JGDE. Bretagne Développement Innovation (BDI) est une agence régionale de développement économique et d’innovation. Pouvez-vous nous préciser son rôle et ses missions ?
Hugues Meili. BDI assure l’accélération de la mise en œuvre des axes stratégiques de développement économique et d’innovation en entreprise décidés par l’exécutif régional et son président. En parallèle, nous alimentons les élus sur les tendances des principaux secteurs économiques régionaux et sur la transformation de ces secteurs par l’innovation d’usage et technologique.
JGDE. BDI présente une spécificité : son directoire n’est composé que de chefs d’entreprise. Pourquoi ce choix ?
HM. Déployer cette stratégie au sein du tissu économique breton suppose d’être au plus près des métiers, des marchés, des préoccupations, des attentes et des difficultés potentielles qui le caractérisent et qui rythment le quotidien des entreprises. Cela permet de mettre en œuvre des projets concrets et adaptés aux circonstances et aux priorités. Un directoire composé de chefs d’entreprises issus des quatre départements de la Bretagne, représentant des activités industrielles et de services, à la tête d’entreprises aux tailles et aux antériorités variables, garantit une meilleure inspiration de nos débats et de nos actions.
JGDE. Vous-même êtes issu du monde de l’entreprise, et vous dirigez une entreprise de service du numérique. Vous êtes donc idéalement placé pour observer et accompagner la transition numérique des entreprises. Quel regard portez-vous sur cette révolution et, plus largement, sur la transformation actuelle de l’économie ?
HM. Je dirige en effet la société Niji, qui se place au cœur de la transformation numérique des entreprises en associant les métiers de conseil en stratégie digitale, de design de services, d’interactions et d’interfaces numérique, et de réalisation de solutions technologiques. Cela représente près de 600 personnes au service d’environ 250 clients depuis plus de 15 ans.
Le numérique concerne toutes les entreprises, quels que soient leur taille, leur secteur d’activité ou leur gouvernance. Personne n’y échappe et son impact s’exprime toujours à trois niveaux : la stratégie, le commerce et l’organisation.
Si les grands groupes ont entamé leur transformation numérique depuis plusieurs années, les PME sont souvent en retard en raison d’une plus faible ouverture sur le monde, de bande passante insuffisante, et de capacités limitées d’investissement. En Bretagne, la transition numérique a pu prendre un retard parfois conséquent…
JGDE. Dans ce contexte, pourquoi l’ouverture internationale et européenne du territoire est-elle nécessaire pour favoriser le développement des entreprises et de l’emploi ?
HM. Diversité est source de richesse ! Tous les secteurs économiques et toutes les régions du monde sont concernés par ces vagues de mutation très puissantes qui conduisent les entreprises et les filières d’enseignement supérieur à rebattre leurs cartes. Les usages portés par les populations les plus diverses dictent beaucoup de mutations. Les placer au cœur des réflexions et des démarches de conception et de mise en œuvre des produits et services est un enjeu permanent : c’est ce qu’on appelle le « design ».
JGDE. Est-ce pour cela que BDI s’engage aussi fortement pour porter la marque Bretagne ?
HM. La marque Bretagne porte dans ses codes des valeurs clés associées aux hommes et aux femmes du territoire, à ses entreprises, ses associations et organismes en tous genres, touristiques en particulier. C’est une marque qui n’est pas difficile à porter ni à promouvoir car la Bretagne est tout simplement une marque en soi, identitaire et intelligible facilement. Près de 800 acteurs ont fait le choix de l’endosser, de mêler ses couleurs aux leurs et de la faire rayonner. Elle est donc étroitement liée au développement économique et à l’innovation.
JGDE. La LGV Bretagne est aujourd’hui une réalité. Comment le territoire peut-il en recueillir tous les fruits et quel est le sens de la campagne « Passez à l’ouest » que vous appuyez ?
HM. La LGV est un lien fluide et rapide entre la Bretagne et Paris. Elle ne doit pas être vue uniquement comme permettant aux Bretons de « monter à la capitale », ou aux touristes de venir découvrir nos paysages et notre qualité de vie. Elle doit aussi susciter chez les décideurs l’envie de « délocaliser » en Bretagne. Des pans entiers de leurs équipes sont au cœur de leurs enjeux de mutation, par exemple dans le numérique. Ils trouveront en Bretagne un tissu de formations et d’expertises riche et varié, et une réelle qualité de vie, tout en restant connectés aux centres de décision franciliens. La campagne « passezalouest » affiche clairement une dimension de marketing territorial économique, et il est normal que BDI en soit un appui majeur.
JGDE. Vous défendez le croisement des filières d’excellence. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?
HM. Les mutations sociologiques et technologiques décloisonnent les territoires, les peuples et les filières économiques traditionnelles jusqu’ici organisées comme de grands silos étanches. Et de grandes causes sociétales et environnementales, comme les transitions écologique et énergétique, créent des défis communs. Ainsi, les filières historiques de l’automobile, du ferroviaire ou du transport collectif routier évoluent vers les nouvelles mobilités qui ont besoin du numérique, embarquant au passage de nouvelles motorisations électriques propres et de nouvelles technologies de stockage de l’énergie ou de recharge électrique connectée.
De même, les progrès faits en matière de matériaux plus légers, plus flexibles ou plus résistants dans l’univers de la course au large et de la voile de compétition, alimentent les univers de la construction automobile et de l’aéronautique.
L’apport du numérique pour l’agriculture est décisif : il favorise une agriculture éco-responsable, de précision, traçable, avec des origines de production à forte dimension qualitative et un réel potentiel de monétisation. C’est aussi le cas dans l’agroalimentaire, tant sur le volet industriel de fabrication, de conditionnement et d’expédition, que sur le volet commercial de mise en marché et de distribution.
JGDE. L’actualité européenne est en partie dominée par le Brexit. Comment analysez-vous son impact pour la Bretagne ?
HM. Tout en respectant la décision prise par référendum, le Brexit est une mauvaise nouvelle pour le peuple et pour l’économie britanniques car il risque de les isoler progressivement du monde au moment même où le brassage culturel, la transversalité d’usage et les modèles économiques composites prennent le dessus… Certaines entreprises bretonnes pourraient être impactées négativement par une moins grande mobilité des biens et des personnes, mais je crois surtout à une opportunité pour la Bretagne de valoriser ses proximités géographiques et de « morphologie de territoriale » avec la … Grande-Bretagne ! A nous d’étendre ces proximités touristiques et culturelles historiques vers l’enseignement supérieur et l’économie, la recherche et le développement, et l’innovation. Cela fait partie de la stratégie régionale de développement économique et d’innovation en entreprise, à l’accélération de laquelle BDI contribue.