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Les résolutions du Parlement européen ne doivent pas devenir un outil de désinformation

By Sébastien Boussois

La semaine dernière, le Parlement européen a eu une journée particulièrement chargée en votant et en adoptant un certain nombre de résolutions sur des aspects très divers de questions internationales et liées à l’Union européenne. Les députés européens ont notamment pointé du doigt le Mexique, le Myanmar et l’Azerbaïdjan tout en prenant position sur la citoyenneté européenne et la fiscalité soutenant la stratégie de relance.

Je ne sais pas comment les résolutions du PE ont contribué à la paix et à la stabilité internationales, mais elles n’ont certainement pas été toujours utiles en termes d’approche équilibrée et pragmatique de la vision géostratégique de l’UE et de ses ambitions à devenir un acteur mondial. Une réponse brutale du gouvernement mexicain a suivi le vote de la résolution, s’en prenant aux législateurs de l’UE. « Il est regrettable que vous rejoigniez comme des moutons la stratégie réactionnaire et putschiste du groupe corrompu qui s’oppose (à l’administration) », a déclaré le gouvernement mexicain dans un communiqué en réponse au PE.

 

Je ne suis pas encore au courant de la réaction du Myanmar, mais je pense que les responsables azerbaïdjanais en revanche ont pu réagir avec plus de prudence et de retenue. Bien que la région du Caucase du Sud ait connu ces derniers mois une période relativement calme et riche en appels divers à la paix, la résolution du PE intitulée « La destruction du patrimoine culturel au Haut-Karabakh » a « réussi » à attirer à nouveau l’attention sur la région dans le contexte de la guerre, de la désinformation et de la poursuite de la promotion de la haine ethnique et religieuse cachées dans sa rhétorique incendiaire. Le PE affirme dans ce texte que l’Azerbaïdjan est en train de détruire ou a déjà détruit le patrimoine culturel arménien au Karabakh.

 

Je crois en effet que le riche patrimoine culturel, en plus du patrimoine religieux et historique de la région a été détruit et vandalisé dans cette minuscule partie du monde. Mais je ne suis pas aussi sûr que les députés européens de la responsabilité de ses auteurs. Un indice mineur, pour ceux qui ne sont pas familiers avec la géographie politique de la région, est celui-ci : la région du Karabakh appartient à l’Azerbaïdjan en vertu du droit international[1], mais a été sous occupation arménienne pendant près de trois décennies dès 1993. La deuxième guerre au Karabakh s’est terminée le 10 novembre 2021 avec la restauration par l’Azerbaïdjan de son contrôle sur la partie dominante de la région, tout en permettant le déploiement temporaire des forces de maintien de la paix russes dans le reste. La fin de la période d’occupation a dévoilé une terrible réalité dans les territoires sur lesquels l’Azerbaïdjan a pu reprendre le contrôle : des villes et des villages rasés sans presque aucune trace de vie, rappelant les ruines d’Hiroshima. Y avait-il quelque chose à détruire ? J’ai des doutes[2].

Par conséquent, la résolution pour laquelle les eurodéputés ont massivement voté peut s’expliquer par de nombreux autres facteurs que la vérité sur le terrain. Selon des responsables azerbaïdjanais, c’est principalement le résultat des vastes activités de désinformation et de lobbying de la diaspora arménienne et des cercles pro-arméniens au Parlement européen[1]. Si c’est le cas, alors nous aurions un Parlement sous influence qui essaierait manifestement de laisser le fardeau et la responsabilité des destructions au Karabakh sur les épaules d’un pays tout en blanchissant les crimes de l’autre. Serait-il possible et utile d’enquêter sur place avant de voter des résolutions aussi hâtives, ou du moins d’étudier en amont les rapports d’experts indépendants et d’organisations internationales[2] ?

Je laisse la réponse aux 635 députés européens qui ont voté en faveur de cette résolution suspecte. Malheureusement, ce n’est pas le seul point qui soulève une objection justifiée. Suite à l’adoption de la résolution, un certain nombre de reportages dans les médias arméniens ont révélé un autre cas inquiétant. Les lettres adressées par l’Ambassadeur azerbaïdjanais auprès de l’Union européenne ont été divulguées sans complexe aux lobbyistes arméniens et publiées dans la foulée[3]. À une époque où la sécurité de l’ensemble de l’Europe est gravement menacée, la fuite d’informations venant des institutions de l’UE sur des questions aussi sensibles ne peut qu’inquiéter au contraire chaque citoyen de l’UE.

[1] Résolution 884 du Conseil de Sécurité des Nations unies

[2] https://twitter.com/REZAphotography/status/1330903897305702403?t=n_vNpx2veiP44n5N5xveEw&s=08

https://twitter.com/LukeDCoffey/status/1501479207846694914

https://twitter.com/JulianRoepcke/status/1323589752281550849

[3] https://en.vestikavkaza.ru/news/Baku-European-Parliament-resolution-on-Karabakh-based-on-disinformation.html

[4] https://www.icesco.org/en/2021/01/13/icesco-dg-visits-several-historic-sites-in-nagorno-karabakh/

https://azertag.az/en/xeber/United_Nations_European_Union_and_World_Bank_experts_to_visit_liberated_territories_of_Azerbaijan-2048381

https://twitter.com/Vladanka_A/status/1502311970548158472

[5] https://www.aravot-en.am/2022/03/08/299400/

https://twitter.com/VaqifS/status/1502381052714786822

 

 

Sébastien Boussois

Doctor of political science, researcher Middle East Euro-Arab relations/ terrorism and radicalization, lecturer in international relations, scientific collaborator of CECID (Université Libre de Bruxelles), OMAN (UQAM Montréal) and SAVE BELGIUM (Society Against Violent Extremism)

Facebook: Sébastien Boussois

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