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Mme. Anne BUCHER

Directrice Générale de la Commission Européenne, DG Santé et Sécurité Alimentaire

Anne BUCHER

Vous avez pour mission d’assurer une alimentation sûre et saine en Europe, quels sont les moyens mises en œuvre ?

« Assurer une alimentation sûre et saine » n’est pas de la seule responsabilité de la Commission européenne ! Néanmoins, l’ « Europe » en général peut être considérée comme le fil conducteur d’une chaîne qui va de la production aux consommateurs, « de la ferme à la fourchette ». C’est un rôle-clé car l’Europe intervient dès en amont de la production alimentaire, en autorisant – ou pas – additifs, pesticides, OGM, entre autres – qui sont utilisés par les producteurs. L’étiquetage alimentaire est aussi régulé au niveau européen, permettant aux consommateurs d’être informés sur la composition des produits, mais aussi la présence d’allergènes ou encore, pour les produits frais, de leur provenance. Il faut souligner le rôle-clé des opérateurs économiques dans cette chaîne : il est de leur responsabilité que les produits mis en vente soient sains. Et il est de la compétence des autorités nationales (la DGCCRF en France par exemple) de « surveiller » cette chaîne au niveau national, ainsi qu’aux frontières de l’Union. L’Europe intervient enfin en aval si une alerte alimentaire concerne plusieurs Etats membres.
Il s’agit donc d’une chaîne complexe, mais où chacun a un rôle à remplir.

 

La législation est-elle suffisante ?

Elle est en avant tout nécessaire, car elle couvre une multitude de types d’activités ! Les chiffres parlent d’eux-même : d’un point de vue économique, la chaîne alimentaire, incluant la production et la distribution, s’affirme le secteur comme le plus « intégré » du Marché intérieur : 44 millions de personnes sont employées dans ce secteur, qui exporte pour près de 140 milliards d’euros chaque année, constituant ainsi un point-fort de l’Union européenne au niveau du commerce international.
Le défi auquel nous sommes confrontés est double, avec d’un côté la nécessité d’adapter nos législations à de nouveaux enjeux qu’ils soient technologiques ou sociétaux, et de l’autre une mise en œuvre pas toujours effective de la législation déjà existante par les opérateurs économiques et les Etats membres.

 

Le système d’alerte alimentaire fête ses 40 ans, est-il performant et répond-il aux risques de la société d’aujourd’hui ?

En effet, le système d’alerte fut créé en 1979, alors que les échanges se multipliaient dans ce qui était alors la Communauté éconmique européenne, et donc bien avant la crise de la vache folle qui a mené, dans les années 2000, à la mise d’une législation très détaillée dans le domaine alimentaire.

On a tendance à l’oublier mais l’insécurité alimentaire est demeurée très élevée pendant des siècles : les décès par contamination alimentaire se sont pendant longtemps comptés par milliers chaque année. Ceci n’est plus le cas aujourd’hui. Rappelons que la dernière crise alimentaire de grande ampleur dans l’Union remonte à 2011, quand plus de cinquante personnes décédèrent en Allemagne suite à une épidémie due à la présence d’eColi sur des graines germées.

Le « risque zéro » n’existe pas, d’autant que la chaîne alimentaire européenne est aussi sous la menace de fraudes potentielles, mais ce système d’alerte est efficace. Il permet aux opérateurs économiques et Etats membres de relayer immédiatement tout soupçon ou alerte sur des produits provenant de l’Union ou arrivant à nos frontières. Ces alertes sont suivies, si besoin, de retraits des produits , à cette sécurité pour le consommateur. C’est de plus un outil reconnu au niveau international.
En pratique, l’Union s’est ainsi dotée de moyens de détecter et de gérer les risques alimentaires.

 

Alors qu’une nouvelle Commission s’apprête à prendre ses fonctions, quels sont les grands enjeux des années à venir dans le domaine alimentaire ?

Les enjeux sont multiples dans ce domaine, à commencer par la soutenabilité de la chaîne alimentaire. Avec une population mondiale qui devrait approcher les 10 milliards d’individus à l’horizon 2050, on sait d’ores et déjà qu’il faudra produire 70% de calories en plus pour nourrir celle-ci ! A l’heure actuelle, la production alimentaire dans l’Union représente 11% de nos émissions de gaz à effets de serre. Et, même en étant la première puissance agricole du monde, l’Union gaspille un cinquième de sa production. Comment peut-on gaspiller autant de nourriture alors que des dizaines de millions de personnes dans l’Union n’ont pas accès tous les jours à un repas décent ?

Aux questions environnementales s’ajoutent des demandes croissantes des consommateurs pour une alimentation encore plus saine, respectueuse du bien-être animal et qui soit plus « compréhensible » (notamment via une information plus poussée grace l’étiquetage ou des outils numériques).

C’est pourquoi la question alimentaire, via une stratégie « de la ferme à la fourchette », constituera l’un des éléments-clé du « Green Deal » qui sera bientôt proposé par la Commission présidée par Ursula von der Leyen.

 

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