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Dr Georgios AMANATIDIS

Administrateur de la recherche, Département thématique des politiques économiques, scientifiques et de la qualité de la vie, Parlement Européen

Dr Georgios AMANATIDIS

PLAN NATIONAL: “ÉNERGIE & CLIMAT”

L’Accord de Paris demande aux parties signataires d’actualiser d’ici 2020 leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) en augmentant leur niveau d’ambition, ainsi que de définir leur objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à long terme pour 2050. Dans le cadre de cette mise à jour, le Parlement européen (PE) a demandé dans sa résolution d’octobre 2018 une mise à jour du NDC de l’Union européenne (UE) visant à réduire de 55% les émissions nationales de GES d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et à l’adoption d’une stratégie à long terme pour une absence totale d’émissions d’ici 2050. Le nouveau président de la Commission, von der Leyen, a annoncé son intention d’augmenter l’objectif de 2030 à au moins 50% de réduction des émissions, voir même de 55%, si les négociations internationales conduisent à des objectifs plus ambitieux de la part des autres grands émetteurs d’ici 2021.

Afin d’appliquer l’Accord de Paris, l’UE a mis en place au cours des dernières années de nombreuses législations pour atteindre son objectif actuel de réduction des émissions de GES de 40% par rapport aux niveaux de 1990. Les émissions de GES de la plupart des secteurs (non inclus dans le système d’échange de quotas d’émission de l’UE – SEQE-UE), tels que les transports, les bâtiments, l’agriculture et les déchets, sont couvertes par le règlement sur le partage de l’effort de l’UE, qui définit les objectifs nationaux à atteindre d’ici 2030. En outre, pour la première fois, les règles de gouvernance mettent en œuvre un processus de gouvernance transparent afin de suivre les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de l’Union européenne et de l’Action pour le climat, y compris des règles en matière de suivi et de rapports. Les États membres de l’UE (EM) sont obligés d’adopter des Plans nationaux intégrés sur le climat et l’énergie (PNCE) pour la période 2021-2030.

Après la soumission des projets de PNCE pour la période 2021-2030 avant la fin de 2018, la Commission a fourni en juin dernier des évaluations et des recommandations détaillées à chaque État membre, qui doit soumettre un PNCE révisé avant la fin de 2019 faisant suite à ces recommandations. L’évaluation des PNCE des États membres par la Commission indique que, basé sur les mesures prévues ou les ambitions déclarées de réduction des émissions de GES au niveau national incluses dans les projets de PNCE, et basé sur les hypothèses prudentes pour les pays n’ayant soumis aucun des deux, la réduction globale des émissions de GES de l’UE est prévue d’atteindre l’objectif de réduction de 40% des émissions de GES d’ici à 2030. Toutefois, l’évaluation a également révélé que les réductions d’émissions de GES dans les secteurs non soumis au SCEQE (principalement dans les transports, les bâtiments et l’agriculture) seraient inférieures de deux points à l’objectif de réduction de 30% relative à la répartition de l’effort par rapport aux niveaux de 2005. Un nombre considérable d’États membres n’ont pas présenté de plans indiquant comment ils pourraient atteindre l’objectif national visé par le règlement relatif à la répartition de l’effort.

L’évaluation des PNCE par la Commission révèle également que l’objectif de 32% d’énergie renouvelable pourrait même être manqué de 1,6 point de pourcentage. Outre cet écart, le niveau global à atteindre en 2030 reste fortement dépendant de la contribution des États membres ambitieux et de la consommation finale brute d’énergie. Le déficit à combler pour atteindre l’objectif d’amélioration de l’efficacité énergétique de 32,5% d’ici 2030 pourrait atteindre 6,2 points de pourcentage. Seuls quelques États membres ont présenté des contributions suffisantes à l’objectif d’efficacité énergétique.

Étant donné que le secteur des transports est responsable d’environ un quart des émissions de GES et continue d’augmenter dans l’UE, il doit donc être au centre des PNCE. Les infrastructures d’électro-mobilité, d’alimentation et de carburants de substitution seront cruciales pour les émissions des voitures, des fourgonnettes et des camions. Les secteurs maritime et aérien devraient également faire partie des priorités nationales en matière de réduction des émissions. Il est à noter que les émissions de l’aviation internationale ont augmenté de 19% au cours des cinq dernières années. L’UE et ses États membres doivent harmoniser leurs positions au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et de l’Organisation maritime internationale (OMI) avec l’Accord de Paris. En outre, l’UE et ses États membres doivent abandonner, entre autres, les subventions aux combustibles fossiles, qui faussent le marché de l’énergie, créent une inefficacité économique et entravent les investissements dans l’innovation et la transition vers une énergie propre. La récente décision de la Banque européenne d’investissement (BEI) d’interdire le financement de projets liés au gaz naturel d’ici la fin de 2021 va dans le bon sens. Ce faisant, la BEI a décidé de ne plus financer le gaz en tant que technologie de transition dans l’abolition progressive du charbon induit par la production d’électricité.

 

Figure 1. Progrès projetés des États membres de l’UE vers les objectifs climats pour 2030. Source : Rapport de l’AEE, Tendances et projections en Europe 2019, n°15/2019, doi : 10.2800/51114, Luxembourg, 2019.

 

Dans le rapport 2020 sur l’état de l’Union de l’énergie et l’action pour le climat, la Commission dressera un bilan des PNCE finaux et confirmera s’ils sont compatibles avec les objectifs de l’Union à l’horizon 2030 ou si des efforts supplémentaires sont nécessaires. Le processus de gouvernance offre également une opportunité de mettre à jour les plans en 2024 afin de refléter l’expérience et de tirer parti des nouvelles opportunités pour le reste de la décennie.

En novembre 2018, la Commission a présenté sa vision stratégique à long terme pour une économie climatiquement neutre à l’horizon 2050, dans laquelle elle a inclus huit voies différentes, dont deux atteignant des émissions nettes de GES. La résolution du PE de mars 2019 relative à cette stratégie a approuvé l’inclusion de deux voies visant à atteindre des émissions nettes de GES d’ici 2050 et a regretté le fait qu’aucune voie d’émission nette de GES pour avant 2050 n’ait été envisagée dans la stratégie. Elle s’est déclarée préoccupée par le fait que les voies suggérées dans la stratégie reposent sur l’utilisation de technologies d’élimination du carbone, notamment le captage et stockage du carbone (CSC) ou le captage et l’utilisation du carbone (CUC) et la capture directement dans l’air. Le PE a invité l’UE à intensifier ses actions pour parvenir à une réduction directe des émissions et à l’amélioration de ses puits et réservoirs naturels.

Lors du Conseil européen de juin 2019, les États membres n’ont pas adopté d’objectif de neutralité carbone pour l’UE fixé à 2050 (une note de bas de page accompagnant les conclusions est libellée comme suit : « Pour la grande majorité des États membres, la neutralité climatique doit être réalisée d’ici 2050 »). Les États membres qui ont déjà adopté des objectifs de neutralité climatique sont le Danemark (« société climatiquement neutre » à l’horizon 2050), la Finlande (à l’horizon 2035, accord de coalition), la France (à l’horizon 2050, partie de la législation), la Grande Bretagne (à l’horizon 2050, partie de la législation, l’Écosse à l’horizon 2045), l’Irlande (d’ici 2050, position de principe), le Portugal (d’ici 2050, position de principe), la Grèce (d’ici 2050, position de principe), et la Suède (d’ici 2045, partie de la législation). La Norvège a adopté l’objectif de neutralité climatique le plus ambitieux (à l’horizon 2030 dans le cadre de sa législation). Cependant, il convient de noter que certains de ces pays prévoient de compter sur la compensation des émissions d’autres pays pour parvenir à la neutralité climatique. La Pologne, la Hongrie et la République tchèque se sont opposées à l’objectif d’émissions nettes. La Finlande, l’actuelle présidence de l’UE, va probablement redoubler d’efforts pour adopter l’objectif de neutralité carbone fixé par le Conseil pour 2050. Le nouveau président de la Commission, von der Leyen, s’est engagée à adopter une loi européenne sur le climat qui intègrera l’objectif de neutralité climatique de 2050 dans la législation, ce qui pourrait impliquer des objectifs intermédiaires supplémentaires pour la période 2030-2050. Elle a également mis en avant l’idée d’un nouveau pacte européen sur le climat entre les régions, les communautés locales, la société civile et les écoles afin de s’engager dans un ensemble de promesses visant à modifier les comportements.

Il est redondant de soutenir que l’adoption d’un objectif à long terme de neutralité climatique de l’UE, associé à un objectif ambitieux de réduction des émissions de GES pour 2030, est d’une importance capitale si l’UE veut montrer l’exemple dans la lutte contre le changement climatique.

 

Dr Georgios AMANATIDIS
Administrateur de la recherche, Département thématique des politiques économiques, scientifiques et de la qualité de la vie, Parlement Européen*
Tél.: +32 2 2834086, e-mail.: georgios.amanatidis@ep.europa.eu

 

* Les opinions exprimées dans ce document n’engagent que leur auteur et ne représentent pas nécessairement la position officielle du Parlement européen.

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