Hugues Parant a rejoint le corps préfectoral en 1982 et a notamment été Préfet de la région Provence-Alpes—Côte d’Azur de novembre 2010 à juillet 2013. Auparavant, entre 1989 et 1993, en charge des bureaux américains de la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale), il avait pour mission de convaincre les entreprises américaines de s’implanter sur le territoire français. Entre 1993 et 1998, il a également été Directeur national du Tourisme (source : www.epadesa.fr)
Vous avez été nommé, le 27 septembre 2013, à la tête de l’Établissement public d’aménagement de la Défense Seine Arche (Epadesa). Cette nomination a pris effet le 7 octobre 2013. Pouvez-vous nous présenter le site de la Défense Seine Arche à travers son rayon- nement en Île-de-France ?

L’Epadesa a pour mission deconduire deux opérations d’intérêt national (OIN) continues. La première a donné naissance, dès 1958, au premier établissement public d’aménagement de France, l’Epad (la Défense), tandis que la seconde, sur la commune de Nanterre, crée en 2000 l’Epasa (Seine Arche). En 2010, ces deux établissements ont été regroupés pour former l’Epadesa.
Dans ce cadre, notre domaine d’intervention couvre 600 hectares dont 200 sur la plateforme historique de la Défense et 400 en milieu plus diffus avec beaucoup de friches ferroviaires, routières et industrielles sur Nanterre. Le slogan « de la Seine à la Seine » marque le fait que le début de ce territoire se situe à la limite de Courbevoie et Puteaux, orienté visuellement vers Neuilly, et qu’il va, à l’opposé, jusqu’au bord de Seine à Nanterre. La place internationale de cet ensemble Défense Seine Arche, nommé de plus en plus Paris la Défense, repose sur sa position de premier quartier d’affaires européen par sa dimension. Il abrite en effet 3,6 millions de m2 de bureaux, ainsi que des logements.
Paris est le premier pôle d’emplois de l’Île-de-France, mais si nous prenons en compte les seules activités tertiaires, la Défense passe de la deuxième position à la première en la matière. Il s’agit d’une concentration assez exceptionnelle de centres de décision avec 400 entreprises, dont 170 étrangères, très liés historiquement avec le « triangle d’or » de Paris (8e arrondissement ; Champs-Élysées). À cet égard, dès 1958, on savait que l’avenir serait au regroupement et à la rationalisation des espaces. Or, il était impossible de construire des immeubles de grande hauteur dans le quartier central de Paris. La décision a alors été prise de mettre en place ce quartier d’affaires, le premier du genre en Europe. Aujourd’hui, nous assistons d’ailleurs au transfert des centres de décision (présidence et direction générale) depuis Paris vers la Défense, une démarche déjà effective pour des grands groupes comme la Société Générale, AXA, Areva, Total, etc.
Quelle est la place de la Défense Seine Arche à l’échelle du Grand Paris ?

Il n’existe pas de « Métropole monde » sans une capacité d’accueil d’investissements internationaux dans des grands ensembles immobiliers de bureaux et, par ricochet, de grands locataires de ces structures. Dans les vingt ans à venir, nous savons que les enjeux seront considérables dans notre secteur. Le site de la Défense Seine Arche, avec ses 3,6 millions de m2 de bureaux, représente donc un atout considérable pour la visibilité et l’attractivité de la Métropole du Grand Paris.
À titre de comparaison, le quartier d’affaires de Londres, Canary Wharf, dispose de 1,5 million de m2 de bureaux et il a été essentiellement bâti autour de la finance ; Francfort est dans la même logique. Pour notre part, nous avons non seulement une diversité au niveau de l’origine des investissements, 40 % proviennent de l’étranger, mais surtout une diversité des secteurs d’activités et de taille d’entreprises : 25 % de notre portefeuille de bureaux sont dédiés à la Banque (contre 80 % à Londres et Francfort), 25 % à l’énergie et la pétrochimie, 10 % au secteur public avec la présence de grandes administrations et 15 % aux assurances.
De surcroît, 12 000 étudiants (écoles d’ingénieurs, de commerces, etc.) sont aussi présents sur la plateforme de la Défense et la quatrième université française se situe à 2 kilomètres : un environnement qui n’existe pas ailleurs. Ces atouts seront particulièrement importants dès lors qu’ils s’intègreront, plus encore, dans une stratégie à vocation mondiale d’attractivité et de visibilité de la Métropole parisienne.
Combien de personnes viennent y travailler chaque jour ? Quels sont les temps et les distances de parcours en moyenne et quels moyens de locomotion sont utilisés ?
180 000 salariés se déplacent quotidiennement vers notre site dont 160 000 à la Défense et 20 000 sur le territoire de Seine Arche.
Tous les grands sites européens se sont construits autour de leurs capacités de connexions et de transports. Londres a d’ailleurs sauvé Canary Wharf lors des Jeux olympiques grâce aux lignes de métro réalisées à cette occasion. En Asie, les grands centres tertiaires qui se créent le sont après la réalisation de lignes ferroviaires, routières ou d’aéroports. Les infrastructures précèdent aujourd’hui les zones tertiaires. Tel n’a pas été le cas à la Défense puisque toutes les opérations ont été menées simultanément et ont permis de créer un lieu de connectivité extraordinaire. Le site est en effet desservi par le RER A, la ligne 1 du métro et L de la SNCF, le tramway T2, 12 lignes de bus. En 2020, nous bénéficierons du prolongement du RER E, Eole et, en 2025, du Grand Paris Express.
La Défense est le deuxième hub de transports de l’Île-de-France. Demain, la jonction des trois hubs (la Défense Grande Arche, gares de Nanterre-Université et La Folie à Nanterre) nous positionnera comme le premier hub francilien. Aujourd’hui, 85 % des salariés utilisent les transports en commun ; 50 % de l’ensemble des salariés (70 % de cadres) mettent moins de 45 minutes pour se rendre à leur travail (30 minutes pour la moitié d’entre eux). Deux tiers des salariés viennent de Paris, des Hauts-de-Seine ou des Yvelines. Les personnes dont le temps de parcours est supérieur à 45 minutes sont celles qui ne peuvent pas se loger dans la périphérie de la Défense. Nous devons donc leur offrir certaines facilités qui feront l’objet de tous nos nouveaux développements, notamment la construction de logements sociaux.
Quels sont les grands projets sur le site de la Défense Seine Arche qui facilitent déjà les déplacements des usagers ?
Durant ces cinq dernières années, la gare de Nanterre-Préfecture a été entièrement rénovée (2011), la ligne 1 du métro a été automatisée permettant une fiabilité de 100 % atteinte en 2013. Le programme de modernisation des rames du RER A, à deux étages, entre 2011 et 2017 s’accélère et, à échéance, nous aurons une augmentation de capacité de 30 %. Le prolongement du tramway jusqu’au pont de Bezons en 2012 a simplifié les trajets le long de la Seine. En 2015, la gare multimodale de Nanterre-Université sera opérationnelle avec des liaisons RER A et Transilien.
Nous construisons d’ailleurs autour le projet « Cœur de quartier» qui sera le lien entre cette gare, l’université et Nanterre. En 2020, Eole concernera la gare de Nanterre La Folie, en cours de réalisation, et celle de l’Arche de la Défense. En 2025, le Grand Paris Express arrivera par le Sud et, en 2027, il sera raccordé à Roissy-Charles de Gaulle via un changement à la gare Saint-Denis Pleyel. Ce réseau pourra ainsi être comparé à ce qui se fait de mieux dans le monde.
En matière d’édification de bâtiments, quels sont les projets majeurs ?
Un chiffre peu connu : 20 000 personnes habitent sur la plate-forme de la Défense depuis son origine et 2 000 au niveau de Seine-Arche. Depuis 2008, chaque année, nous avons contribué à la production de 400 logements sociaux, étudiants ou libres. Sur la plateforme, bien que la configuration soit compliquée, nous étudions la possibilité de transformer des bureaux en logements. Dès lors que ces bureaux appartiennent à des propriétaires privés, nous nous mobilisons afin de leur fournir tous les instruments et les éléments de réflexion relatifs à une rénovation lourde de la tour dans laquelle ils ont investi.
Ils sont ainsi en mesure de calculer l’intérêt économique entre la production de nouveaux bureaux ou celle de logements à la place des bureaux qu’ils possèdent déjà. Nous avons une problématique de développement massif de logements. C’est la raison pour laquelle, au niveau des Terrasses de l’Arche, en regardant vers Nanterre, un ensemble mixte de bureaux et de logements a déjà été construit.
Mais surtout, autour de l’Arena Nanterre la Défense et de la future gare des Groues (Nanterre La Folie), nous avons 70 hectares d’aménagement programmé sur lesquels, dans un premier temps, seront réalisés 5000 logements. Nous irons au-delà si nous parvenons à acquérir du foncier à des tarifs compétitifs.
De plus, au niveau des Jardins de l’Arche, 250 logements seront livrés fin 2016 ; 500 nouveaux seront également construits à proximité des tours Aillaud en reconfigurant les espaces publics, notamment en faisant disparaître la disgracieuse « muraille » de parkings qui longe le boulevard.
Trois mille logements, dont 40 % à vocation sociale, ont aussi été livrés sur l’Espace Nanterre Seine Arche depuis 2010. Contrairement à nombre de sites dédiés aux affaires, la Défense s’inscrit ainsi dans un tissu urbain qui présente toutes les typologies de logements dans un rayon de 4 kilomètres autour de l’Arche.
Enfin, comment comptez-vous participer à la réussite de la Métropole du Grand Paris et comment imaginez-vous la Défense Seine Arche à l’horizon 2030 ?
Pendant cinquante-et-un ans, la Défense a suscité autant d’enthousiasme que d’hostilité, je pense en particulier à « l’aversion » des Français pour les immeubles de grande hauteur. Aujourd’hui, nous entrons dans une ère nouvelle. L’inscription de la Défense Seine Arche au projet de Grand Paris est une chance pour ce site, mais aussi pour la Métropole qui peut ainsi mettre en valeur internationalement ses atouts les plus visibles.
Pour réussir cette ambition nous devons nous mettre en réseau avec les grands centres tertiaires franciliens afin de valoriser auprès des investisseurs internationaux nos complémentarités et surtout, l’offre la plus diversifiée et la plus importante d’immobilier tertiaire d’Europe.