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Un goût d’Europe…

Franck Riester, Ministre de la Culture

Franck Riester, Ministre de la Culture © Patrice Soudin

La résolution du Parlement européen sur l’aspect culturel et éducatif du patrimoine gastronomique européen, votée le 18 février 2014, s’inscrit dans l’engagement des institutions européennes à ériger la gastronomie en ferment de culture collective. Les multiples ouvrages édités par l’Office des publications de la Commission européenne (Recettes typiques : un voyage culinaire à travers les nouveaux États membres de l’Union européenne, 2004 ; Goûts d’Europe, 2013) ou le Centre d’information sur les institutions européennes (Recettes européennes, 2012) par exemple sont autant de jalons de l’élargissement de l’espace européen, fait de diversité et de dialogue.

Au sein des États de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, ces liens intriqués de l’histoire, de la culture et de la nourriture, qui caractérisent la gastronomie, portent des traditions nationales spécifiques, mais créent aussi des phénomènes d’identification réciproque. L’écrivain français Laurent Gaudé vient d’intituler l’une de ses dernières œuvres Nous, l’Europe, banquet des peuples : quel titre plus sensible pouvait-on imaginer ? Cette image inspirée du banquet habille une étude poétique et humaniste d’un siècle et demi de construction de l’idée européenne, autant qu’un appel à cultiver les différences, la solidarité et la liberté.

Richesse et biodiversité des produits, passion et exigence des professionnels du secteur sont indispensables et nécessaires pour soutenir et encourager le développement et la créativité des métiers et des filières de la gastronomie et en faire un levier d’attractivité pour les territoires. Mais considérer la gastronomie, héritage fédérateur et vivant de savoir-faire et de pratiques, comme une dimension du patrimoine culturel l’est, à mon sens, tout autant. Elle raconte l’histoire des groupes humains qui ont façonné la personnalité gustative de nos nations respectives.

Il est intéressant d’observer quand apparaît, dans les politiques patrimoniales en Europe, l’étude des manifestations de « l’art de bien manger et de bien boire ». Ainsi, en France, au sein des services et des établissements du ministère de la Culture, qui célèbre cette année son soixantième anniversaire, le fait culinaire, rapporté aux domaines de l’architecture, du mobilier, de l’écrit, de l’art, de l’archéologie ou encore des collections ethnologiques, s’est affirmé, par ses traces matérielles d’abord, dans les travaux des professionnels du patrimoine dès sa première décennie.

Cinquante ans plus tard, en 2010, le succès de la candidature du repas gastronomique des Français auprès de l’Unesco, lancée et défendue par l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation, à Tours, a renouvelé l’approche culturelle de la gastronomie. Instituant comme patrimoine culturel immatériel les pratiques sociales, les expressions orales, les événements festifs, les savoirs liés à la nature, les rituels ou les savoir-faire de l’artisanat, la Convention Unesco de 2003 a fait advenir des notions opératives et participatives pour sauvegarder le patrimoine vivant : communautés, diversité culturelle, transmission, éducation et, aujourd’hui, développement durable. Au sein de l’Europe, plusieurs États parties ont fait reconnaître depuis lors, sous cette même bannière, des éléments emblématiques de leur patrimoine gastronomique et des pratiques et savoir-faire associés.

C’est avec la conscience de ces enjeux culturels, renouvelés en quelques décennies et si parfaitement contemporains, que le Journal Général de l’Europe propose la présente contribution à une histoire globale du patrimoine gastronomique européen.

 

Franck RIESTER
Ministre de la Culture

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