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Les énergies renouvelables en mer

rencontre avec Ditte Juul-Joergensen, Directrice Générale de la DG Energie Commission Européenne (DG ENER)

Ditte JUUL-JOERGENSEN

Que sont les énergies renouvelables en mer?

Les énergies renouvelables en mer peuvent provenir d’une diversité de sources abondantes, naturelles et propres. Les technologies qui permettent de les exploiter se trouvent à différents stades de développement.
• Possédant actuellement une capacité installée de 12 GW dans les eaux de l’UE, la technologie éolienne fixe en mer est déjà bien avancée.
• L’éolien en mer flottant, pour lequel certains États membres annoncent de vastes projets commerciaux, possède une capacité installée de 40 MW.
• Quant aux technologies liées à l’énergie océanique telles que les dispositifs houlomoteurs et marémoteurs, elles atteignent, avec une capacité installée actuelle de 13 MW, un degré de maturité qui les rend intéressantes pour de futures applications.
• D’autres technologies, telles que les biocarburants produits à partir d’algues (biodiesel, biogaz et bioéthanol), les installations photovoltaïques flottantes et la conversion de l’énergie thermique, n’en sont qu’au premier stade de leur développement aujourd’hui mais pourraient être prometteuses pour l’avenir.

Comment cette stratégie contribue-t-elle à la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe?

La décarbonation du secteur de l’électricité grâce aux énergies renouvelables est l’un des éléments phares du pacte vert pour l’Europe. Les énergies renouvelables en mer comptent parmi les technologies qui présentent le plus fort potentiel de développement, étant donné le grand nombre et l’immense diversité des bassins maritimes de l’UE ainsi que la baisse ininterrompue du coût des nouvelles installations. L’intensification de la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables en mer permettrait d’accroître, au sein de notre économie, l’utilisation directe d’électricité sur un éventail élargi d’applications finales. Elle permettrait également de soutenir l’électrification indirecte au moyen d’hydrogène renouvelable et d’autres gaz décarbonés. D’après les projections de l’analyse d’impact qui accompagne le plan cible en matière de climat à l’horizon 2030, une capacité estimée à 300 GW d’énergie éolienne en mer, devant être complétée par environ 40 GW d’énergies océaniques, serait nécessaire pour ériger, d’ici à 2050, un système énergétique intégré, plus vert et climatiquement neutre. Cette stratégie expose les moyens d’y parvenir.

La stratégie profite-t-elle à l’ensemble des États membres?

L’UE, qui dispose du plus grand espace maritime au monde, se trouve dans une position unique pour développer les énergies renouvelables en mer.
• La mer du Nord possède un potentiel naturel élevé pour l’éolien en mer grâce aux eaux peu profondes ainsi qu’un potentiel localisé d’énergie houlomotrice et marémotrice.
• La mer Baltique offre un potentiel élevé d’éolien en mer et un certain potentiel localisé d’énergie houlomotrice.
• Les pays de l’UE bordant l’océan Atlantique possèdent un fort potentiel d’éolien en mer (tant posé que flottant) ainsi qu’un bon potentiel naturel d’énergie houlomotrice et marémotrice.
• La mer Méditerranée offre un potentiel élevé d’éolien en mer (essentiellement flottant) et un potentiel localisé d’énergie marémotrice et houlomotrice.
• La mer Noire recèle un bon potentiel naturel pour l’éolien en mer (posé et flottant) et un potentiel localisé d’énergie houlomotrice.
• Les îles de l’UE disposent d’un grand potentiel en matière d’énergies marines et peuvent jouer un rôle important dans le développement de l’énergie en mer de l’UE. Elles constituent d’intéressants terrains d’essai et de démonstration pour des technologies innovantes de production d’électricité en mer.
L’activité industrielle qui sous-tend l’énergie en mer, y compris la construction de tours et de fondations, les fournisseurs de câbles et les exploitants de navires, est répartie sur tout le territoire de l’UE. Par exemple, les composants d’éoliennes sont fabriqués en Autriche, en Tchéquie et dans des régions intérieures d’Espagne, de France, d’Allemagne et de Pologne. Actuellement, 62 000 personnes sont employées dans le secteur européen de l’éolien en mer et quelque 2 500, dans celui de l’énergie océanique.
L’énergie produite alimentera le réseau énergétique sur tout le territoire de l’UE, réduira notre dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles et profitera aux consommateurs de l’UE, quel que soit l’endroit où ils vivent.

Comment cette stratégie aide-t-elle l’Europe à se rétablir de la crise de la COVID-19?

Le déploiement massif des énergies renouvelables en mer servira de catalyseur au secteur, favorisant la croissance économique et la création d’emplois sur tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement des énergies renouvelables. Le secteur des technologies liées aux énergies renouvelables en mer fait déjà mieux que celui des énergies conventionnelles en ce qui concerne la valeur ajoutée, la productivité de la main-d’œuvre et l’emploi et pourrait fortement contribuer à la croissance économique de l’UE dans les années à venir.
La facilité pour la reprise et la résilience, dotée d’une enveloppe de 672,5 milliards d’euros, consacrera 37 % de ses fonds à la transition écologique; elle pourra également servir à financer les réformes et les investissements dans les énergies renouvelables en mer au titre de l’initiative phare «Power up».
Le financement au titre de la facilité pour la reprise et la résilience devra être engagé d’ici à la fin de 2023. Il est par conséquent essentiel que les États membres puissent présenter une réserve de projets aboutis, en étroite coopération avec les entreprises qui se préparent déjà à investir. La stratégie contribue à orienter ce développement. La facilité pour la reprise et la résilience peut aussi soutenir, d’une part, les investissements dans les infrastructures portuaires et dans les raccordements au réseau, et, d’autre part, les réformes nécessaires pour faciliter le déploiement des énergies renouvelables en mer et l’intégration aux systèmes énergétiques (par exemple, grâce à des procédures d’autorisation rationalisées, à la planification des réseaux et de l’espace maritime, et aux enchères en matière d’énergies renouvelables en mer).

Quel est le montant des investissements nécessaires; en quoi la stratégie contribuera-t-elle?

Les investissements nécessaires au déploiement à grande échelle des technologies liées aux énergies renouvelables en mer d’ici à 2050 sont estimés à près de 800 milliards d’euros, dont deux tiers pour financer les infrastructures de réseau connexes et un tiers pour la production d’électricité en mer. La plupart de ces fonds proviendront d’investissements privés. La stratégie vise à apporter une sécurité aux investisseurs et à atténuer le risque perçu par un déploiement ciblé de fonds publics. Des mesures telles que la future révision des lignes directrices concernant les aides d’État et celle de la directive sur les énergies renouvelables fourniront un cadre pleinement actualisé pour permettre le déploiement rentable des énergies propres.
La Commission européenne, la Banque européenne d’investissement et d’autres institutions financières collaboreront pour soutenir les investissements stratégiques dans les énergies renouvelables en mer. Outre la facilité pour la reprise et la résilience, les instruments de financement de l’UE suivants peuvent jouer un rôle stratégique dans le déploiement de technologies liées aux énergies renouvelables en mer:
• Le programme InvestEU peut, par ses différents volets, fournir un soutien financier et des garanties pour les technologies émergentes afin d’accélérer les investissements privés.
• Il est possible de recourir au mécanisme pour l’interconnexion en Europe à titre d’instrument de soutien pour promouvoir le développement des infrastructures de réseau mais aussi les projets transfrontaliers dans le domaine des énergies renouvelables en mer.
• Le mécanisme de financement des énergies renouvelables permettra aux États membres, dès 2021, de verser des contributions financières à des projets dans le domaine des énergies renouvelables et de recevoir des avantages statistiques en retour.
• Horizon Europe soutient le développement et l’expérimentation de solutions nouvelles et innovantes.
• Le Fonds pour l’innovation, qui relève du système d’échanges de quotas d’émission de l’UE (SEQE de l’UE), peut financer la démonstration de technologies propres innovantes à l’échelle commerciale, telles que l’énergie océanique, de nouvelles technologies éoliennes flottantes en mer ou des projets de couplage de parcs éoliens en mer au stockage de batteries ou la production d’hydrogène.
• Les ressources du Fonds pour la modernisation, qui relève du SEQE de l’UE, seront, elles aussi, mises à disposition pour financer le développement des énergies renouvelables en mer dans les 10 États membres éligibles.

Quels changements réglementaires la stratégie prévoit-elle pour faciliter une expansion rapide des énergies renouvelables en mer?

Un cadre juridique prévisible à long terme est essentiel pour apporter une sécurité à tous les organismes concernés et pour mobiliser le financement des investisseurs.
Le cadre réglementaire actuel n’a pas été conçu pour s’appliquer à des projets transfrontaliers dans le domaine des énergies renouvelables ni aux défis particuliers qu’ils posent. Il est donc nécessaire de clarifier les règles du marché de l’électricité, qui sont précisées dans le document de travail des services de la Commission accompagnant la stratégie. Se fondant sur l’application de ces orientations, la Commission évaluera comment le cadre actuel du marché de l’électricité soutient le développement des énergies renouvelables en mer, et elle examinera la nécessité éventuelle d’élaborer des règles plus spécifiques et plus ciblées.
La création d’une zone de dépôt des offres en mer constituerait la modalité la plus appropriée pour assurer une expansion importante des énergies renouvelables en mer car elle permet une intégration complète des énergies de ce type au marché. Grâce à cette approche, l’électricité renouvelable peut être acheminée là où elle est nécessaire et la sécurité d’approvisionnement régionale s’en trouve renforcée. D’après des consultations et des études, des zones de dépôt des offres en mer pour les projets hybrides pourraient être instituées d’une manière compatible avec les règles du marché de l’électricité. Il faudrait résoudre les effets de redistribution de cette approche.
Qui plus est, afin de relever le défi pratique et physique des projets de connexion à plusieurs marchés régis chacun par des règles différentes en matière de connexion, il conviendrait de mettre au point une approche commune des exigences de connexion au réseau pour les réseaux à haute tension à courant continu, en s’appuyant sur l’expérience acquise dans le bassin de la mer du Nord.

Que prévoit la stratégie sur le plan du développement des infrastructures?

L’augmentation de la production d’énergies renouvelables en mer nécessite de disposer d’infrastructures adéquates pour rationaliser au mieux l’utilisation de l’électricité produite.
Afin de garantir l’expansion des énergies renouvelables en mer de la manière la plus rentable possible, le développement et la planification des infrastructures doivent dépasser les frontières nationales et avoir lieu au niveau régional, plus précisément au niveau des bassins maritimes. Cela peut se traduire par des projets hybrides combinant la production d’énergies renouvelables en mer et leur transport dans un cadre transfrontalier. Des projets de ce type permettront de réaliser d’importantes économies par rapport à l’approche actuelle.
Une nouvelle étape dans le développement des infrastructures énergétiques européennes consistera en un réseau maillé en mer. Ce réseau, qui serait semblable au réseau de transport interconnecté terrestre, au sein duquel l’électricité peut circuler dans de nombreuses directions, permettrait un déploiement rentable et entièrement intégré des énergies renouvelables en mer.
La Commission œuvre actuellement à la révision du règlement RTE-E, instrument de planification à long terme pour un réseau énergétique intégré, ouvrant la voie aux investissements et aux avantages réglementaires de l’UE. Le nouveau règlement traitera du développement des infrastructures de réseau pour les énergies renouvelables, y compris en mer.

Comment la stratégie soutiendra-t-elle la recherche et l’innovation dans le domaine des énergies renouvelables en mer?

La stratégie est technologiquement neutre afin que le potentiel de tous les bassins maritimes puisse être exploité. Au titre du premier programme de travail d’«Horizon Europe» pour 2021 et 2022, la Commission s’emploiera à promouvoir les activités de recherche et d’innovation dans le secteur des énergies renouvelables en mer. Outre des mesures particulières tout au long de la chaîne de valeur de l’éolien en mer, la Commission œuvrera avec les États membres et les régions à l’utilisation coordonnée des fonds disponibles en faveur des technologies liées à l’énergie océanique (par exemple, houlomotrice et marémotrice) afin de parvenir à une capacité totale de 100 MW dans l’ensemble de l’UE d’ici à 2025, et à environ 1 GW d’ici à 2030. La recherche et l’innovation dans le domaine de l’intégration des infrastructures, la circularité dès la conception, le remplacement des matières premières critiques, les incidences éventuelles sur l’environnement ainsi que l’acquisition de compétences et la création d’emplois pourraient également figurer parmi les actions à venir.
Afin d’encourager la poursuite du développement des infrastructures et des technologies de réseau, la stratégie prône la coopération entre les gestionnaires de réseau de transport, les fabricants et les promoteurs de l’éolien en mer en vue de lancer un projet de démonstration à grande échelle pour un réseau à haute tension à courant continu.

Comment la stratégie traite-t-elle de la coexistence des énergies renouvelables en mer et d’autres utilisations de l’espace maritime?

Les espaces maritimes adaptés à l’exploitation de l’énergie en mer devraient être compatibles avec la protection de la biodiversité ainsi qu’avec d’autres utilisations de l’espace maritime et avec les activités économiques qui y sont exercées, telles que la pêche, le transport maritime, le tourisme et la défense. On estime qu’une extension du secteur conformément à la stratégie requiert moins de 3 % de l’espace maritime européen et qu’elle peut se faire dans le respect des objectifs de la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité.
La Commission collaborera avec les États membres afin d’intégrer les objectifs de développement des énergies renouvelables en mer, fondés sur leurs plans nationaux respectifs en matière d’énergie et de climat, dans les plans nationaux issus de la planification de l’espace maritime qui doivent être publiés en mars 2021. La coopération régionale sera un élément déterminant d’une planification efficace de l’espace maritime qui permettrait de réussir le déploiement à grande échelle des énergies renouvelables en mer. La Commission favorisera une coopération transfrontalière efficace entre les États membres au sein de chaque bassin maritime ainsi que les projets pilotes prévoyant des utilisations multiples et, à cet égard, recourra à l’expertise d’organisations régionales.
Enfin, l’adhésion du public est une condition sine qua non pour déployer les énergies renouvelables en mer de manière inclusive, durable et réussie. La consultation publique fait partie intégrante des évaluations environnementales et des processus de planification de l’espace maritime. La participation précoce de tous les groupes concernés est capitale pour faire en sorte que toutes les incidences soient prises en considération, et est nécessaire pour le déploiement en temps utile de nouvelles capacités. Dans sa stratégie, la Commission s’engage à analyser plus en détail les interactions entre les énergies renouvelables en mer et les autres activités en mer, ainsi qu’à encourager le dialogue entre toutes les communautés concernées.

Comment la stratégie traite-t-elle des incidences environnementales potentielles des énergies renouvelables en mer?

Un principe cardinal de la stratégie consiste à veiller à ce que le déploiement des énergies renouvelables en mer soit durable et respectueux de la biodiversité et de l’environnement. Le développement des énergies renouvelables en mer est soumis à la politique et à la législation de l’UE en matière d’environnement ainsi qu’à la politique maritime intégrée.
On peut parvenir à étendre et à développer davantage l’industrie éolienne en mer dans le respect de la stratégie en faveur de la biodiversité, dont l’UE s’est dotée, en augmentant la production d’énergies renouvelables tout en assurant un degré élevé de protection de l’environnement et de la biodiversité. À cet égard, la Commission a également adopté aujourd’hui un nouveau document d’orientation sur le développement de l’énergie éolienne et la législation de l’Union européenne relative à la conservation de la nature afin de faciliter une mise en œuvre cohérente des politiques en matière d’énergies renouvelables et de protection de la nature.
Conformément à la stratégie en faveur de la biodiversité, qui préconise l’extension du réseau européen de zones protégées en mer de 11 % à 30 % de la superficie marine, la stratégie promeut la protection des écosystèmes marins vulnérables. Les conventions maritimes régionales peuvent également jouer un rôle dans le partage des connaissances et dans la prise de décisions juridiquement contraignantes pour protéger le milieu marin.
D’après les données probantes actuelles, l’extension envisagée des énergies renouvelables en mer peut se faire sans avoir d’incidences négatives sur l’environnement. Toutefois, afin que cet état de fait demeure, la stratégie prévoit la réalisation d’une analyse approfondie systématique des incidences cumulatives potentielles sur le milieu marin et des interactions entre les énergies renouvelables en mer et d’autres activités en mer. Dans ce contexte, le service Copernicus de surveillance du milieu marin et le réseau européen d’observation et de données du milieu marin (EMODnet) constitueront des outils utiles. La Commission propose de créer en 2021 une communauté d’experts représentant les pouvoirs publics, les parties prenantes et la communauté scientifique afin d’analyser, d’évaluer et de surveiller les incidences environnementales, sociales et économiques des énergies renouvelables en mer.
Une mesure ultérieure destinée à étudier l’incidence environnementale de ce secteur consistera, pour la Commission, à adopter une approche du cycle de vie en ce qui concerne l’utilisation des composants des technologies liées aux énergies renouvelables en mer, qui comprendra des aspects intéressant la recyclabilité, la réutilisation et la fin de vie. Dans ce contexte, les coûts et les incidences du démantèlement d’installations en mer seront attentivement évalués. L’aspect relatif à l’économie circulaire sera mis en évidence par l’élément fondamental que constitue le principe de «circularité dès la conception».

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