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Nathalie ERRARD, AIRBUS

Senior Vice-President, Directeur des Affaires européennes et OTAN

Dans le cadre des accords de Paris et du Green Deal, quelles seront les technologies et innovations à venir ? dans quel délai ?

Le transport aérien joue un rôle essentiel dans le développement économique et l’aménagement du territoire, il répond à une véritable demande sociétale : plus de 60% des Français ont déjà pris l’avion et 30% le prennent au moins une fois par an. Mais la croissance à venir sera surtout le fait de l’Asie-Pacifique. En effet, 50% des nouveaux passagers viendront d’Inde ou de Chine.

Face à cette réalité, la solution réside bien dans la transformation vers un transport aérien durable à l’échelle globale et l’innovation technologique est la solution à cet énorme défi. Un avion moderne (ex. A350 ou A320neo) consomme environ 2 litres de carburant aux 100 km par passager. Le transport aérien représente 2% des émissions de CO2 de l’humanité, soit nettement moins qu’Internet. Mais il est nécessaire d’aller plus loin. L’Europe est en pointe sur cette transformation et chez Airbus, nous voyons cela comme une opportunité. Il n’y a pas beaucoup de moments dans l’histoire de l’aéronautique qui ont nécessité des changements industriels et technologiques aussi profonds.

Dans le Pacte vert pour l’Europe, la Commission européenne affiche la volonté d’une Europe neutre en carbone en 2050. Afin de contribuer à la réalisation de cette ambition, Airbus et toute la filière se sont déjà dotés d’objectifs clairs : une stabilisation des émissions mondiales de carbone à partir de cette année et la réduction de moitié des émissions de CO2 à l’horizon 2050 (par rapport au niveau de 2005).

Tout le monde vise le « zéro émission ». Aujourd’hui, notre industrie commence à voir les routes technologiques possibles pour y parvenir. Cela reste très difficile et nécessitera des investissements colossaux sur la durée, mais il y a un chemin – et même plusieurs.

Pour développer l’avion à basses émissions, les ingénieurs d’Airbus doivent actionner plusieurs leviers en même temps, de manière cohérente et simultanée: nouveau design des avions, matériaux plus légers, nouveaux systèmes de propulsion, nouveaux carburants (biocarburants, carburants synthétiques, voire hydrogène), plus grande autonomie et électrification. La solution définitive sera un mélange des différents éléments, accélérée par des processus numériques.

Dans cet esprit, Airbus a déjà piloté un certain nombre d’avions à « zéro émissions ». Le démonstrateur pour l’avion électrique, l’E-Fan 1.0, a été le premier démonstrateur significatif. Depuis, Airbus a piloté le démonstrateur Vahana à 1 place qui a désormais cumulé plus de 90 vols. Le démonstrateur City Airbus à 4 places a effectué son premier vol le 3 mai 2019 et a entamé une campagne d’essais en vol rigoureuse. Récemment, Airbus a ouvert une « installation de test de systèmes E-Aircraft » où sont développés des systèmes de propulsion électriques et hybrides. Pour porter ces technologies à l’échelle commerciale, Airbus a également lancé le démonstrateur E-FAN X qui effectuera son premier vol en 2021.

L’ambition principale chez Airbus est de développer le tout premier avion à faibles émissions, prêt à voler à l’horizon 2035. Les projets de l’Union Européenne regroupés dans Clean Sky peuvent contribuer de façon significative.

En attendant la mise en place de ces technologies de rupture, quelles peuvent- être les solutions court terme à envisager pour réduire les émissions de CO2 ?

La distinction des solutions dans le temps est très importante pour garantir une décarbonation progressive de notre industrie à l’échelle mondiale.

En réalité, la transition environnementale de la filière a déjà été engagée: les émissions de CO2 par passager ont été divisées par 5 en 60 ans et ont baissé en moyenne de 2% chaque année depuis 2000. Chaque nouvelle génération d’avions Airbus émet entre 15% et 25% de CO2 en moins que la précédente et les derniers modèles ne consomment plus qu’environ 2 litres au 100km par passager, soit environ 50 grammes de CO2 par siège kilomètre. Dès lors, le travail des 10-15 prochaines années consistera à améliorer la consommation de carburant des avions d’aujourd’hui grâce à des matériaux légers et à de nouvelles technologies moteur.

Les carburants alternatifs ou durables ont également le potentiel de réduire considérablement l’intensité en carbone à court terme. Ils sont déjà certifiés et peuvent fournir des réductions d’émissions impressionnantes – entre 60% et 80%. Cependant, les bonnes politiques d’incitation et un financement adéquat sont encore nécessaires pour les étendre en quantités suffisantes à un coût raisonnable.

Les solutions passent donc par le renouvellement des flottes, le recours aux carburants alternatifs durables, y compris l’utilisation de l’hydrogène, l’amélioration des infrastructures, et la mise en place effective d’un programme international de réduction des émissions.

Comment optimiser le trafic aérien européen ? Que pensez-vous du « Ciel unique européen » et que peut-on en attendre ?

L’amélioration de la gestion du trafic aérien en Europe est une autre solution à court terme pour réduire les émissions de CO2.

Plusieurs partenaires industriels – dont Airbus – ont coopéré au sein du programme de recherche SESAR (« Single European Sky ATM Research ») afin de proposer des solutions innovantes permettant d’optimiser les concepts opérationnels dans le trafic aérien. Un des projets phare consiste à favoriser les trajectoires optimisées pour l’avion, permettant de gérer au mieux la croissance future de trafic aérien tout en minimisant l’impact environnemental.

L’achèvement d’un ciel unique européen complèterait ces innovations car cela révolutionnerait l’espace aérien de l’Union Européenne en supprimant les routes inefficaces. L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) estime qu’une réduction de 6% des émissions CO2 est atteignable par ce biais.

L’élan autour du Pacte Vert accentue la dynamique pour enfin avancer sur ce dossier et nous soutenons l’approche politique de la Commission européenne. Une avancée permettrait en effet une adoption plus rapide par le marché des technologies et concepts opérationnels clés pour améliorer les performances globales du trafic aérien.

Comment vous positionnez-vous face au système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SEQE-UE) et le programme international de réductions des émissions (CORSIA) ?

Airbus considère CORSIA comme étant la première étape importante vers la construction d’une nouvelle aviation durable mondiale et permettant d’engager l’aviation internationale dans ce virage stratégique. Il peut être amélioré, mais c’est le seul dispositif mondial. Il faut absolument le crédibiliser, le renforcer et le faire réussir. Nous comprenons que des adaptations régionales peuvent être nécessaires pour atteindre les objectifs de l’UE, tout en évitant les distorsions de marché et en respectant le caractère international de l’aviation.

En conclusion, quelles sont vos attentes et le message que vous souhaitez adresser aux décisionnaires politiques nationaux et européens ?

Pour que l’Europe soit à l’avant-garde de la transition environnementale du transport aérien, les pouvoirs publics doivent accompagner le mouvement engagé par les acteurs de la filière. Pour cela, il est essentiel de soutenir les investissements importants nécessaires à la recherche aéronautique, notamment par le biais des partenariats publics-privés européens « Clean Sky » et « SESAR ». La solution ne peut être trouvée que dans l’innovation technologique.

Outre un soutien au schéma mondial CORSIA, il convient de s’assurer de la cohérence du système de fiscalité carbone mis en place en Europe et veiller à ce qu’il participe au financement de la transition environnementale du secteur.

Nous appelons de nos vœux des investissements d’infrastructures, afin de rendre plus accessibles l’accès aux énergies nouvelles pour les compagnies aériennes. Mais aussi encourager l’usage des nouveaux carburants soutenables, créant un marché durable des carburants pour l’aviation en Europe. Et demain, préparer le développement d’une filière hydrogène et autres sources de production d’électricité décarbonées. C’est un enjeu absolument majeur : tous les modes de transport auront besoin d’une source primaire d’énergie décarbonée. C’est aux institutions de créer cet écosystème.

L’ensemble de ces éléments permettront à l’avenir de concilier croissance du trafic et baisse des émissions.

Airbus
Avenue Marnix 28
B – 1000 Brussels

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