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Le changement climatique, le plus grand défi et la plus grande opportunité de notre temps

Mauro Raffaele PETRICCIONE, DG, direction de l'action sur le climat

Mauro Petriccione

Introduction

Les dirigeants mondiaux, les négociateurs et la société civile se sont réunis plus tôt ce mois-ci à Madrid pour la conférence annuelle des Nations Unies sur le changement climatique. Le sévère avertissement du Secrétaire général Antonio Guterres a sonné fort et clair : « Le point de non-retour n’est plus au-delà de l’horizon. Il est en vue et se précipite vers nous ».
Dans cet article, je voudrais souligner l’approche de l’Europe face au changement climatique, qui est à la fois le plus redoutable des défis mais aussi la possibilité la plus prometteuse de notre époque. Nous travaillons sur l’adaptation aux effets du changement climatique ainsi que sur la construction d’un environnement politique permettant un changement sociétal vers une économie prospère, moderne, compétitive et climatiquement neutre. La bonne nouvelle est que nous possédons à la fois les connaissances techniques et les moyens physiques pour prévenir les effets les plus graves du changement climatique. La priorité absolue de l’humanité est donc de freiner la progression mortelle du changement climatique et de le maintenir dans des limites auxquelles notre espèce peut s’adapter.

L’action Européenne

Le projet européen jouait un rôle moteur dans les efforts de reconstruction du continent après la Seconde Guerre mondiale. Le double objectif de progrès économique et d’absence de guerre a été le fondement de la Communauté européenne et, par la suite, de l’Union européenne. La guerre était connue de tout le monde. La plupart des gens en avaient fait l’expérience et leurs enfants (ma génération) la considéraient toujours comme une véritable menace. Cependant, d’autres priorités sont survenues : l’égalité, les coutumes sociales, le féminisme et questions de genre, la révolution sexuelle, l’éducation, la démocratie « de la rue »… Nous tenions le bien-être économique pour acquis et voulions qu’il s’étende aux marginalisés. Nous ne considérions pas la paix comme allant de soi et voulions de meilleures garanties que la guerre ne reviendrait pas.
Pourquoi tout cela est-il important ? C’est important parce que cela nous donne un minimum de perspective afin de voir où nous en sommes aujourd’hui en Europe. Cela nous permet également de faire trois premières observations importantes :
Premièrement, que la stabilité économique reste fondamentale pour notre société et que le projet européen en reste la clé, que tout le monde le reconnaisse ou non.
Deuxièmement, la société européenne s’est fusionnée autour des valeurs fondamentales de démocratie, d’égalité, d’équité sociale et d’intégrité environnementale. Cela reste vrai malgré les défis toujours nouveaux que ces valeurs doivent affronter. Encore une fois, l’Union européenne et ses institutions sont le point d’ancrage de ces valeurs.
Troisièmement, il y a une prise de conscience dans toute l’Europe et une compréhension que le changement climatique est une question urgente et nécessite donc des actions urgentes. Ce n’est peut-être pas universelle, mais cette prise de conscience est très répandue et transcende les divergences politiques ainsi que la plupart des autres divergences philosophiques, religieuses ou sociales.
Une Europe agissant seule est bien sûr une stratégie inadéquate pour relever ce défi mondial. Néanmoins, l’Europe doit montrer l’exemple. Elle doit persuader et aider les autres à intensifier la lutte contre le changement climatique. Ce sont les jeunes Européens en particulier qui sont en colère, et c’est de leur droit. C’est une colère constructive basée sur l’idée de renverser les « bonnes vieilles habitudes » dans tous les aspects de la vie, afin de rendre notre société et notre économie plus efficaces, résilientes et durables.
Nous avons les moyens d’y parvenir, ainsi qu’un peu de temps pour agir. Bien évidemment, ce sera une tâche titanesque. Le monde doit renverser la tendance d’un siècle et demi de développement économique, et tout ça en un demi-siècle. Ceci va pour les pays sous-développés, mais pour les pays économiquement et technologiquement avancés, ça devrait se faire dans une trentaine d’années.

Qu’avons-nous fait jusqu’à présent ?

La prise de conscience européenne et sa détermination d’agir quant aux changements climatiques datent de longtemps. En fait, les émissions de gaz à effet de serre en Europe ont connu un sommet à la fin des années 70 et n’ont cessé de diminuer depuis. L’Union européenne s’attend probablement à surpasser son objectif de 2020 de 20% de réduction des émissions par rapport aux niveaux de 1990. En outre, elle est en passe d’atteindre ses objectifs d’augmenter la part des énergies renouvelables de 20% et d’améliorer l’efficacité énergétique de 20% également.
Entre-temps, l’agenda politique a continué de progresser. En 2014, le Conseil européen a convenu d’un objectif de réduction des émissions : au moins 40% d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990. Cet objectif s’est décliné ensuite en la Contribution Déterminée au Niveau National de l’UE. Il s’agit notamment d’un engagement volontaire soumis à des obligations de rapport et de transparence ainsi qu’une révision par des pairs en vertu de l’Accord de Paris. À l’heure actuelle, l’Union européenne a convenu d’un ensemble de législations contraignantes pour atteindre cet objectif global.
Cela comprend la récente réforme du Système Communautaire d’Échange de Quotas d’Émission de l’UE (SCEQE). Il s’agit d’un système de plafonnement et d’échange en vertu duquel le secteur de la production d’électricité, et pratiquement tous les secteurs industriels, sont obligés de réduire – ou de payer – leurs émissions. Globalement, les émissions auxquelles le SCEQE s’applique doivent être réduites de 43% d’ici 2030 par rapport à 2005. L’introduction d’une Réserve de Stabilité du Marché aidera à garantir qu’il n’y a pas d’excédent de quotas du SCEQE sur le marché. Cette introduction, tout comme la révision du SCEQE, a renforcé le signal de prix du carbone de l’UE – le prix d’une tonne de carbone, qui avait baissé jusqu’à 5€, fluctue désormais autour de 25€.
En vertu du Règlement sur le Partage de l’Effort, les États membres ont une obligation collective de réduire leurs émissions dans les secteurs qui ne sont pas couverts par le SCEQE. Ces secteurs comprennent les transports, les bâtiments, les déchets, l’agriculture et la foresterie. La réduction devrait donc correspondre à 30% d’ici 2030 par rapport à 2005. Ceci est divisé en objectifs nationaux fondés sur les principes d’équité, de rentabilité et d’intégrité environnementale.
Le règlement sur l’Utilisation des Terres, le Changement d’Affectation des Terres et la Foresterie contraint les États membres à veiller à ce que les émissions comptabilisées liées à l’utilisation des terres soient entièrement compensées. Cette compensation se fera par une élimination équivalente de CO₂ de l’atmosphère, connue sous le nom de la règle du « non débit ».
Le règlement de l’UE sur la Gouvernance d’Énergie impose aux États membres d’établir des Plans Nationaux d’Énergie et de Climat, qui seront assujetties à un examen par les pairs. Ils feront également l’objet de recommandations en vue de leur amélioration par la Commission Européenne. L’UE a également établi des normes pour les émissions de CO₂ des voitures et des camions. D’ici 2030, les émissions de CO₂ des voitures neuves devront être de 37% inférieures à celles de 2020, plus une réduction de 30% pour les camions.
Enfin, nous avons une mesure législative européenne qui exige une augmentation de 32% de la part des énergies renouvelables ainsi qu’une amélioration de 32,5% de l’efficacité énergétique d’ici 2030.
L’effet cumulatif de ces mesures devrait permettre à l’UE de dépasser son objectif d’au moins 40% de réduction des émissions de GES d’ici 2030 par rapport à 1990, et d’atteindre une réduction d’environ 45%. Il est évident que l’Europe actuelle est fermement engagée sur la voie de la décarbonisation et qu’il est possible de dissocier les émissions de GES de la croissance économique. En d’autres termes, l’Europe a montré qu’il est possible de profiter, dans les bons et mauvais climats économiques, de la réduction des émissions de GES.
Malgré la nature transformative de l’objectif Europe 2030, il reste encore beaucoup à faire. Le moment est venu de passer d’une logique de réduction progressive des émissions à un objectif de véritable neutralité climatique.

L’Accord Vert Européen

La nouvelle Commission Européenne, dirigée par Ursula von der Leyen, a pris ses fonctions le 1er décembre 2019. L’une des priorités essentielles de la nouvelle Commission est d’aborder la question du changement climatique. Au cours de ses deux premières semaines de prise de fonction, la Commission avait déjà présenté l’Accord Vert Européen. Cet accord, piloté par le vice-président exécutif Timmermans, s’apprête à devenir une nouvelle stratégie de croissance pour l’Europe. Ceci transformera l’UE en une société équitable et prospère avec une économie moderne, économe en ressources et compétitive. De plus, il n’y aura plus d’émissions de GES d’ici 2050 et la croissance économique sera dissociée de l’utilisation des ressources. Il s’agit des mesures les plus ambitieuses à ce jour. Ils devraient permettre aux citoyens et aux entreprises européennes de bénéficier d’une transition verte durable. L’accord combine un ensemble de politiques et de mesures transformatives pour lutter contre le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution. L’accord réformera aussi l’utilisation inefficace des ressources pour passer vers une économie plus circulaire. Ceci fournira non seulement un air et une eau plus propres pour les citoyens, mais renforcera l’économie pour le bien de tous. Ça mettra l’Europe sur la voie d’un avenir durable et prospère sans laisser personne pour compte.
Un élément clé de l’Accord Vert Européen est l’objectif de neutralité climatique d’ici 2050. En 2018, la Commission a présenté sa vision d’une union européenne climatiquement neutre d’ici 2050. La vision est basée sur sept éléments constitutifs : une efficacité énergétique accrue, un système de mobilité propre et connecté, une économie circulaire concurrentielle, des infrastructures connectées et de haute qualité, une stimulation de la bioéconomie et des puits de carbone naturels, et l’utilisation du captage et du stockage du carbone. Après un long débat avec les intervenants, l’objectif a été approuvé par le Conseil Européen en décembre – avec un État membre exigeant plus de détails pour la mise en œuvre. Cela permettra à l’UE de présenter sa stratégie à long terme dans le cadre de l’Accord de Paris en 2020. En outre, dans le cadre de l’Accord Vert Européen, l’objectif 2050 sera également transposé dans les législations européennes durant les 100 premiers jours du mandat de la Présidente Mme von der Leyen.
Dans le cadre de l’Accord Vert, l’UE se penchera aussi sur une action climatique ambitieuse pour 2030. D’ici l’été 2020, la Commission présentera une étude d’impact visant à réduire l’objectif de réduction des émissions de GES de l’UE à au moins 50%-55% d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990 et ce de façon responsable. Des évaluations similaires seront entreprises sur d’autres projets de loi clés qui soutiennent notre politique climatique, y compris la Stratégie d’Adaptation de l’UE pour s’adapter aux changements climatiques.
L’Accord Vert couvre tous les aspects de l’économie : transports, énergie, agriculture, bâtiments et industrie. Nous travaillerons à faire évoluer notre industrie pour relever le double défi d’une transformation verte et numérique. Une nouvelle stratégie industrielle ainsi qu’un nouveau plan d’action pour l’économie circulaire faciliteront la transition vers une économie plus circulaire. Nous prendrons des mesures ambitieuses pour une mobilité plus respectueuse de l’environnement et une agriculture écologique afin d’assurer une politique alimentaire durable. Nous proposons également de travailler sur une vague de rénovation des bâtiments à travers l’Europe avec les parties concernées. Ceci aidera l’Europe à atteindre ses objectifs en matière de climat et d’efficacité énergétique. Nous savons qu’atteindre les objectifs de l’Accord Vert Européen nécessitera des investissements supplémentaires considérables. La Commission présentera donc un Plan d’Investissement pour une Europe Durable afin de répondre aux besoins de financement supplémentaires. Le plan combinera des financements dédiés pour soutenir les investissements durables dans un cadre amélioré plus propice aux investissements verts. De plus, au moins 30% du Fonds InvestEU contribuera à lutter contre le changement climatique. Les projets seront soumis à une étude de durabilité pour examiner leurs contributions aux objectifs climatiques, environnementaux et sociaux.
Le budget de l’UE jouera un rôle clé. En effet, la Commission a proposé un objectif de 25% pour l’intégration du climat dans tous les programmes de l’UE. Dans le cadre de la révision du SCEQE, la Commission examinera également le rôle des Fonds d’Innovation et de Modernisation. Le but est de renforcer leur rôle et efficacité dans le déploiement de solutions climatiquement innovantes et neutres dans l’ensemble de l’UE.
La lutte contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement est notre tâche commune, mais toutes les régions et tous les États membres n’en sont pas au même point. Pourtant, cette transition ne peut réussir que si elle est menée de manière équitable et inclusive. La Commission proposera donc un Mécanisme de Transition Juste, y compris un Fonds pour une Transition Juste, axés sur les régions et les secteurs les plus touchés par la transition car ils dépendent des combustibles fossiles. Ils s’appuieront sur des sources de financement provenant du budget de l’UE ainsi que du groupe BEI pour mobiliser les ressources privées et publiques nécessaires. Ceci assurera une transition socialement équitable qui ne laissera personne pour compte.
Dernier élément mais non des moindres, l’engagement actif de la société civile dans la transition est primordial. Les entreprises et tous les citoyens doivent approuver et soutenir les politiques et mesures nécessaires. La Commission lancera un Pacte Climatique au cours de l’année 2020 afin que la société civile puisse faire entendre sa voix dans l’élaboration de nouvelles actions, le partage d’informations et la valorisation d’activités locaux qui amélioreront l’environnement.
Les défis mondiaux du changement climatique et de la dégradation de l’environnement nécessitent une réponse mondiale. L’Accord Vert souligne l’ambition de l’UE d’agir en tant que leader mondial du changement à travers plusieurs initiatives envisagées dans un cadre multilatéral et bilatéral. Si l’Union européenne ne fait pas preuve de leadership, personne d’autre n’ouvrira la voie. Nous devons démontrer notre modèle de travail pour une société propre, prospère et durable qui ne laisse personne pour compte. Ensuite, d’autres suivront.
Il est clair que nous devons concentrer nos efforts sur les quelques dix années à venir. Nous devons mettre en place les politiques et mesures nécessaires et déployer correctement nos investissements, si nous voulons que les résultats se déroulent dans des délais plus raisonnables d’ici 2050. Dans l’UE, nous avons un plan et un programme chargé pour les années à venir afin de mener à bien une transformation prospère et équitable vers une Union européenne climatiquement neutre.

Pour plus d’information :
Communication sur l’Accord Vert Européen

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