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Mme María Jesús Montero Cuadrado

Ministre des Finances par intérim de l'Espagne

Notre réponse à l’urgence climatique

L’un des grands défis que l’humanité doit relever de toute urgence est la manière dont nous répondons à l’urgence climatique. C’est un défi mondial qui nous concerne tous, tant au niveau individuel que communautaire, et qui n’admet plus aucune sorte d’hésitation. C’est pourquoi il est essentiel que tous les pays progressent dans leurs engagements environnementaux et réalisent dès que possible une stratégie commune qui nous permettra de construire un monde plus respectueux de l’environnement, durable et inclusif.

De nombreuses études soutiennent le rôle et l’utilité de la soi-disant fiscalité verte, surtout en ce qui concerne la modification des pratiques néfastes pour l’environnement et la correction d’externalités négatives générées par certains biens, services et activités. Il existe également de nombreux débats sur la capacité redistributive des taxes environnementales et leur impact réel sur l’économie et les comptes publics. Il est vrai que la collecte des taxes environnementales pourrait encore être améliorée. Il convient de rappeler que ces types d’impôts ne génèrent pas de recettes, mais qu’ils essaient de fournir des mesures d’incitations suffisantes aux consommateurs et aux producteurs afin qu’ils modifient leurs pratiques vers une utilisation des ressources naturelles plus efficace et plus respectueuse.

Cependant, l’urgence de faire face à la crise climatique n’est pas seulement une question d’éthique publique. Correctement ciblée, c’est aussi une opportunité pour que la recherche et l’innovation deviennent la base sur laquelle s’appuient les changements structurels des modèles économiques, productifs et énergétiques. Ceci nous permettra de transformer notre modèle de croissance et de garantir un avenir plus prospère. Nous avons déjà d’abondantes dispositions et d’objectifs normatifs pris au niveau européen et international en la matière, mais nous devons maintenant aller plus loin et adapter nos anciennes politiques fiscales à ce nouveau scénario de responsabilités partagées. Nous devons veiller à ce que la taxation contribue à la nécessaire décarbonisation de l’économie, agissant comme un levier de changement dans la transition écologique, décourageant les pratiques néfastes dans les foyers et les usines et garantissant une plus grande justice sociale et intergénérationnelle.

Si nous voulons que ce processus de changement évolue vers un modèle de développement climatiquement neutre, il doit également être socialement bénéfique et inclusif. Le gouvernement espagnol est fermement engagé dans la lutte contre le changement climatique. En fait, nous avons transformé ce problème en politique nationale et, ces derniers mois, nous avons travaillé sur un ensemble ambitieux de mesures pour une transition écologique équitable. C’est une opportunité qui peut nous aider à mobiliser 236 milliards d’euros d’investissements publics et à générer entre 250 000 et 364 000 nouveaux emplois de qualité entre 2021 et 2030. La taxation fait également partie de cette stratégie, avec différentes propositions visant à décarboniser l’économie et à promouvoir la mobilité durable. Parmi eux : la péréquation des impôts sur les hydrocarbures. Il faudra commencer par une péréquation progressive des impôts sur les carburants diesel et essence, tout en maintenant les avantages fiscaux pour le « diesel professionnel » et celui consommé dans les activités agricoles et d’élevage.Nous pensons que la fiscalité environnementale peut être un bon ressort pour l’Union européenne afin d’annuler la règle de l’unanimité en matière de fiscalité et pour appliquer la procédure législative ordinaire basée sur la codécision et sur la majorité qualifiée du Conseil.

Concernant le débat existant sur la taxation des produits importés en fonction de leurs émissions de CO2, la proposition de « Taxes sur le carbone aux frontières » (BCA) est une contribution espagnole à l’agenda stratégique 2019-2024. Cette taxe protégera la compétitivité de l’industrie européenne des pratiques environnementales déloyales. En bref, il s’agirait d’une taxe carbone appliquée à la frontière sur les produits importés en fonction des émissions de CO2 libérées dans leur production, le tout dans le cadre d’un régime de taxation conforme aux exigences fixées par l’OMC. La directive établissant un système d’échange de quotas d’émission de GES au sein de l’UE a été approuvée afin que les États membres respectent leurs engagements de réduction des émissions de GES, et ceci a été pris en charge comme suite de la ratification du protocole de Kyoto. Ce régime s’appuie sur l’un des instruments de marché prévus par le protocole de Kyoto : l’échange de droits d’émission. L’échange de droits d’émission, de même que ceux basés sur des projets d’investissement dans les technologies propres dans les pays tiers, constituent les soi-disant « mécanismes de flexibilité ». La « taxe sur le carbone aux frontières » pourrait être considérée comme une ressource propre de l’Union européenne. Elle serait facile à gérer par les autorités douanières car les produits seraient classés selon leur code dans la nomenclature combinée. Par ailleurs, le montant de la taxe pourrait être calculé en prenant comme référence la taxe payée par les industries établies au sein de l’Union européenne en fonction du produit concerné.

Ainsi, par cette mesure, en plus de fournir des ressources financières au budget de l’Union européenne, les externalités négatives découlant des émissions de CO2 dans la fabrication de ces produits seraient internalisées et la compétitivité des industries européennes serait protégée. Cela contribuera également à diminuer les risques de délocalisation. En bref, nous actualiserions le cadre fiscal en fonction des nouvelles réalités du 21ème siècle et bâtirions ainsi une économie plus forte pour un avenir plus prospère.

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