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M. Julije DOMAC

Président de la Fédération des régions et des agences de l’énergie (Fedarene)

M. Julije DOMAC

Un accord vert qui fonctionne pour les citoyens,
l’économie et la planète :

pensées d’un point de vue local.

 

En tant que président de la fédération des régions et des agences de l’énergie, j’ai suivi le processus de désignation et les auditions des futurs commissaires avec espoir et inquiétude. J’espère que les nouveaux commissaires proposés adhéreront pleinement aux engagements annoncés par leur président en matière de climat et d’énergie ; nous nous préoccupons que ces engagements ne se transforment en promesses vides d’une pauvreté navrante quant aux mesures concrètes à adopter. De plus, bien qu’il soit trop tôt pour décider si l’espoir ou l’inquiétude doivent prévaloir, plusieurs conclusions positives peuvent néanmoins être tirées.

 

L’augmentation des ambitions dans les objectifs climatiques de l’UE est le bon signal que nous attendions tous. Mme Von der Leyen s’est engagée à augmenter les objectifs à l’horizon 2030 d’au moins 50% en réduction de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990 (l’objectif actuel approuvé par les États membres de l’UE est de 40%) et à inscrire l’objectif de la neutralité climatique dans la législation, avec l’objectif de faire de l’Europe le premier continent au monde climatiquement neutre. Ces nouveaux efforts pour réduire l’empreinte carbone de l’Europe me font penser que la nouvelle présidente élue a bien écouté l’appel du GIEC pour une action climatique urgente, ainsi que les milliers de jeunes demandant instamment aux dirigeants d’agir en faveur du climat. Au cours de l’année écoulée, la FEDARENE a rejoint les jeunes grévistes dans les rues des villes européennes et a rencontré certains de ses dirigeants locaux pour offrir son soutien par tous les moyens possibles.

Pour tous les acteurs de l’UE qui militent depuis des années pour plus d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables afin de mener à bien la transition énergétique, l’annonce d’un Green Deal européen sonne comme une musique. Atteindre cet accord et le respecter réellement nécessitera un effort interinstitutionnel sans précédent, forçant le dialogue entre les diverses directions générales, en particulier dans les domaines de la politique de l’agriculture, du climat, de la cohésion, de l’énergie et de l’environnement. Cela devrait également permettre une approche commune et cohérente pour les questions de climat.

Ces approches intégrées sont fortement encouragées par les régions et les agences de l’énergie qui développent des outils et des processus de planification intégrée combinant mesures d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques. Les signataires de la Convention des Maires ont également commencé à mettre à jour leurs plans d’action pour l’énergie durable en intégrant des mesures « d’adaptation ». Les perspectives d’utilisation des « investissements territoriaux intégrés » liés aux fonds structurels sont également explorées dans de nombreuses régions d’Europe pour des projets plus intégrés. Les actions de coordination et de soutien pour la transition en faveur de l’énergie propre passant du programme Horizon au programme LIFE constituent également un pas en avant vers des programmes de financement plus holistiques englobant l’environnement, le climat et l’énergie.

Une mobilisation intersectorielle est sans aucun doute indispensable pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour citer Mme Von der Leyen, dans sa lettre de mission adressée à M. Timmermans : « Pour faire un réel changement, nous devons examiner tout, de la manière dont nous utilisons et produisons de l’énergie, la façon dont nous débloquons les investissements privés et soutenons les nouvelles technologies propres, les transports que nous utilisons, jusqu’aux aliments que nous consommons et aux emballages que nous jetons. » M. Timmermans a en effet promis aux membres du Parlement européen un Green Deal global et transversal qui permettra la transformation de la société et ne laissera rien ni personne de côté : les pauvres, les riches, l’industrie, les terres et les fermes, l’air que nous respirons, la taxe que nous payons… toutes les dimensions de la politique seront examinées et prises en compte.

La mise en œuvre de cet accord ne se fera pas sans l’engagement des autorités locales et régionales, ce qui implique également leur inclusion dans la conception du Green Deal. M. Timmermans en est conscient puisque, dans son allocution d’ouverture, il souligne le rôle que jouent les autorités régionales et locales dans la réalisation de grands projets de rénovation et d’installations utilisant des énergies renouvelables. Il annonce ensuite la mise en place d’un pacte européen sur le climat qui, selon sa lettre de mission, vise à « rassembler les régions, les communautés locales, la société civile, l’industrie et les écoles » afin de déclencher un changement de comportement dans notre société.

Ce pacte ressemble beaucoup au « dialogue multiniveau sur le climat et l’énergie » que les États membres sont tenus d’établir conformément au règlement sur la gouvernance de l’Union de l’énergie et de l’action pour le climat. Ce dialogue a été gravement ignoré lors de l’élaboration des plans nationaux intégrés actuels sur l’énergie et le climat. Nous espérons que ce pacte apportera une certaine vitalité à cette disposition et conduira réellement à des politiques et des programmes énergétiques plus conçus en collaboration, qui prennent réellement en compte les contributions et les ambitions plus grandes des villes et des régions. Les régions et les villes voient aujourd’hui comment la transition énergétique apporte de la vitalité à leurs communautés. Leurs agences locales/régionales de l’énergie sont des acteurs essentiels pour stimuler le développement économique local, favoriser l’emploi, créer une demande et une offre de services et produits d’efficacité énergétique, mettre en œuvre et développer des projets d’énergie renouvelable, développer des stratégies d’adaptation, réduire la pauvreté énergétique, améliorer la qualité de l’air et véritablement informer et autonomiser les citoyens et les initiatives communautaires.

2020-2030 sera une décennie d’une importance cruciale si l’UE veut arriver à n’entrainer aucune émission de gaz à effet de serre d’ici 2050. Pour y parvenir, des investissements supplémentaires considérables seront nécessaires dans le système énergétique de l’UE et dans les infrastructures connexes par rapport au niveau de référence actuel, entre 175 et 290 milliards d’euros par an(1). Pour couvrir les coûts financiers du nouvel agenda pour le climat, deux propositions principales ont été avancées. Premièrement, un plan d’investissement pour une Europe durable (SEIP) qui devrait permettre de débloquer mille milliards d’euros d’investissements liés au climat au cours de la prochaine décennie. Deuxièmement, pour aider à réaliser le SEIP, la Banque européenne d’investissement (BEI) serait transformée en une banque pour le climat et augmenterait sa part des investissements climatiques de 25 à 50%. D’après les premiers commentaires reçus, nous avons appris que le SEIP consistera en une combinaison de fonds publics et privés et de nombreuses sources de revenus : fonds européens existants, nouveaux investissements mobilisés via la BEI et InvestEU, autres contributions du budget communautaire, des États membres et banques de développement nationales…

Ce plan d’investissement pour une Europe durable promet d’apporter de l’argent « frais » pour des projets durables en Europe. Une telle promesse peut susciter de l’enthousiasme ainsi que des questions pour les agences de l’énergie locales et régionales. L’une de leurs principales tâches est la conception et la mise en œuvre de projets d’efficacité énergétique et d’énergie durable, souvent largement financés par des programmes financés par l’UE. Les petites structures telles que les agences énergétiques locales et régionales sont donc fortement dépendantes des fonds européens et ce nouveau plan pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour leur avenir. Reste à savoir si les autorités locales et régionales et les agences de l’énergie pourront bénéficier de ce plan.

Le plan d’investissement pour une Europe durable pourrait encore réussir là où le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI, également appelé « Plan Juncker ») a échoué, notamment lorsqu’il s’agit de convaincre de sa capacité à mobiliser des investissements dans la décarbonisation du secteur de l’énergie. Ce nouveau plan doit refuser tout investissement dans des projets d’infrastructures utilisant des combustibles fossiles. La commercialisation de solutions d’énergie propre devrait être au centre de nos préoccupations. Les Européens peuvent déjà bénéficier des avantages de la recherche sur les énergies propres si un soutien approprié est fourni aux facilitateurs de marché locaux et régionaux. Les programmes de soutien doivent permettre la transposition à plus grande échelle, l’agrégation et la réplication de projets existants d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables réussis dans toute l’Europe.

La FEDARENE poursuivra ses efforts pour la reconnaissance du travail mené par les acteurs locaux et régionaux pour la transition énergétique. Depuis 1990, nous présentons les réalisations des régions et des municipalités et de leurs agences de l’énergie dans les domaines des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, l’environnement, l’économie circulaire, la finance durable, les activités de renforcement des capacités pour les pouvoirs publics, la sensibilisation… Les dirigeants semblent convaincus de la nécessité d’investir massivement dans l’économie verte. Nous devons leur montrer que les villes, les régions et les agences de l’énergie ont été les premières à agir et qu’elles dirigent déjà la transition sur le terrain. Nous leur montrerons que les agences de l’énergie sont parmi leurs plus puissants alliés dans la réalisation de leurs objectifs. La commissaire désignée pour l’énergie, Mme Kadri Simson, a promis une vaste analyse d’impact afin de déterminer le meilleur moyen d’atteindre les nouveaux objectifs. La logique voudrait que dans les premiers jours de la conception du Green Deal, des consultations avec les principaux partenaires et les principales parties prenantes aient lieu et que nous devions nous assurer que les acteurs locaux et régionaux sont bien intégrés.

Malgré les préoccupations exprimées et avec un espoir pragmatique, les régions européennes, les autorités locales, les îles et les agences énergétiques se réjouissent de coopérer avec Mme Von der Leyen et son équipe afin de relever les défis ambitieux en matière de climat et d’énergie.

 

  1. Résolution du Parlement européen du 14 mars 2019 sur le changement climatique – Une vision stratégique européenne à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et climatiquement neutre, conformément à l’accord de Paris
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