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M. Laurent KALINOWSKI

Maire de Forbach

Quelles sont les grandes thématiques liées à la politique transfrontalière ?

Chaque jour des milliers de personnes le long des frontières et notamment en Moselle Est traversent les frontières pour différentes raisons : le travail, la consommation de bien et de services, la santé, le tourisme ou encore pour la culture. Pour que cela soit possible, il se pose nécessairement la question de l’apprentissage de la langue du voisin (bilinguisme voire plurilinguisme), des services publics dont les transports. Les territoires transfrontaliers résonnent comme de véritables bassins de vie dans lesquels la population n’aspire à aucune barrière.

 

Quels en sont les acteurs et le rôle de chacun ?

Dans le domaine de la coopération, les acteurs sont nombreux : Etat, régions, départements, intercommunalités et communes, chacun à son niveau de compétence. Ce millefeuille n’est pas fait pour simplifier les projets de proximité d’autant plus que la France est toujours très attachée à son jacobinisme parisien. C’est en parti l’enjeu du Traité d’Aix-la-Chapelle (22 janvier 2019) tout comme de ceux qui lui ont précédé. C’est aussi l’objectif des « cross-border mecanism » proposés par le Parlement Européen dans le cadre de ses réflexions sur la politique de cohésion post-2020.

Le fait transfrontalier a nécessité la création de structures de coopération territoriale capables de développer des actions communes de part et d’autre des frontières. Sur notre territoire, nous avons créé un Groupement Européen de Coopération Territoriale (G.E.C.T.) SaarMoselle qui existe depuis 2010 et qui a vocation à développer des projets pour encourager les échanges entre les habitants, les associations et les acteurs régionaux ainsi que pour créer des synergies entre atouts mosellans et sarrois pour devenir à terme un territoire d’excellence de la coopération franco-allemande. Ce groupement traite de sujets tels que le développement économique, le tourisme, la santé, la cohésion sociale ou encore la mobilité.

La coopération transfrontalière qui veut répondre à des besoins concrets reste malheureusement le domaine quasi réservé des pouvoirs publics. Les actions développées ne sont pas toujours suffisamment connues même si les choses s’améliorent.

Mais n’oublions pas pour autant que les citoyens se mobilisent à leur niveau pour tisser des liens avec leurs voisins. Ces actions se situent le plus souvent dans l’associatif (actions culturelles principalement) ou sont d’ordre économique lorsqu’il est chef d’entreprise ou qu’il a des responsabilités en matière de développement.

 

Plus précisément dans votre ville quels sont les chantiers mis en place dans le cadre de votre politique territoriale transfrontalière ? Et les freins que vous rencontrez ?

A Forbach et en Moselle-Est, nous travaillons sur de nombreuses thématiques économiques, sanitaires, d’emploi et de formation ou encore culturelle.

Nous avons par exemple réussi à mettre en place depuis 2013 une convention en matière d’urgence cardiologique avec l’hôpital Marie-Madeleine de Forbach et le centre cardiologique de Völklingen en Allemagne. Dans le cas présent, il s’agit de réduire le délai de prise en charge du patient pour traiter l’urgence cardiaque. Il nous aura fallu de nombreuses années pour y parvenir. Depuis lors, nous travaillons sur une autre convention de santé qui avait pour vocation de créer une « zone organisation d’accès aux soins transfrontaliers » de compétence générale. Au fur-et-à-mesure des discussions, celle-ci est devenue une convention sectorielle. Dans ce domaine, les avancées concrètes sont difficiles à obtenir de par la multiplicité des acteurs, de par les différences de réglementations et de procédures médicales ainsi qu’à cause des problématiques de remboursement des frais médicaux. Si la volonté politique est présente, ces contraintes continuent d’en brider la concrétisation.

Le transport transfrontalier est un autre exemple de réalisation concrète sur notre territoire. L’Eurodistrict porte ainsi un projet de « ticketing Sarre-Moselle » soutenu par le programme INTERREG VA qui vise à faciliter un voyage transfrontalier de bout à bout au cœur de l’Europe avec une seule carte de transport quel que soit le mode utilisé ou le pays d’origine. L’objet est surtout de renforcer l’attractivité des lignes transfrontalières au sein de la Grande Région. Concrètement, il s’agit de gérer la multimodalité à travers l’interopérabilité des systèmes de billettique.

La formation est un autre enjeu majeur dans les territoires frontaliers. Liées à elle les problématiques de reconnaissance des diplômes d’une part, mais aussi de normes. S’agissant de la Moselle Est, un diplôme de BTS n’a par exemple aucune équivalence en Sarre. Ceci est un problème car il y a de nombreux postes à pourvoir dans les entreprises et industries en Sarre, que nos travailleurs sont compétents mais que nous n’avons pas les mêmes grilles de lecture. Dans un autre domaine, la profession d’infirmier ne permet pas de réaliser les mêmes actes en France et en Sarre ce qui est une contrainte importante s’agissant du recrutement de part et d’autre de la frontière. Dans le premier cas, les établissements français conventionnent avec les grands groupes sarrois pour mettre en place des stages et permettre l’attribution d’un diplôme interne permettant de faciliter le recrutement. S’agissant de la profession d’infirmier, un dispositif de stages dans le pays du voisin a été mis en place afin de parfaire les compétences linguistiques et de maitriser le cadre d’intervention dans le pays voisin. Il sera toutefois nécessaire d’harmoniser certaines choses, et pas nécessairement à la baisse, pour qu’il puisse y avoir une mobilité pleine et entière.

 

Propos de conclusion :

la Moselle Est vit un véritable paradoxe : il s’agit d’un territoire qui a connu l’annexion et deux guerres mondiales et dont une partie importante de la population vote contre la construction européenne. La coopération doit devenir aujourd’hui plus que jamais concrète et réactive pour résoudre ce que l’on appelle désormais communément les irritants du quotidien. Pour nous, se pose résolument la question d’une métropole transfrontalière avec la nécessité d’un droit à l’expérimentation puis à la différenciation pour être au plus près des besoins de nos populations. Cette construction doit aussi impliquer davantage le citoyen afin qu’il se sente pleinement concerné.

 

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