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Edito de Jean-Baptiste LEMOYNE

Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères de la République Française, Président du Conseil de pilotage du tourisme

« Donnez-moi de bons cuisiniers, et je vous ferai de bons traités » promettait déjà Talleyrand à Napoléon, qui mettait la démonstration de nos savoir-faire au service de ses négociations. L’importance que nous accordons à la gastronomie et à l’alimentation constitue assurément une spécificité française tant la culture qui s’est développée autour de cette volonté de « bien manger », de partager des produits de qualité, est ancrée dans nos habitudes et rythme nos modes de vie. C’est bien dans ce sens que le repas gastronomique des français a été reconnu au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2010, ce sont les traditions et rituels qui caractérisent notre repas et qui font sa convivialité qui ont ainsi été consacrés.

Consacrés, afin qu’ils soient préservés et transmis. La France, pays aux chefs les plus étoilés au monde, berceau du guide Michelin, de la Liste et de bien d’autres critiques gastronomiques qui font office de références, bénéficie de formations de pointe dans les métiers de l’artisanat culinaire et de l’accueil. Reconnaître la vocation de ces savoir-faire à être transmis aux générations futures et partagés entre les pays est primordial et peut même se révéler être une solution aux 100 000 emplois sont non pourvus chaque année en France dans l’hôtellerie et la restauration ! Développer une formation touristique d’excellence à la dimension internationale pour attirer les talents étrangers et transmettre est l’objectif du label « Formation d’excellence » décerné par la Conférence des formations d’excellence au tourisme (CFET). [De la même manière, l’opération Good France menée par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères chaque année organise des dîners à la française dans le monde entier en mobilisant les restaurateurs locaux et les ambassades]. A l’échelle européenne, susciter des liens et un dialogue entre les chefs, les producteurs, les artisans et professeurs à travers de telles initiatives représente une opportunité supplémentaire d’enrichissement par le partage des connaissances.

Préservés, transmis, mais aussi peut-être perfectionnés et ajustés aux enjeux de notre temps. La diversité de la gastronomie française, que l’on doit à nos terroirs tout comme à nos savoir-faire, est un atout unique et reconnu. Cette haute réputation en matière de gastronomie nous confère une responsabilité, celle d’impulser une réflexion mondiale sur le sens de nos habitudes alimentaires.

En effet, alors que la gastronomie est conditionnée par notre éducation et révèle le regard que nous portons sur notre environnement, elle est potentiellement un puissant vecteur de changement qui pourrait nous permettre de répondre aux grands enjeux mondiaux de santé publique et de développement durable. C’est avec cette volonté que le Président de la République a souhaité que la France organise en 2020 le Paris Food Forum, une réunion inédite de scientifiques, philosophe, sociologues de l’alimentation, de grands chefs, de critiques gastronomiques, professionnels du secteur et journalistes venus du monde entier pour définir ensemble la feuille de route vers une gastronomie responsable. Une gastronomie qui pourra prétendre à être la gastronomie de demain : accessible, respectueuse de notre santé et viable sur le long terme, que ce soit économiquement pour les producteurs qui en ont la charge ou au regard de l’environnement.

Cette prise de conscience mondiale est nécessaire tant les enjeux sont globaux et les pays tous interdépendants. L’accord de Paris de décembre 2015, l’agenda 2030 de l’ONU et ses Objectifs de Développement Durable, les engagements pris lors des Etats Généraux de l’Alimentation au second semestre 2017 sont autant d’exemples d’initiatives qui nous invitent à une approche durable globale de la gastronomie. Mais c’est d’abord à l’échelle de l’Europe que tout se joue car c’est là que réside notre capacité d’action. L’alimentation et la gastronomie sont en effet à la croisée de nombreuses politiques publiques, qui toutes, devrons s’inscrire dans une dimension européenne si l’on veut réellement tendre vers une approche durable exemplaire.

C’est à l’échelle de l’Europe que nous définirons une stratégie en négociant très prochainement la nouvelle Politique Agricole Commune pour la période 2021-2027 qui devra être un contrat de confiance : politique publique historique de l’Union, elle n’a jamais été autant d’actualité puisqu’elle est l’occasion de réaffirmer nos valeurs de transmission, de diversité, de partage qui passent par la sauvegarde du paysage et du patrimoine. La France souhaite porter sa vision pour une agriculture innovante au service du « bien-manger ».

Concrètement également, l’Europe, ce marché très convoité de plus de 500 millions de consommateurs, nous permet déjà de faire entendre notre voix sur la scène internationale, et d’exprimer nos préférences collectives, nos goûts en matière d’alimentation. Des accords de libre-échange équilibrés sont un levier d’action de premier plan pour cela : il faut persévérer dans le changement de paradigme en faveur d’une politique commerciale européenne exigeante qui protège l’environnement et les citoyens européens, leur santé, leur propriété intellectuelle. Dans le cadre de ces accords, la France est par exemple très attachée à la défense des indications géographiques dont la démarche, que d’aucun considère comme datée, est en réalité d’une étonnante modernité. Le Canada dans le cadre du CETA s’est par exemple engagé à reconnaître 143 indications géographiques protégées, dont 42 en France, comme le Piment d’Espelette ou encore les Huîtres de Marennes-Oléron. Cette démarche participe à la valorisation du patrimoine gastronomique européen et à l’attractivité touristique des territoires du continent qui tous ont une identité gastronomique singulière.

Enfin, le patrimoine gastronomique est un vecteur d’attractivité, d’aménagement et de développement économique des territoires. Si un visiteur sur trois déclare choisir la France comme destination touristique pour y découvrir sa gastronomie et ses vins, c’est bien parce que la diversité de notre gastronomie est le reflet de la diversité de nos pays, de nos terroirs. En Europe, il n’y a pas un mais des patrimoines gastronomiques et ce qui réunit les européens c’est leur capacité les protéger et les promouvoir. La résolution du Parlement européen votée en 2014 sur les aspects culturels et éducatifs du patrimoine gastronomique européen s’inscrit dans cette démarche de valorisation des territoires en reconnaissant toute l’importance de la gastronomie dans leur patrimoine et dans leur expression culturelle.

 

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