle, l’égalité femmes-hommes, la démocratie, l’état de droit, ont une portée universelle qui nous guide dans notre action à l’international.

Les Bretons ont une identité locale très forte, très enracinée. Est-ce un atout ou un handicap à l’heure de la mondialisation ?

FSD. Je pense que c’est un atout déterminant. Je dirai même que l’enracinement est indispensable pour pouvoir s’ouvrir à la mondialisation. En Bretagne, la force de l’identité permet aux gens de savoir qui ils sont, ce qui leur permet de s’ouvrir aux autres en confiance, sans avoir peur d’être remis en cause. Les Bretons ont toujours été de grands voyageurs et se sont enrichis de l’ouverture au monde via la mer. Ça peut paraître paradoxal mais cette forte identité facilite l’intégration en Bretagne. Quand vous montrez votre volonté de faire vôtre cette identité, sans pour autant renier celles que vous pouvez avoir par ailleurs, alors vous êtes considéré comme Breton, quel que soit votre lieu de naissance ou votre couleur de peau. J’en suis moi-même un excellent exemple. Je suis née et j’ai grandi en Iran. Mais je vis depuis longtemps en Bretagne et je me sens tout autant iranienne que bretonne, française et européenne. Je peux vous assurer que la force de cette identité, elle attire, on nous l’envie. Il n’y a rien de plus moderne.

Pour conclure et revenir aux questions européennes, comment voyez-vous l’avenir de l’Union européenne ?

FSD. Nous faisons face à des défis immenses que seule une union à l’échelle continentale est en mesure de relever : le changement climatique, la régulation du commerce mondial et des mouvements de capitaux, la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, le maintien de la paix en Europe et à son voisinage. Il est illusoire de penser que les Etats-nations divisés seront capables d’y répondre. Je pense qu’une série d’événements récents a fourni un électrochoc à une majorité d’Européens : l’annexion de la Crimée par la Russie, le vote en faveur du Brexit, l’élection de Donal Trump aux Etats-Unis, les attaques terroristes qui se jouent des frontières… La crise financière déclenchée il y a dix ans a ébranlé notre confiance en l’Europe, mais j’ose croire que le mouvement est en train de s’inverser.

 

 

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