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Entretien avec S.E. Madame Michèle RAMIS

Ambassadrice de la République Française en Roumanie

Le Centenaire de la création de l’État roumain moderne

et la Présidence du Conseil de l’Union européenne 2019

Son Excellence Madame Michèle Ramis pendant son discours lors de la célébration du 14 Juillet à Bucarest en 2018

Après un parcours diplomatique exemplaire dans de nombreux lieux et sur des thématiques diverses et complexes, à l’aune de l’été dernier vous prenez la responsabilité de promouvoir la France en Roumanie, comment appréhendiez-vous cette mission ? Comment votre parcours vous a servis ? Quel bilan pouvez-vous tirer après cette première année ?

J’ai pris en juin 2017 la tête de l’Ambassade de France en Roumanie avec beaucoup d’enthousiasme. Cette nomination, qui était mon quatorzième poste dans la carrière diplomatique, me permet de mettre en œuvre mes expériences antérieures notamment dans le domaine de la culture, de la défense et de la sécurité. L’Ambassade de France à Bucarest est une ambassade avec un très large spectre de compétences car la relation franco-roumaine est ancienne, profonde et ambitieuse. La présence économique française est forte, la proximité culturelle et linguistique est un atout, la communauté française en Roumanie s’accroît régulièrement. La Roumanie est un pays profondément pro-européen et nous souhaitons qu’elle fasse partie des pays qui vont refonder l’Europe pour la rendre plus forte, plus unie et démocratique comme l’a proposé le Président de la République Emmanuel Macron.
Ma première année en Roumanie m’a permis de tisser des liens avec les autorités politiques, les administrations publiques, les institutions culturelles, les acteurs économiques, la société civile, la jeunesse, les artistes notamment les musiciens.

Elle m’a aussi permis de découvrir le pays puisque j’ai effectué une trentaine de déplacements pour rencontrer les responsables politiques locaux, les entreprises et les communautés françaises et aussi parler à l’autre Roumanie, celle de l’intérieur.

C’est sur la base de ces contacts que j’ai pu définir une feuille de route pour renforcer la relation franco-roumaine dans tous ses aspects. Il y a des défis mais l’énergie et la volonté politiques sont présentes.

Nous préparons la Saison France-Roumanie qui s’ouvrira le 27 novembre à Paris avec la visite du Président Klaus Iohannis et verra se dérouler durant 7 mois, en France et en Roumanie, plusieurs centaines d’événements qui vont rendre encore plus visible la relation franco-roumaine et vont ouvrir de nouvelles opportunités pour chaque Etat. Cette Saison coïncidera avec la présidence roumaine du Conseil de l’Union européenne.
Nous sommes donc à l’aube de moments forts dans l’histoire de la Roumanie et des relations entre nos deux pays, qui plus est dans l’année du Centenaire de la création de la Roumanie moderne en 1918.

Les relations culturelles et politiques entre la France et la Roumanie remontent au XIXe siècle, souvenons-nous au Quartier Latin de « La société des étudiants roumains de Paris » fondée en 1846. Quel est aujourd’hui le climat de nos relations politiques et culturelles ? Une année croisée à venir ?

La Roumanie et la France appartiennent à un espace culturel commun et vivent dans une communion artistique puisque de nombreuses personnalités roumaines des arts et des sciences du XIXe et de la première moitié du XXe siècle vécurent en France et fréquentèrent le milieu culturel parisien de l’époque : George Enescu, Anne Elisabeth Brancovan, comtesse de Noailles, Constantin Brancusi, Eugène Ionescu, Emil Cioran se sont nourris d’influences françaises et réciproquement, il y eu une empreinte roumaine forte en France, donc une sorte de « fertilisation croisée ».

La coopération culturelle entre la Roumanie et la France est à la hauteur de ce patrimoine commun. Dans ce cadre, la Roumanie et la France célèbreront entre le 1er décembre 2018 et le 14 juillet 2019 une Saison qui renforcera, par l’organisation de nombreux événements dans les deux pays, les liens économiques, scientifiques, culturels et sociétaux qui nous unissent et témoignera du dynamisme et de l’imagination des créateurs des deux pays. Cette Saison, fondée sur un héritage commun et un futur à construire ensemble, mettra en place entre nos deux nations un dialogue tant sur le patrimoine que sur la contemporanéité.

Dès l’entrée de la Roumanie dans l’Union européennes en 2007, les relations commerciales entre la France et la Roumanie se sont développées, où en sommes-nous aujourd’hui ?

En effet, l’adhésion de la Roumanie à l’UE en 2007 a entraîné un fort accroissement en volume de nos échanges, mais j’aimerais rappeler que notre relation commerciale était déjà forte avant 2007, la France et la Roumanie étant des partenaires historiques. Par exemple, la CCIFER, qui recense actuellement près de 500 membres, représentant environ 15% du PIB et 125 000 emplois, fête cette année son 22ème anniversaire.

Cela étant dit, nos échanges commerciaux ont progressé de 71% en dix ans, atteignant près de 8 Mds€ en 2017. La France est ainsi le 5ème fournisseur de la Roumanie et son 3ème client. Nous exportons majoritairement des machines industrielles et agricoles, du matériel de transport et des produits chimiques en Roumanie, tandis que nos importations en provenance de Roumanie sont essentiellement composées de matériel de transport et de biens d’équipement. La nature de ces échanges s’explique en partie par la densité de la présence économique française sur l’ensemble du territoire roumain. Les quelques 2 300 entreprises à capitaux majoritaires français sont à la fois composées d’un grand nombre de PME et de 36 des 40 plus grandes entreprises françaises. Nombre d’entre elles sont leaders dans leur secteur en Roumanie.

Les entreprises françaises ont su s’adapter au spectaculaire développement de la Roumanie depuis 2007 et répondre à la demande de la population en améliorant la qualité de leurs produits et en allant vers plus de valeur ajoutée sur le sol roumain, notamment dans le secteur agroalimentaire. De nombreuses opportunités restent à saisir dans les années à venir, nous y travaillons chaque jour.

 

Madame Michèle Ramis, Ambassadrice de France en Roumanie, avec Son Excellence Monsieur Klaus Iohannis, Président de la Roumanie, à la célébration du 14 Juillet à Bucarest en 2018

 

Quel est le rôle de l’Ambassade de France en Roumanie dans l’accroissement de nos relations économiques et culturelles ?

L’Ambassade de France et ses différents services conduisent les relations politiques franco-roumaines avec les interlocuteurs institutionnels et interagissent avec le secteur privé pour promouvoir notre présence économique et culturelle en Roumanie. Ceci passe par des contacts et échanges formels ou informels, l’organisation de visites officielles et d’événements.

L’Ambassade anime aussi l’ « Equipe de France » qui comprend plusieurs entités dont Business France et Campus France et s’appuie sur les conseillers du commerce extérieur français, la chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture franco-roumaine, les clubs francophones d’affaires et les Instituts français de province. Comme vous le voyez, c’est un travail d’équipe.

La France est un membre actif de l’OIF au même titre que la Roumanie, en quoi la langue française sert-elle nos relations ?

La Roumanie est un grand pays de la francophonie et je me réjouis qu’un quart de la population roumaine parle notre langue.

La langue française est notre trait d’union et la marque de notre appartenance à une famille culturelle commune : le monde latin, les valeurs démocratiques. L’OIF réunit des pays des cinq continents et permet de promouvoir notre langue, notre culture et les principes auxquels nous sommes attachés. Mais la langue française est aussi un vecteur de développement économique et d’emploi, elle offre des débouchés.

Je regrette cependant que la langue française n’occupe plus la même place qu’autrefois dans l’enseignement en Roumanie et chez les jeunes.

Aujourd’hui, ceux-ci parlent moins français que leurs aînés et c’est dommage car le multilinguisme est source d’opportunités. La Saison aura pour ambition de renforcer la place de la langue française en Roumanie.

Quelle sont les grands projets et objectifs visés par votre Ambassade dans les années à venir ?

Je m’emploie à construire un agenda positif avec la Roumanie. Dans trois domaines :

  • Le dialogue politique et la coopération européenne d’abord. La Roumanie et la France ont des intérêts politiques communs et l‘ambition de renforcer ensemble l’Union européenne. A ce titre, la présidence roumaine du Conseil de l’Union européenne sera une responsabilité importante pour Bucarest et la France soutiendra la Roumanie pour que cette présidence soit un succès ;
  • Les échanges et la coopération économiques et de défense en second lieu : dans ce domaine, il existe des marges de progression et nos investisseurs et nos entreprises sont intéressés par la Roumanie ;
  • La coopération éducative, universitaire, scientifique et la promotion de la francophonie enfin. Nous devons moderniser et renouveler nos champs de coopération et promouvoir ensemble l’usage du français notamment dans le domaine économique.

Enfin, à la veille d’élections européennes majeures, quel message souhaitez-vous adresser à la Roumanie, aux roumains et aux français en Roumanie ?

Je leur dirai d’abord d’aller voter nombreux car le taux de participation à ces élections sera un signal fort en faveur d’une Europe plus proche des citoyens et plus puissante.

Je leur dirai ensuite de s’intéresser aux enjeux européens et de contribuer à définir le futur de l’Europe en faisant connaître ce qu’ils attendent de l’Union européenne. Une consultation a été mise en ligne à cet effet par la Commission européenne et chacun est invité à y donner son avis.

Enfin, je leur dirai que face aux défis sans précédent auxquels est confrontée l’Union européenne, il faut refonder le projet européen et consolider cet édifice afin de préserver ce capital de paix et de prospérité qu’il nous a offert depuis 70 ans.

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