Retrouvez-nous sur :

M. Herald RUIJTERS

Directeur de la Direction en charge des investissements, des transports innovants et durables à la Direction Générale de la mobilité et des transports (DG MOVE) de la Commission européenne

Herald Ruijters

Quels sont les grands enjeux du transport pour répondre au plan ‘’Énergie & Climat’’ européen ?

La réponse tient en deux chiffres : zéro émission – zéro mort sur les routes!

Le plus grand défi est d’assurer la transition vers un système de mobilité durable et intelligente au cours des 30 prochaines années. D’ici 2050, nous devons pouvoir maîtriser un nouveau système de transport plus efficace et plus intégré, reposant sur des énergies renouvelables, tout en facilitant la multimodalité et en tenant compte de l’ensemble des offres technologiques et des différents modèles économiques.

Pendant cette période de transition, il est essentiel de veiller à ce que l’accès à la mobilité reste abordable pour tous les citoyens européens. Par ailleurs, le secteur des transports doit rester une part dynamique de l’économie européenne. Pour toutes ces raisons, nous travaillons actuellement à l’élaboration d’un « Pacte vert européen » (Green deal).

 

Comment mieux coordonner les investissements européens afin de structurer l’espace économique pour assurer une mobilité plus respectueuse de l’environnement ?

Nous sommes face à un double impératif : assurer la connectivité nécessaire au développement de l’espace économique européen et en même temps décarboner les transports. C’est pourquoi la politique européenne de promotion des investissements sur le réseau transeuropéen de transport a toujours donné la priorité aux modes de transport les plus respectueux de l’environnement, tels que le transport ferroviaire, le transport public et la voie d’eau. Malgré tout, cela reste insuffisant pour infléchir la croissance des émissions de CO2 provenant du transport, l’action européenne ne représentant qu’une fraction des investissements. En soutien aux financements publics nationaux, nous devons bien sûr continuer d’utiliser toutes les ressources européennes disponibles (le fond Horizon 2020 pour la recherche, les fonds régionaux, le Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe, InvestEU et la BEI) en leur donnant une orientation encore plus prononcée en faveur de la mobilité durable. Mais nous devons également mobiliser de manière plus efficace les capitaux privés au profit des infrastructures, soit à travers les systèmes « utilisateur-payeur », encore trop peu développés, soit à travers la « finance verte ». A cet égard, une proposition sur la «taxonomie » des investissements visant une classification européenne des investissements favorables au climat a été déposée et est actuellement en cours d’examen par le législateur.

 

Pouvez-vous nous parler de ‘’Connecting Europe facility ‘’ ?

Le Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (MIE) est un programme européen d’investissement pour les infrastructures dans le domaine des transport, de l’énergie et du digital. Pour la période 2014-2020, le programme a investi 23,7 milliards d’euros dans le secteur des transports au travers de subventions réparties sur plus de 750 projets. Il s’agit de grands projets tels que les tunnels alpins du Brenner et de Lyon-Turin – ou tel que le Canal Seine-Escaut, mais également d’un grand nombre de projets ciblés visant à améliorer les connexions transfrontalières, à supprimer les goulets d’étranglement, à promouvoir l’intermodalité (par exemple à travers une meilleure connexion des ports) et à déployer au niveau européen des systèmes harmonisés de gestion du traffic dans les différents modes de transport (comme SESAR pour l’aviation et ERTMS pour le secteur ferroviaire). Le MIE soutient également un grand nombre de projets concernant les carburants alternatifs (par exemple des infrastructures de recharge électrique ou hydrogène). Pour la prochaine période budgétaire 2021-2027, le Parlement européen et le Conseil sont déjà parvenus à un accord sur les priorités du MIE, notamment en mettant l’accent sur l’importance de de la décarbonation. Notamment, 60% de l’enveloppe du MIE devra contribuer à des objectifs climatiques, en lien avec les engagements pris par l’UE dans le cadre de l’accord de Paris, ce qui signifie un objectif oscillant entre 70 et 80% pour sa composante transport. L’enjeu aujourd’hui est de définir l’enveloppe budgétaire qui y sera consacrée dans le cadre des discussions sur le cadre financier pluriannuel de l’Union (le Budget de l’Union).

 

Le paquet mobilité durable (‘’Clean Mobility’’) doit faire évoluer la règlementation dans de nombreux domaines, lesquels et de quelle façon ?

Nous avons mis en place de nouvelles normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures des particuliers et pour les véhicules utilitaires légers neufs, ainsi que, pour la première fois, pour les nouveaux véhicules lourds. Ces normes ont donné une véritable impulsion en termes d’innovation, facilitant ainsi l’entrée sur le marché de véhicules à zéro émission. D’importants investissements ont déjà été réalisés par les fournisseurs de carburants alternatifs, ainsi sur les nouveaux moteurs électriques.

La directive relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie a par ailleurs été révisée : elle fixe des objectifs minimaux en matière de marchés publics au niveau des États membres sur la base d’une nouvelle définition des véhicules de transport routier propres. De plus, nous avons fortement accru notre soutien financier aux investissements dans les infrastructures de carburants alternatifs. Enfin, nous avons également proposé de nouvelles règles relatives à la redevance pour l’utilisation de certaines infrastructures dans le contexte de la révision de la directive « Eurovignette ». Celle-ci est toujours en cours de négociation avec le Conseil et le Parlement.

 

L’Europe souhaite maintenir sa position de leader dans l’industrie ferroviaire, quels sont les moyens pour le faire ?

Le rail est le mode de transport terrestre le plus sûr et le plus durable cependant il souffre encore d’un manque d’attractivité. Un marché intérieur fort et efficient est donc primordial pour soutenir la position de l’industrie ferroviaire européenne. Les quatre paquets ferroviaires mis en œuvre depuis les années 90 ont permis de créer un véritable espace ferroviaire européen unique accompagné d’une harmonisation des règles au niveau européen. Aujourd’hui, plus de 90% des règles applicables aux véhicules ferroviaires, qui étaient au nombre de 14 000 pour l’ensemble de l’UE il y a quelques années, ont été éliminées. Un espace ferroviaire européen unique combiné à une harmonisation européenne stimulent à la fois la demande de services ferroviaires et la productivité au bénéficie de l’industrie.

D’un point de vue technologique, le rail doit se moderniser plus rapidement. L’innovation et la digitalisation sont des facteurs essentiels de la compétitivité de l’industrie ferroviaire.

Le déploiement du Système européen de gestion du trafic ferroviaire « ERTMS » est une priorité. Ce système développé en Europe est aujourd’hui une référence mondiale. L’ERTMS fonctionne dans de nombreux pays et régions comme le Moyen-Orient, le Maghreb et l’Australie. Son déploiement en Europe est fortement soutenu par le programme de financement Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe.

En termes d’innovation, la commission a également mis en place une entreprise commune nommée « Shift2Rail », dotée d’un budget 920 millions d’euros, dans le cadre d’Horizon 2020, pour développer des solutions innovantes dans le secteur ferroviaire. Par exemple, Shift2Rail participe au développement de la nouvelle génération de l’ERTMS pour 2022. Dans le cadre de Horizon Europe, la Commission souhaite continuer à soutenir l’innovation ferroviaire et mettre l’accent en particulier sur la décarbonisation et la digitalisation.

Enfin, avec les pays tiers, la Commission entend continuer à œuvrer pour une concurrence loyale au sein et en dehors de l’UE.

 

Quelle sera la politique d’investissement et d’incitation de l’Europe pour le transport multimodal ?

Dans le cadre de la directive favorisant le déploiement de systèmes de transport intelligents en Europe, de nouvelles règles européennes ont été mises en place afin de faciliter l’émergence de nouveaux services d’information et de planification multimodaux. Ces règles, accompagnées d’un soutien financier pour leur mise en œuvre, permettront de fournir des solutions multimodales de meilleure qualité répondant ainsi aux besoins de mobilité des voyageurs. Cela conduira également à des gains d’efficacité au niveau des opérations de transport et de façon générale sur le réseau de transport dans son ensemble.

Dans cette optique, la prochaine étape consiste à réfléchir aux outils à mettre en place pour faciliter les services de billettique au niveau européen : que ce soit au moyen de soutiens financiers pour faciliter la digitalisation des services de paiements et des titres de transport et/ou, au moyen de nouvelles règles en ce qui concerne l’échange de données essentielles pour les services numériques de billettique.

 

Comment faire de l’Europe un leader mondial des systèmes de mobilité entièrement automatisés et connectés ?

Afin que la mobilité connectée et automatisée soit un réel succès, il est essentiel de regarder au-delà des véhicules et d’impliquer tous les acteurs concernés : constructeurs automobiles, villes, opérateurs routiers, associations d’usagers, fournisseurs de services, pour n’en nommer que quelques-uns. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons surmonter les obstacles actuels à l’introduction de solutions innovantes et veiller à ce qu’elles contribuent à rendre les transports plus sûrs, plus durables et plus accessibles pour tous les utilisateurs, y compris ceux à mobilité réduite.

Travailler de manière collaborative et systémique sur les innovations est une force européenne, que nous appliquons aussi au domaine de la mobilité connectée et automatisée. Nous avons donc réuni tous les acteurs clés au sein d’une plate-forme européenne unique en vue de définir un agenda de recherche et d’innovation commun. Nous envisageons également la création d’un partenariat public-privé européen de recherche et d’innovation pour la prochaine période budgétaire 2021-2027.

 

Le commerce électronique sature le Traffic des Métropoles, comment le protocole Internet pourrait-il servir d’exemple pour réorganiser une logistique des marchandises durable ?

La digitalisation est une réalité depuis plusieurs années dans le secteur du transport logistique. L’un des principaux objectifs est d’améliorer le partage d’information pour permettre l’optimisation des processus et rendre l’information relative à la cargaison et aux capacités accessible à tous. De manière similaire, grâce à l’envoi de données numériques via le protocole internet, il est possible d’assurer une distribution optimale du fret (en terme de coût, de durée et d’impact environnemental) en utilisant les ressources disponibles à chaque étape de l’acheminement.

Cela doit permettre de renforcer l’efficacité du système dans son ensemble, notamment en évitant au maximum le sous-remplissage des moyens de transport, et tout en atténuant l’ impact sur le climat.

Afin de soutenir ce processus, nous avons mis en place un groupe d’experts européen sur le numérique en matière de transport et de logistique (Digital Transport & Logistics Forum – DTLF). Son objectif est de faciliter le partage de données entre les parties prenantes au moyen de plateformes d’échange de données constituées le long des corridors du réseau transeuropéen de transport (RTE-T). Cette initiative permettra d’optimiser le chargement et l’acheminement des marchandises, minimisant ainsi les émissions et les embouteillages (y compris dans les villes), et contribuant à la réduction carbone des transports logistiques. Finalement, cet échange de données contribue également à l’automatisation des processus logistiques et à une utilisation plus efficace des ressources.

 

Le digital peut-il servir la mobilité ? parlez-nous de la mobilité comme un service ? (MaaS)

La Commission s’est engagée à faciliter la mise en place d’un environnement de transport multimodal fiable, rapide et transparent afin de faciliter la mobilité des citoyens, en accordant une attention particulière aux personnes à mobilité réduite. Cela devrait se faire de façon pragmatique, en prenant en compte les besoins des citoyens et l’évolution du marché.

Ces dernières années, les plateformes en ligne (dont les plateformes MaaS) sont devenues des acteurs importants. Ces plates-formes digitales peuvent offrir des avantages significatifs aux consommateurs, en leur proposant des solutions multimodales de mobilité adaptées à leurs besoins, tout en soutenant nos objectifs de politique de transport, à savoir: une efficacité du système de transport dans son ensemble et sa durabilité. Nous sommes toutefois conscients que le développement de ces plates-formes est un enjeu pour les opérateurs de transport traditionnels. Nous réfléchissons donc à la nécessité de règles supplémentaires sur les relations entre les plates-formes et les opérateurs de transport dans une perspective multimodale.

 

Quelle sera la politique européenne concernant les Drones ? quel pourrait-être leur rôle dans la mobilité durable ?

La politique européenne concernant les drones est fondée sur quatre grandes priorités : sécurité, sûreté, protection des données et décarbonisation. Un nouveau cadre réglementaire européen(1) permet à la Commission d’adopter des règles spécifiques concernant les normes techniques des drones, ainsi que leurs conditions d’opération(2). L’Union européenne veut ainsi favoriser l’essor de nouvelles technologies, comme l’électrification, l’automatisation, la digitalisation et l’intelligence artificielle. L’ensemble de ces technologies innovantes vont contribuer à une mobilité plus durable en réduisant l’empreinte environnementale du secteur des transports et en soutenant la compétitivité d’une industrie naissante et prometteuse en terme de création d’activité économique et d’emplois qualifiés.

 

Quelles vont être les évolutions du secteur aérien et maritime dans le cadre d’une politique climatique dynamique et ambitieuse ?

En transportant les trois quarts de notre commerce extérieur et un tiers des échanges intra-communautaires, le secteur maritime est un maillon essentiel de l’économie européenne. Par ailleurs, le transport par voies maritimes présente un avantage indéniable en termes d’efficacité énergétique (émissions de CO2 par tonne de fret transportée). Cela fait de lui une alternative intéressante au transport routier de marchandises.

Les modèles actuels prédisent une forte croissance du secteur maritime; les flux de marchandises transitant par les ports de l’UE pourraient augmenter de 50% d’ici 2030. Ces prévisions de croissance se traduisent également par une augmentation des émissions de CO2.

En 2018, l’Organisation Maritime Internationale (OMI), l’organe international qui réglemente le transport maritime, a adopté une stratégie pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre prévoyant notamment de réduire le volume total d’émissions de GES annuelles d’au moins 50 % d’ici à 2050, par rapport à 2008.
Il est désormais essentiel que cette stratégie se traduise par des actions concrètes. D’une part, l’Union Européenne et ses Etats Membres continueront à contribuer activement aux discussions internationales. Par ailleurs la présidente élue de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a d’ores et déjà indiqué dans ses orientations politiques, le besoin pour tous les secteurs, y compris le transport maritime, de contribuer à la politique climatique ambitieuse de l’Union.

La réduction de l’empreinte écologique du secteur des transports y compris le transport aérien est un défi prioritaire pour la Présidente élue Ursula von der Leyen et pour la nouvelle Commission. Actuellement, le transport aérien est responsable au niveau mondial de plus de 2 pourcent des émissions de gaz à effet de serre. Ce chiffre ne paraît pas très élevé si on le compare à ceux des autres secteurs, mais il est en croissance continue malgré les efforts entrepris par ce secteur. En effet, en Europe, la consommation de carburant par passager a diminué de 24 pourcent entre 2005 et 2017, or cette amélioration n’a pas été suffisante en termes d’émissions globales étant donné la forte croissance du secteur. Aujourd’hui beaucoup de citoyens s’attendent à ce que le transport aérien soit plus propre et beaucoup plus durable et cette tendance ne va pas s’affaiblir. On aura donc besoin de meilleures technologies, de carburants durables et de réformes opérationnelles.

 

Pouvez-vous nous présenter les missions et compétences de la DG MOVE : Investissement, transport innovant et durable ?

La Direction Générale Mobilité et Transports (DG MOVE) est responsable pour la mise en place de la politique communautaire des transports, ainsi que pour la politique des réseaux transeuropéen des transports, en étroite coopération avec son agence exécutive INEA et trois agences réglementaires, pour l’aérien (EASA), le maritime (EMSA) et le rail (ERA). A cette fin, elle gère également les budgets dédiés aux programme de financement que sont le Mécanisme pour l’Interconnexion de l’Europe (MIE) et la Recherche pour le Transport (H2020).

 

  1. Règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018 concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne, OJ L 212, 22.8.2018, p. 1–122
  2. Règlement délégué (UE) 2019/945 de la Commission du 12 mars 2019 relatif aux systèmes d’aéronefs sans équipage à bord et aux exploitants, issus de pays tiers, de systèmes d’aéronefs sans équipage à bord ; et Règlement d’exécution (UE) 2019/947 de la Commission du 12 mars 2019 concernant les règles et procédures applicables à l’exploitation d’aéronefs sans équipage à bord.
Spread the news