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Mme Eva CHAMIZO LLATAS

Présidente de l'Association Européenne pour le Stockage de l'Energie (EASE)

Le déploiement du stockage de l’énergie est un instrument indispensable pour améliorer la flexibilité et fournir des services au système énergétique conformément à la politique énergétique et climatique de l’UE.

 

Parlez-nous un peu d’EASE, sa mission et ses compétences, ses membres et ce qu’ils représentent?

L’Association Européenne pour le Stockage de l’Energie (EASE) est la principale association soutenue par des membres représentant des organisations actives sur l’ensemble de la chaîne de valeur du stockage de l’énergie. EASE prend en charge le déploiement du stockage de l’énergie pour soutenir la transition rentable vers un système énergétique résilient, à faible teneur en carbone et sécurisé.

EASE compte près de 40 membres y compris des services publics, des fournisseurs de technologies, des instituts de recherche, des exploitants de systèmes de distribution et des gestionnaires de réseau de transport. Ensemble, les membres d’EASE possèdent une expertise significative dans toutes les principales technologies et applications de stockage. Cela nous permet de générer de nouvelles idées et recommandations politiques essentielles à la création d’un cadre réglementaire favorable au stockage.

Chez EASE, nous soutenons toutes les technologies de stockage d’énergie, chacune pouvant jouer un rôle important dans le système énergétique. Les dispositifs de stockage de courte durée tels que les volants d’inertie et les batteries peuvent réagir en quelques millisecondes à des déséquilibres alors que les solutions de plus longue durée, comme l’hydroélectricité pompée, le stockage thermique ou même les futures options technologiques telles que le stockage de l’hydrogène, peuvent offrir un stockage hebdomadaire, mensuel ou même saisonnier. Notre mission est de veiller à ce que toutes les technologies puissent être concurrentielles sur un pied d’égalité, afin de renforcer les arguments commerciaux en matière de stockage et de plaider en faveur d’un financement accru de la R&D.

 

Quels sont les grands enjeux européens en termes de stockage d’énergie? La manière dont le stockage est défini a-t-elle un impact significatif?

Étant donné que le stockage est un acteur relativement nouveau dans le système énergétique, le cadre réglementaire et politique existant n’est pas propice à bien des égards au déploiement du stockage. Le principal défi réside dans l’incertitude juridique concernant le rôle du stockage dans le système énergétique : dans certains États membres, il est considéré à la fois comme un actif de production et de consommation dépendant de son mode de fonctionnement. Cela conduit à ce que les dispositifs de stockage d’énergie dans certains États membres soient soumis à des grilles doubles de frais et redevances.

De plus, on se demande toujours si le stockage peut être détenu et exploité par les gestionnaires de réseau de distribution et de transport (GRT, GRD) pour les besoins de l’exploitation du réseau. L’absence d’approvisionnement fondé sur le marché et l’absence de contrats à long terme pour les systèmes et les services auxiliaires entravent également la sécurité des investissements. Par exemple, la propriété des batteries par les GRD après autorisation de l’ARN peut améliorer la gestion efficace des congestions et remplacer ou retarder les investissements dans la consolidation du réseau.

Une définition correcte du stockage est également nécessaire. Le stockage d’énergie peut avoir des interfaces intersectorielles, telles que l’électricité « in » et la chaleur ou le gaz « out » qui peuvent être considérées dans certains cas comme du stockage d’énergie et dans d’autres cas comme une utilisation finale de l’énergie. La définition devrait être aussi exhaustive que possible pour tous les types et applications de stockage d’énergie qui complètent les technologies et les utilisations traditionnelles, telles que le stockage hydraulique par pompage ou les batteries, afin de faciliter le développement de technologies efficaces et réalisables.

Du point de vue de la recherche et de l’innovation, le principal défi pour toutes les technologies de stockage d’énergie est de réduire les coûts et d’améliorer l’efficacité. Il est nécessaire de développer davantage les différents services et applications que le stockage peut fournir, et d’explorer les moyens de combiner et de monétiser ces services.

La Commission Européenne, le Parlement et les États membres sont en train de finaliser le paquet « Énergie propre pour tous les Européens », qui abordera bon nombre des points ci-dessus et aura donc un impact significatif sur le secteur du stockage.

 

Quel est l’impact du stockage d’énergie sur l’environnement ?

La transition vers un système énergétique à faible teneur en carbone est impossible sans des actifs fermes et flexibles qui permettent d’adapter la production de sources d’énergie renouvelables (SER) à la consommation d’énergie. Le stockage de l’énergie est une technologie clé, car il peut fournir des services de flexibilité à tous les niveaux du réseau électrique, permettant ainsi aux réseaux de transport et de distribution de fonctionner plus efficacement et de reporter les investissements potentiellement coûteux. Le stockage peut fournir des imprévus lors des événements d’interruption de l’approvisionnement, réduisant ainsi l’impact sur les clients. Le stockage peut également favoriser la décarbonisation des secteurs à forte intensité de combustibles fossiles tels que le transport, le chauffage et le refroidissement.

Dans l’ensemble, le stockage peut avoir un impact positif important sur l’environnement, et l’industrie du stockage s’est engagée à améliorer encore son empreinte. Par exemple, des efforts de R&D sont en cours pour améliorer la durabilité des technologies de stockage, comme en recyclant les matériaux de stockage des batteries.

 

Quelles sont les conditions nécessaires pour permettre des investissements dans le stockage de l’énergie et quel type de modèle d’entreprise convient-il ?

Nous voyons déjà des modèles commerciaux viables pour le stockage en Europe, par exemple sur les îles. Avec des réductions de coûts rapides et des développements significatifs dans différentes technologies, nous nous attendons à ce que l’analyse de cas devienne de plus en plus favorable même si plusieurs obstacles subsistent.
Un cadre réglementaire clair et stable qui reconnaît le stockage comme élément clé du système énergétique est fondamental pour accroître la confiance des investisseurs. Il n’y aura pas de sécurité des investissements sans clarté réglementaire sur les contrats à long terme pour les services système et auxiliaires fournis par le stockage. Une analyse de rentabilité robuste dépend souvent de la capacité à « empiler » plusieurs services différents sur un seul périphérique de stockage. La réglementation devrait donc favoriser la localisation des dispositifs de stockage où la plus grande valeur est créée et où davantage de services sont fournis, généralement plus proches des nœuds demandés d’électricité. Ces services peuvent parfois être monétisés et soumissionnés sur le marché et, dans d’autres cas, une réglementation de la rémunération basée sur les coûts pourrait être la meilleure solution. Les obstacles inefficaces à l’entrée de nouveaux acteurs et de nouvelles technologies devraient être réduits.

 

Quels sont vos objectifs pour la prochaine Conférence Mondiale sur le Stockage de l’Energie?

Cette année, nous sommes fiers d’organiser la troisième édition de la Conférence Mondiale sur le Stockage de l’Energie en collaboration avec le Centre Commun de Recherche de la Commission Européenne. Nous souhaitons accueillir plus de 300 délégués, 15 exposants et plus de 50 conférenciers à Bruxelles afin de découvrir les principaux moteurs et défis du secteur du stockage de l’énergie.

Nous visons à aider les participants à découvrir la prochaine technologie révolutionnaire en matière de stockage d’énergie et à en apprendre davantage sur la recherche de pointe. Les participants auront la chance de nouer des contacts avec les décideurs politiques et les régulateurs de l’UE, ainsi qu’avec les plus grands experts du stockage. Ils apprendront à surmonter les obstacles réglementaires et à définir le futur cadre juridique du stockage de l’énergie. En outre, nous présenterons des analyses de rentabilisation réplicables et réussies du stockage pour le monde entier. Les participants peuvent en apprendre davantage sur le financement et la maximisation des revenus de leurs projets de stockage et en savoir plus sur les raisons qui sous-tendent les décisions des acteurs privés d’investir.

Cet événement de trois jours, qui se déroulera du 24 au 26 octobre 2018 à Bruxelles, constituera le forum idéal pour se familiariser avec les technologies, les politiques et les marchés du stockage de l’énergie ainsi que pour rencontrer des représentants du monde entier.

 

Quels sont vos espoirs et vos attentes pour le prochain Collège des Commissaires et le Parlement Européen nouvellement élu ?
Les décideurs politiques de l’UE reconnaissent de plus en plus l’immense valeur que le stockage peut apporter au système énergétique. En particulier, les derniers développements du paquet de propositions législatives « Énergie propre pour tous les Européens » constituent un grand pas dans la bonne direction pour le stockage.

Nous espérons que le Parlement Européen et le Collège des Commissaires nouvellement élus continueront sur cette lancée positive. Nous espérons qu’ils reconnaîtront le rôle central que le stockage peut jouer dans la réalisation des ambitieux objectifs de décarbonisation et de réduction d’énergie de l’UE. Il reste encore beaucoup à faire pour créer des conditions de concurrence égales pour toutes les technologies de stockage. Les mesures prises par les décideurs politiques de l’UE au cours des prochaines années – par exemple l’accroissement du financement de la recherche, du développement et du déploiement des technologies de stockage – pourraient avoir un impact considérable sur l’avenir du secteur du stockage.

Alors que nous définissons l’objectif fixé de l’UE sur la réduction des émissions de CO2 à l’horizon du milieu du siècle, il est clair que la réalisation de notre vision ambitieuse pour le futur système énergétique exigera un travail acharné, un engagement et une collaboration continue entre les décideurs, l’industrie et la société. Nous sommes sûrs que le nouveau Parlement et la nouvelle Commission seront prêts à relever le défi!

 

 

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